Kaguya-sama: Love is War
7.5
Kaguya-sama: Love is War

Anime (mangas) Tokyo MX (2019)

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Il s'agit d'un animé drôle qui se fonde sur une base originale remarquable et efficace. C'est en fait adapté d'un manga comme très souvent, mais je ne le connais pas.
Nous avons douze épisodes d'une série qui pourra se poursuivre, qui devrait se poursuivre ! et chaque épisode contient trois histoires comiques.
L'idée paradoxale est soulignée dans le sous-titre anglais de la série "Love is war", sous-titre chanté dans le générique japonais, et un prologue dans les deux ou trois premiers épisodes nous explique le délire. Dans un rapport amoureux, le sentiment de partage à égalité serait faussé, il y aurait toujours un dominant et un dominé, il y aurait toujours dans un couple quelqu'un qui aurait plus d'envie que l'autre de se mettre ensemble et donc il y aurait un sentiment de dépendance vis-à-vis de l'autre. Et, si on admet une telle prémisse, quand les personnages ont une fierté qui dépasse l'entendement, il leur importe que ce soit l'autre et non eux-mêmes qui fassent sa déclaration le premier. Toute l'intrigue tient là : les deux personnages sont amoureux l'un de l'autre, mais l'avouer le premier c'est se mettre dans la dépendance de l'autre, ce que leur orgueil ne peut accepter, il en résulte un blocage permanent, et un blocage, la voix off le dit explicitement et insiste pour que nous ne nous y trompions pas, un blocage qui n'a rien à voir avec la timidité ou la peur de se prendre un râteau. Nos deux amoureux se ressemblent : ils veulent tous les deux dominer, être au sommet de la hiérarchie, y compris au sein du couple ! Et à partir de telles données, on a une magnifique série qui permet d'associer les gags amusants aux petites révélations psychologiques truculentes sur les non-dits et la duplicité des êtres humains.
L'amour, il est entre deux personnes dont l'orgueil est aussi largement éclairé par leurs situations sociales respectives. Nous sommes dans un lycée d'élite du Japon moderne. Comme il est dit dans le premier épisode, il n'est plus de noblesse au Japon depuis 1947. Plus précisément, au début de l'ère Meiji, quand le Japon fut obligé de s'ouvrir au commerce occidental et que le shogunat d'Edo des Tokugawa fut renversé, il y eut une refonte de tous les titres féodaux japonais (samurais, daimyos, etc.) en un modèle de noblesse aux titres à l'européenne qui dura de 1869 à 1947, puis qui disparut ou plutôt qui fut dissout, ce qui n'empêcha pas de grandes familles de se penser en termes de clans avec un lointain passé historique. Donc, on est dans un lycée d'élite du Japon moderne tel qu'il est depuis 1947. Il est inévitablement rempli de fils de riches et de fils de personnes dirigeant d'importants conglomérats industriels, mais ce lycée accepte aussi quelques exceptions : des enfants de classes pauvres, mais qui ont des résultats scolaires exceptionnels. Et donc, au niveau de la classe de première, on a deux élèves particulièrement brillants, qui sont les deux premiers de leur promotion, et ils ont été nommés à la tête du bureau des élèves. Le premier par ses résultats est un garçon de classe pauvre, Shirogane Miyuki (ordre inversé nom Shirogane et prénom Miyuki à la japonaise), il est le président du BDE. Face à lui, dans ce bureau, nous avons la deuxième du classement scolaire des élèves de première qui est aussi une fille d'une des quatre familles les plus influentes du pays au plan économique, Shinomiya Kaguya. Cette fille maintient les codes de la noblesse. Elle défend l'honneur du nom Shinomiya et rejette en principe ce garçon qui est son président au sein du bureau, parce qu'elle le voit comme un roturier. Lui aussi a son délire en contrepartie, il voit les autres hommes autour de Kaguya comme de la mauvaise herbe insignifiante. Seulement, comme il la surpasse à l'école et que le bureau les maintient dans une relative promiscuité, on découvre que Kaguya est complètement amoureuse de Shirogane Miyuki, et que bien plus que lui (qui reste assez passif, même s'il entrepend quelques fois des trucs) elle échafaude pas mal de plans pour l'amener comme par hasard à se trouver