À Bruno Heller et Danny Cannon
Voilà comment je m’imagine la chose
Un soir de 2013, Bruno, peinard après avoir éclusé un magnum de bourbon devant l’excellent ❝Batman et Robin❞ de Joel Schumacher, vous allez tranquillement décanter dans un bouillon bien chaud pour oublier la remarquable prestation de Schwarzy en Victor Fries, en vue de terminer au pieu.
Et c’est là que ça arrive ! Entre une nuée de vapeur et une remontée de bibine, comme un pet foireux : Gotham, une série sur la genèse de Batman, où « la ville serait le héros ».
Vous pensez tout de suite à votre pote Danny, le choix le plus judicieux pour réaliser ce projet vu qu’il sait si bien filmer les travellings express de Manhattan sur fond de hard rock et que niveau Super Héros il s’y connait, il a tourné ❝Judge Dredd❞. Vous l’appelez pour lui proposer une collaboration. Il est 3 heures mais le bonhomme accepte en ajoutant : « D’ailleurs ça faisait longtemps que j’avais pas foutu du hard rock sur des travellings express… Et tu sais que c’est moi qui ai réalisé ❝Judge Dredd❞, c’est dire si je m’y connais niveau Super Héros ! »
le marché est conclu !
Le lendemain ; avec aux tripes la volonté farouche de rester fidèles à l’esprit de Bob Kane et Bill Finger, et d’être les dignes successeurs de Miller, Moore, Loeb et Sale, Nolan ou même Bruce Timm ; armés d’un bic et d’un post-it, vous vous en allez tous deux écumer les pages de Wikipédia se référant au chevalier noir.
En trois jours de travail acharné, le pilote est pondu, la mise en scène emballée… EASY !
Et bien non messieurs, il ne suffit pas de recouvrir les décors d’une patine faussement vieillotte et de foutre un filtre sur une caméra pour évoquer l’ambiance particulière de Gotham City. Il ne suffit pas non plus de donner son nom à la série pour que la ville en devienne le héros, quand bien même la presse à votre solde en colporterait lourdement l’idée !
De la lamentable virée de Selina à la risible séance psychologique au manoir des Wayne : un interminable creux. Une mise en scène honteusement incontrôlée, un montage obscène assorti d’un rythme trop rapide directement importé des ❝Experts❞ complètement inappropriée au sujet traité ici. Ce qui fait passer le meurtre des parents Wayne en deçà de votre légère envie de pisser, sur l'échelle des émotions.
Les vingt premières minutes suffisent à vous faire rencontrer Catwoman , Bruce Wayne, Alfred, le Sphinx dont le nom, soit dit en passant, est Nashton et non pas Nygma, E. Nygma étant déjà un de ses alter ego criminel. Quant au Pingouin ; pour ce dernier d’ailleurs il eût été préférable de respecter la mythologie du comics plutôt que lui coller immédiatement un pépin dans les pognes : Que fout le fils des seconds notables de Gotham à la solde d’une espèce de maquerelle en cuir ? Et enfin Poison Ivy, dont le nom est Pamela Isley dans le civil — (PI) et non pas Ivy. Si on y ajoute Carmine Falcone et Barbara Gordon, qu’on rencontrera dans la demi-heure suivante et les personnages principaux Gordon et Bullock, on atteint les 10 personnages majeurs dans le pilote. On vous surnommait « les rois du suspens » à l’école de cinéma non ?
Dans le même esprit, le scénario d’une subtilité scandaleuse dévoile la corruption de la cité et tous ses mécanismes dans le même laps de temps, avec un Gordon contraint de faire la preuve de son intégrité au spectateur, en feignant sa soumission à ses supérieurs, dès la quarante-septième minutes.
Je n’ose m’attarder sur le jeu d’acteur à la tronçonneuse, ayant déjà passé deux nuits à libérer mon pauvre crâne sonné de l’image d’un Gordon pour publicité Hugo Boss, sans moustache ni lunettes, répétant au jeune Wayne sur les marche d'un escalier de secours : « There will be light, Bruce ! ». Pas plus que sur les maquettes en carton qui ont permis à Danny Cannon de s’adonner à sa passion.
Pour finir messieurs, je ne m'attendais pas à entrer en état de grâce devant une production de la Fox mais, admettant que la mythologie du héros de la DC est assez riche pour qu’à force de travail, on puisse en tirer quelque chose d’au moins divertissant, je vous dirais bien que la prochaine fois qu’il vous prend l’envie dans votre bain de pondre du vide, faites des bulles ! Quel que soit le procédé utilisé pour arriver à cette fin d’ailleurs.