Plus jeune, Gurren Lagann tenait de la tornade soudaine qui décape sévère, Gainax signant là l’un des animés à succès les plus retentissants du XXIe siècle : mais, au terme d’une seconde lecture dite « actualisée », les tribulations de Simon et Kamina recèlent nombre de nuances nullement anodines, à commencer par la revers d’une démarche jusqu’au-boutiste.
L’unicité de Gurren Lagann découlant en grande partie de cette composante résolument excessive, débutons par là : l’originalité du show, et cette fabuleuse propension à marquer durablement les esprits, est symptomatique d’une absence (relative) de carcans laissant libre cours à un récit allant tambour battant. Son esprit naturellement shōnen en est un facteur initial, mais le fait est que l’animé va encore plus loin en exacerbant à l’envie ses caractéristiques phares : nous retrouvons donc l’envers archétypal avec l’usuel loser se muant, de fil en aiguille, en un leader charismatique, tandis que l’intrigue va lorgner du côté du pastiche malicieux.
Gurren Lagann multiplie ainsi avec un enthousiasme communicatif de sympathiques ressorts qui, sur le papier, seraient d’ordinaire des plus communs : mais, au sein du creuset démentiel qu’est le présent animé, l’effet sera de bout en bout toujours plus énorme, fou et j’en passe et des meilleurs. Les power up, l’amitié et autres antagonistes toujours plus coriaces sont donc de mise, et cette notion de pastiche nous enjoint à nous interroger quant aux véritables prétentions de la série : s’agit-il de parodier gaiement sans garde-fous, ou bien celle-ci le ferait à dessein ?
La seconde option serait alors à privilégier, Gurren Lagann parvenant à trouver le juste milieu entre humour très premier degré, croissance d’enjeux de moins en moins légers et exploration enfiévrée d’un univers dantesque, dont le fer de lance thématique s’avérera finalement bien moins simpliste qu’escompté. Quitter à ne pas trop s’éparpiller, il conviendrait de citer la place prépondérante qu’occupe l’épisode 8, un tournant aussi surprenant que dévastateur en l’état : le sacrifice d’une figure majeure n’est forcément pas gratuit, mais le fait est que Kazuki Nakashima accouchait d’un rebondissement empreint d’un risque conséquent... et n’ayant, de fil en aiguille, d’égal que son efficacité.
De prime abord déjanté, si ce n’est décérébré, Gurren Lagann fourmille pourtant de mille et un détail attestant d’une profondeur de ton évidente, à l’image de la lutte opposant les Spirales aux Anti-Spirales : un conflit ancestral n’étant pas sans rappeler les préoccupations d’un certain Thanos, à ceci près que l’action menée par ces derniers et Lord Génome fait davantage sens, quand bien même l’animé nous dépeindrait la chose de manière totalement foutraque.
Sous un enrobage décidément bigarré se terre donc une trame plus fine qu’il n’y paraissait, tel que peu l’illustrer ce même Roi des Spirales, son ambivalence conséquente abondant dans le sens d’une intrigue non-manichéenne... pour une œuvre à n’en pas douter typée shōnen, cela mérite d’être souligné. La réussite du tout est enfin indissociable d’une patte graphique des plus originales, Gurren Lagann n’ayant pas son pareil pour rendre compte de la démesure de son propos : il en ressort ainsi une claque visuelle particulière, nombre de séquences déployant un arsenal incroyable de mise en scène iconiques, colorisations chamarrées et autres vociférations appuyées, bien que l’on notera si et là des baisses de régime étonnante au regard de l’ensemble.
Puis vient enfin la question de ce fameux revers de la médaille : car si Gurren Lagann tire en grande partie sa renommée de ses aspirations outrecuidantes dans l’exécution, celles-ci finissent par le desservir en partie. Il n’est en ce sens pas rare que l’animé transpire ainsi un goût certain pour la facilité, en réduisant alors à son strict minimum sérieux, cohérence et teneur du discours : comme si ses fausses-velléités parodiques prenaient soudainement vie pour de bon, et que l’aventure tumultueuse de Simon and co. virait à la grosse farce pas toujours drôle - quelques épisodes sont des plus parlants.
Disons alors que, au terme d’une épopée brillamment conclue dans les clous, Gurren Lagann aura fait preuve d’une certaine versatilité, sa signature à nulle autre pareille oscillant entre coups d’éclat majoritaires et sorties de routes dommageables. Néanmoins, dans la droite lignée une large palette d’émotions administrée avec brio, gageons que l’animé est une petite pépite aussi perfectible que généreuse.