dans des situations où il devra déclarer sa flamme, et elle, faisant semblant de rien, n'aura qu'à consentir. Mais lui-même étant pétri d'un amour-propre qui lui interdit de faire le premier pas, les plans les plus ingénieux rencontrent les pires résistances, ce que n'arrangent pas les interventions de tiers. Le principal personnage secondaire se nomme Fujiwara Chika. C'est une élève modèle, mais qui n'aime pas travailler et pense plutôt à s'amuser. Elle est opposable à Kaguya sur quelques points, notamment sa poitrine développée qui empêche Kaguya de se sentir pleinement confiante avec sa silhouette, et aussi sa franchise qui contraste avec les dissimulations des deux héros principaux. Le nom Fujiwara n'est pas anodin. C'est le nom du clan qui pendant mille ans a presque toujours vu sortir de ses rangs le titre de régent ("sessho" ou "kanpaku") du roi principal du Japon, le "tenno" qu'on appelle depuis Meiji empereur par abus de langage en occident (l'empereur Hirohito, etc.). Pour les Japonais, ce n'est pas anodin et ils identifient tout de suite ce que ça signifie, car non seulement le clan a occupé pendant mille ans des fonctions essentielles, mais le poste de régent "sessho" ou "kanpaku" permettaient d'avoir le pouvoir à la place du tenno, notamment du huitième-neuvième siècle au onzième-douzième siècle, apogée du clan Fujiwara. Les Fujiwara ont un rôle important dans la fondation du Japon à partir du septième siècle, et il vient d'un nom de lieu, il signifie "enclos des glycines". Mais ici Fujiwara Chika est une fille un peu niaise qui ne tire pas vraiment les ficelles, elle porte ce nom un peu par ironie, un peu par comparaison avec le célèbre clan puisque sa situation de secrétaire en fait un équivalent de régent dace au couple d'élite du Japon. Fujiwara Chika est gentille, mais elle sait aussi penser à ses propres intérêts, tricher, manger comme une gourmande, elle est aussi assez pure et n'a jamais connu de garçon, malgré ses atouts et malgré le fait qu'elle ne pense qu'à l'amour. C'est une fille de diplomate qui subit sans doute aussi quelque peu la censure de son père, elle rejoint les deux personnages principaux dans le fait d'être une lycéenne qui ne connaît pas tant que ça la vie. Face à elle, Kaguya n'est pas une fille foncièrement mauvaise pour autant, elle fait même plusieurs bonnes actions, mais il n'en reste pas moins que Kaguya juge les autres du haut de son mépris de classe et on savoure à plusieurs reprises les haines absolues d'un jour qu'elle peut décréter quand elle est jalouse et qu'une situation lui échappe. Enfin, surtout dans les derniers épisodes, on apprend aussi que la vie de Kaguya dans une famille haut placée a son envers et on s'apitoie paradoxalement sur son sort.
Il y a un autre personnage du BDE, l'informaticien Ishigami, puis on voit quelques autres personnages qui ont un rôle occasionnel : une fille qui est la quatrième en termes de résultats scolaires parmi les élèves de première, Kashigawi de mémoire, et son petit ami, puis une autre fille énigmatique qui a l'air d'aimer le petit ami de la précédente mais qui ne parle jamais et joue un rôle complètement effacé, Shirogane Kei la sœur collégienne de Miyuki, une sœur aînée et surtout une sœur cadette de Chika, quelques autres, et enfin la servante de Kaguya qui est aussi une élève de première du lycée, mais qui doit le cacher, Hasakaya, laquelle est la seule à savoir clairement que Kaguya est amoureuse de Shirogane Miyuki.
Les récits groupés par trois dans les épisodes ne tournent pas exclusivement autour de la nécessité de faire déclarer sa flamme à l'adversaire dont on est amoureux, mais c'est le fil conducteur et ce qui éclaire le comique de toutes les situations. Comme la série est faite essentiellement de dialogues, et de dialogues dans un nombre d'endroits en général limités, avec une prédilection pour le bureau des élèves, et vu qu'il est tout le temps question d'amour, de cacher ses sentiments, d'éclairer par des petits riens la vérité psychologique des êtres, j'ai trouvé que la série avait un peu le profil de certains films du suédois Ingmar Bergman, et c'est pour ça que j'ai parlé de krisprolls! (Houla, c'est ésotérique, personne ne pouvait deviner, c'est une nouvelle formule d'humour, la blague ésotérique.) Les films de Bergman sont tellement dans les dialogues qu'on dirait souvent plus du théâtre que du cinéma, et ils sont émaillés de bons mots sur l'amour, et on suit souvent le spectacle de personnages amoureux qui ne s'avouent pas les choses, etc.
