Ça fait quatre jours, moins de quatre-vingt-seize heures, et je ne m'en suis toujours pas remise. Oui, j'ai peur, parce qu'il faut que j'écrive à quel point j'ai aimé The Last of Us. Je dois, absolument, lui rendre justice. Et tandis que j'écoute le morceau The Path (A New Beginning) de la BO, mon cœur déborde d'émotions frisonnantes et renversantes, comme un tourbillon de sentiments passionnés faisant vibrer chaque nerfs de mon corps. Il pleut dehors - un temps apocalyptique - et je pense à The Last of Us, emballée, parce qu'il y a quatre jours de ça, une œuvre est définitivement entrer dans ma vie. Certains préfèrent la vraie vie, et moi je suis tombée amoureuse d'Ellie, ce petit bout de femme au regard attendrissant et à la voix qui glisse en moi comme la lame d'un couteau acéré qu'on me planterait lascivement depuis l'intérieur avant de le tourner avec une attention scrupuleuse, doucement. Quelle belle douleur, addictive et dévastatrice, mais pourtant si délicate. Je sens des goûtes de sang s'écouler sous ma peau tandis que d'autres descendent le long de mes joues.


Il y a déjà eu des jeux que j'adorais, auxquels je m'amusais à rejouer. Mais pas comme ça. Je peux dire que The Last of Us est le meilleur jeu auquel j'ai jamais joué, indéniablement. D'ailleurs, je n'y ai pas juste joué. Je l'ai vécu, de tout mon être. C'est plus qu'un jeu, c'est une aventure humaine d'une beauté saisissante lorgnant du côté du cinéma sans avoir à rougir, au contraire. Et c'est l'une des plus belles que j'ai vécue. Je n'avais jamais vécu ça avec un jeu vidéo. C'est un chef d’œuvre unique, et je comprends pourquoi, depuis sa sortie, on lui confère le titre de meilleur jeu de tous les temps. Je ne joue pas beaucoup (quoi que j'entreprenne de m'y remettre, parce que j'en redemande) mais je peux le dire aussi : The Last of Us est le meilleur jeu de tous les temps. Instinctivement (et ça n'engage que moi), je sens que rares seront ceux qui s'imposeront à niveau égal de celui-ci.


C'est plus qu'un jeu, et c'est une expérience transcendante et transcendée, qui m'a traversé de part et d'autre avec fulgurance. Qui s'est installée en moi, progressivement, au chaud, comme si elle s'était propagée dans mes veines. Et qui ne me quitte plus depuis. Je suis hantée par The Last of Us. Cela fait quatre jours que j'avance avec l'ombre du jeu comme accolée à mon âme. Dans un semi-fantasme éveillé faisant battre mon cœur, épris de l'air que je respire. Il y a des œuvres qui vous comblent, deviennent partie intégrante de ce que vous êtes, laissent une marque indélébile, gravées en vous comme si on l'eut taillée au couteau. C'est à la fois indiciblement douloureux et tellement magnifique. The Last of Us fait partie de celles-là. De ces œuvres qui se sont muées, de leur domaine respectifs à mon intime, à quelque chose de similaire à un organe vital : quelque chose qui vous permet de vivre, sans lequel vous sentez que vous ne vivriez pas de la même façon. Quelque chose qui vous obsède, et dont il ne passe pas une journée sans que vous y pensiez. Comme s'il allait de soi qu'elle était un pan de votre existence. Ce sont des œuvres formatrices, qui vous bouleversent à jamais.


The Last of Us m'a bouleversé. Et ce dès les premières minutes. Quand l'introduction, avec Sarah, s'est terminée, j'ai senti que ce que je venais de vivre et que je m'apprêtais à vivre était exceptionnel, du jamais-vu. Je suis restée abasourdie et chamboulée. Et j'ai vécu une expérience renversante. Je vivais le jeu, j'y étais. Ce (quatrième) mur qui me séparait de l'action n'existait plus, tant les auteurs sont parvenus à le détruire en faisant le plus possible en sorte que le joueur soit pleinement immergé dans ce qui se déroule. On ne fait pas en sorte que les personnages survivent, on survit avec eux. Parce qu'on est eux, on est leur compagnon. Ce qu'ils vivent, nous le vivons, ce qu'ils ressentent, nous le ressentons. Et c'est pourquoi l'impact émotionnel que The Last of Us a eu sur moi a été immense, autant pendant que je jouais qu'après. Les émotions des personnages m'ont été transmise comme un coup porté au cœur, et les conséquences furent terrassantes : comme un éclat brutal de verre, je me suis effondrée, et j'ai laissé couler mes émotions.


