Friday Night Lights est l'une des séries les plus surprenantes qu'il m'ait été donné de voir. Surprenante à tous les stades. Déjà, chose la plus frappante, c'est que l'on se plaît à suivre, avec une énorme tendresse, des historiettes qui nous auraient paru indigestes si on les avait découvertes dans un autre soap lambda. Mais ici, ironiquement, l'on se retrouve plus à réprimer ses sanglots qu'à rouler de l’œil.
Car les différentes intrigues et sous-intrigues n'évitent pas forcément l'écueil du mélodrame teenage (autour des ruptures amoureuses, des premières fois, des relations parents / enfants, de la crise d'adolescence), mais c'est la manière dont elles sont abordées qui fait la différence : avec une affection infinie et palpable pour ses personnages, Peter Berg effectue le tour de force de transmettre une réelle empathie pour ces derniers.
Par ailleurs, l'utilisation d'une shaky-cam, à grand renfort de zooms et de cuts nerveux, qui pouvait rebuter au début, finit par tomber sous le sens, conférant à la série une ambiance semi-documentaire venant pertinemment embrasser son sujet : l'observation à la limite du naturalisme de Dillon, Texas, dans laquelle nous sommes réellement immergés. Parce que le football américain (dont comme beaucoup je ne connaissais quasiment rien), qui tient lieu de pièce maîtresse dans l'intrigue, apparaît vite comme un prétexte à une prise de vue bien plus large.
Finalement, ça n'est pas tant le parcours glorieux d'une équipe de sport qui nous est contée que celui d'une ville paumée de l'Amérique profonde, dont la religion et le foot sont le seul opium. La critique, parfois difficilement décelable tant Peter Berg semble se résoudre à un fatalisme culturel sans y apposer aucun jugement réel (sur les questions du racisme, de la bigoterie ou du traditionnalisme), se lit davantage dans le cul-de-sac face auquel se retrouvent ses jeunes personnages : coincés dans un no man's land économique sans horizon, ils rêvent de devenir les stars sportives de demain ou d'obtenir une bourse universitaire pour quitter leur bled et ne plus jamais y revenir.
Mais tristement, et dans la plupart des cas, le fantasme finit par revêtir l'habit de la réalité et ces-derniers demeurent enclavés par un déterminisme social étouffant qui ne les mènera nulle-part ailleurs que sur la route de leurs parents (le Texas Forever, crédo de Tim Riggings, et bien qu'il soit répété à la fin de la série, finit par se muer en un désir croissant d'ailleurs).
Ce désespoir latent émeut, et Friday Night Lights se fait à fleur de peau, dans son analyse crue des déchirements existentiels de personnages qui sont entraînés au dépassement de soi par un coach déterminé et encourageant, comme le mirage d'un espoir à contenter pour devenir pleinement soi-même. Et ce sans tomber dans un misérabilisme facile ou un larmoyant plombant.
En fait, je dirais que c'est une peinture ambivalente de l'american dream, qui en dénonce les travers sans jamais clairement se détacher de ses ambitions, ayant ainsi recours à un discours américanisant qui peut agacer. Mais encore une fois, Peter Berg ne fait que montrer, sur un ton subjectivant, sans clairement distiller une opinion claire : les appels à Dieu, les valeurs du mariage (icônisées par le couple Tami / Eric), de l'effort et du travail. Aussi, il est complexe de discerner la morale tenue par certains personnages (autour de l'avortement, du sexe avant l'âge légal, de la drogue) de celle du créateur, rendant problématique toute réelle considération politisante ; tout étant énormément subjectivé.
En tout cas, Friday Night Lights fut une expérience réellement dépaysante et émouvante, que je n'aurais jamais cru autant adorer (et Tyra).
Clear eyes, full heart, can't lose !