Toby + Ruth = Truth

Étant en train de revoir/voir les différentes adaptations du romans de Charlotte Brontë, voici que je m'attaque à la critique de cette Jane ci, qui est soit dit en passant ma version favorite.

Pour commencer, le format mini série sied on ne peut mieux au roman. Quoi de plus merveilleux que de prendre le temps de développer les personnages, les échanges entre Jane et Edward, leur tendre complicité et l'alchimie parfaite entre leurs deux magnifiques interprètes (Toby Stephens et Ruth Wilson) ?

Parlons en d'ailleurs : Toby Stephens incarne un Rochester au charme fou, à fois plein de malice et d'ombre(s). Il apporte également de la légèreté au personnage lors de ses discussions avec Jane. Impossible pour elle de résister au tourbillon Rochester ! Ruth Wilson est la Jane idéale, sans doute la meilleure incarnation du personnage. Fragile ou forte, détruite ou déterminée, elle est absolument parfaite. Je parlerai également de la jeune interprète d'Adèle, qui possède un physique un peu étrange, un peu femme-enfant. Sans doute pour ne pas manquer de rappeler à Rochester son passé au fil de la mini-série...

La mini série est très fidèle au roman, avançant dans l'intrigue et mettant en scène un Thornfield inquiétant, regorgeant de questions pour Jane (la scène où elle regarde ce tableau effrayant, sa conversation avec Grace Poole lors de ses premiers temps à Thornfield), mais aussi un Thornfield plein de lumière et de beauté (les ballades dans les jardins avec Adèle, l'observation d'une libellule sur la mare...). On oscille constamment entre tourment et espoir, les deux faces de la vie de Rochester depuis l'arrivée de Jane dans sa vie... Et c'est exactement comme pour l'ensemble de la mini série : dans l'ensemble, elle est à la fois assez sombre, mais aussi très lumineuse.

La musique de la mini série participe à instaurer cette part de mystère et d'interrogations qui étreignent Jane et qui caractérise le personnage de Rochester. Le thème principal est mélancolique et sombre. Il est repris de nombreuses fois dans les scènes clefs, notamment pendant l'incendie lorsque Jane et Rochester se rapprochent. Comme pour leur dire : "Attention".

La mini-série met également en place des scènes de flashbacks lorsque Rochester évoque son passé en France et sa rencontre avec la génitrice d'Adèle. L'ambiance y est pesante, notamment grâce à la musique qui permet d'instaurer un sentiment un tantinet malsain, comme la vie que Rochester a laissé derrière lui. Ce sont des scènes rarement vues dans les adaptations et donc intéressantes à suivre. De même, la série invite le spectateur à se plonger aussi dans l'imaginaire de la petite Jane, lorsque celle-ci est harcelée chez sa tante Mme Reed au début de l'épisode 1. Cela concourt à présenter la jeune fille comme prompte à surmonter les difficultés, à rester forte et à aller de l'avant. Il nous est aussi présenté l'errance de Jane dans la lande lorsqu'elle quitte Thornfield. Cet élément a d'ailleurs été repris dans la version de 2011 de Cary Fukunaga. A ma connaissance, elle n'avait jamais été introduite dans une autre adaptation précédemment.

La série est également pleine de sensualité : déjà, la présence de Toby Stephens est un élément très sensuel (ah bah ouais, quand même quoi !), mais les scénaristes ont ajouté une scène d'étreintes et de baisers entre J. et R. juste avant leur séparation. Cette scène, qui pourrait être également vue comme sortant de l'imagination de l'héroïne, est pleine de tension sexuelle et vient renforcer la solidité des sentiments qui embrasent les amoureux.

Jane rencontrera suite à son départ St John et ses soeurs. St John, qu'interprète Andrew Buchan, est un pasteur rigide qui propose rapidement à Jane de l'épouser. Pourtant, il est amoureux d'une autre jeune femme, qui l'aime profondément en retour. Pourtant, il choisit de la repousser, afin, j'imagine, d'être plus proche de Dieu... St John reste un personnage secondaire, mais il est rendu encore plus intéressant dans cette version, notamment grâce à cet élément : cela lui apporte de la profondeur. Andrew Buchan est un excellent St John, avec ce qu'il faut d'austérité mais aussi de sympathie.

La fin de la série se permet quelques rajouts suite au retour de Jane : elle et Edward retrouvent leur complicité et leurs échanges, et les auteurs nous dévoilent une belle photo de famille lors de la toute dernière scène : Jane et Rochester, radieux, avec leurs enfants, Mrs Fairfax, Adèle, Grace Poole et leurs valets. La lumière a triomphé de l'obscurité, et surtout, ces scènes sont un beau cadeau aux amoureux de Jane Eyre.

Je ne saurais quoi dire de plus concernant cette adaptation qui me ravit le cœur à chaque visionnage. Je la classe en première position des adaptations que j'ai vu de ce merveilleux roman, à égalité avec la version de 1943 avec Orson Welles et Joan Fontaine.