Ellie. J'aurais souhaité te prendre dans mes bras. T'emmener loin et, comme Joel à un moment-donné (peut-être le plus beau moment du jeu), te murmurer que j'étais là, te consoler, te dire que tout irait bien et que tu pouvais entièrement me faire confiance. Que je ne t'abandonnerais pas, jamais. Et comme une promesse soufflée à l'oreille, je te parlais comme si tu avais pu m'entendre : tu es tout ce qui importe dans ce monde qui tombe en lambeau. La seule lueur d'espoir, la cadeau de l'humanité, la sauveuse. Ma sauveuse. L'idée que tu puisses mourir, que je puisse te laisser mourir, me tuait, et je ne l'aurais jamais acceptée, ni supportée. J'aurais voulu te protéger de l'horreur, que tu n'aies jamais vécu tout ça, que tu ais pu être préservée. Je suis fière de toi. Tiens le coup, je t'en prie, te voir souffrir me fait trop mal.


J'ai lu que certaines joueurs en voulaient à Joel pour sa fameuse décision : l'Humanité (si inhumaine, après tout ce qu'on avait pu voir au travers de l'expédition) ou Ellie ? Sans dévoiler le dénouement final, cette perspective m'a tellement paniqué que mon attachement, mon amour pour Ellie a immédiatement pris le dessus, comme un ras-de-marrée soudain. Je ne saurais dire quelle eut été la meilleure solution, mais je sais sans doute aucun ce que j'aurais fait à la place de Joel, même si cela n'eut pas été juste. A vrai dire, elle était tout ce qui m'importait. Je n'arrivais pas à envisager qu'Ellie puisse mourir. C'était trop dur. Ça ne pouvait pas se finir comme ça ? Non, s'il-vous-plaît. Pas ça. Alors, instinctivement, je ne pensais plus qu'à la sauver. Parce qu'après tout ce que j'avais traversé avec elle, je refusais de croire qu'elle allait finalement être sacrifiée. Je ne voulais pas. Au fil du temps, elle était devenue aussi importante pour moi qu'elle l'était pour Joel. La prunelle de ses yeux, sa fille adoptive, tout ce qui lui restait. Et où irait-il si elle n'était plus là ? Si sa seule raison de se battre, sa "raison de survivre", n'était plus ? C'est là toute la complexité et la beauté du jeu que d'avoir à embrasser le point de vue du personnage, qui annihile tous les autres pour qu'on ne voit plus, subjectivement, qu'à travers lui, jusqu'à ne plus être sûr que ce que l'on fait est juste, mais de ressentir que c'est ce qu'on a à faire. Car peu importe, dans un monde comme celui-ci, que de garder ceux que l'on aime en vie, même si cela signifie que l'on doit tuer tous les autres. Et c'est ce que j'ai fait, pour Ellie, sans hésiter une seule seconde.


The Last of Us se termine sur un mensonge. L'écran s'assombrit. Le thème principal démarre, les cordes de la guitare sont pincées mélancoliquement, à l'image d'un jeu, d'une bribe de vie dévoilée sous nos yeux, tout aussi déprimante et douce-amère. Et je suis là. Hébétée. Abasourdie. Bouleversée par ce que je viens de vivre. Et je regarde devant moi pendant plusieurs minutes. Revenez. Que vais-je faire maintenant ? L'équilibre a encore une fois été rompu, et je suis déboussolée. C'était merveilleux. Sublime. Époustouflant. Où dois-je aller ? Ellie, dis-moi quoi faire. J'ai la sensation profonde d'avoir assisté à la vérité. Et tout ce à quoi j'ai pris part ces derniers jours, ce n'était pas un jeu. C'était la vie. Sombre et accablante, avant qu'une parcelle de lumière ensanglantée n'apparaisse et ne me montre la voie. Que la neige fumante, et la nuit, et les armes, ne laissent place à la forêt, un jardin fleuri et ensoleillé : la renaissance, car, paraît-il, nous venons tous de là.

Lehane
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le 26 août 2014

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