D'après ce que j'ai pu glaner comme informations, le manga ne ciblerait pas les plus jeunes : ce serait plutôt un manga pour un public adulte ou en fin d'adolescence, même si, culture japonaise oblige, on a parfois des réactions un peu gagas des personnages, et même si l'animé doit probablement entraîner une modification du public visé en tirant vers les plus jeunes. En tout cas, on n'a pas un simple dessin animé comique pour gamins sur l'amour, on a quelque chose de bien campé qui demeure, quelque chose de bien plus intéressant qu'un simple dessin animé pour enfants.
Par ailleurs, ce n'est pas que du dialogue qui se déroule dans trois, quatre pièces. Sans parler des scènes parfois à l'extérieur, on a un animé avec tout ce que cela permet, et donc nous profitons de plongées dans l'esprit des personnages, dans leurs souvenirs, dans ce qu'ils imaginent, etc. On a aussi à plusieurs reprises un choix graphique éblouissant pour illustrer leurs instants de panique. On a des dessins crayonnés, des tas de motifs qui viennent jouer autour de leur tête, on a des sortes de lignes comme sur les vieilles bandes abîmées de magnétoscopes, etc., etc. On a parfois des vignettes habiles pour montrer deux personnages en même temps à l'image et leurs réactions, plein d'astuces quoi !...
L'animé est l'occasion de luttes tout à fait intelligentes entre les personnages avec plein de rebondissements bien amenés, plein de finesses instructives, avec des explications sur la tricherie dans les jeux, etc., etc. Pas mal de choses sont dépeintes avec le ressenti réaliste d'émotions à fleur de peau. Et on a de loin en loin des rappels de situations d'épisodes antérieurs pour expliquer les configurations nouvelles.
On apprécie au plus près les non-dits, les réparties que les personnages trouvent à la dernière minute pour ne pas perdre la face, etc. On a aussi des jeux d'expression des sentiments à partir des mouvements du corps. Par exemple, dans un épisode où Kaguya ne se sent plus de joie, on a un gros plan sur ses pieds et on les voit se soulever comme s'ils s'envolaient, alors qu'elle est assise dans le divan et qu'elle soulève juste ses pieds du sol, mais cette sensation d'envol est superbement rendue. Il y a des blagues discrètes. Par exemple, dans le premier épisode, parmi la liste des prix de Kaguya, on apprend qu'elle excelle dans les arts martiaux, mais c'est dit très vite en passant...
La voix off joue elle-même un rôle important : elle établit les contrepoints pour distinguer le vrai du faux, elle nous prend comme des confidents ce qui nous attache encore plus à l'histoire, elle permet aussi au scénario d'aller efficacement à l'essentiel.
Il faut aussi parler du générique d'ouverture avec une chanson hyper glamour un peu profilée sixties, musique un peu entre Tom Jones et un générique de James Bond, et d'ailleurs les images de la chanson d'ouverture parodient clairement les introductions célèbres des films de James Bond...
Par exception, le générique de fin du second ou plutôt du troisième épisode est original et est une chanson interprétée par Fujiwara Chika qui éclate de narcissime et de pensée mièvres, mais c'est l'occasion d'un remarquable numéro de danse d'une figure de dessin animé et le succès de cette chanson a été important, on trouve un nombre vertigineux de filles japonaises qui ont mis des vidéos sur youtube où elles imitaient la chorégraphie, et parfois le décor lui-même.
Je souhaite déjà que cet animé ait une suite, en espérant qu'il ne faiblira pas. C'est l'animé comique japonais du moment sur fond de comédie romantique amoureuse avec la série Karakai Jozu no Takagi-san qui elle part sur une nouvelle saison.

davidson
8
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le 3 août 2019

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davidson

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