L'épisode pilote et celui qui clôt la série explorent quelque chose de parfaitement inouïe : le malaise d'une génération qui sent arriver une catastrophe. Le premier épisode atteint à ce titre l'apogée de cette curieuse attente : le système est à la limite de la rupture, le poids de l'avenir imprévisible pèse tout entier sur cette grande surface. La catastrophe n'est pas encore arrivée et la société est encore fonctionnelle, mais la tension atteint son point culminant, tension renforcée par le plan séquence prodigieux. Cet épisode touche quelque chose de neuf, un sentiment très précis que je peine à décrire mais que beaucoup connaissent : cette intuition que quelque chose de grave est sur le point de se passer.
Ces deux épisodes retranscrivent parfaitement l'angoisse éprouvée par les jeunes, et je n'ai pas connaissance d'une autre œuvre qui a été capable d'endosser ce sentiment.
Seulement, la série postule la thèse suivant laquelle l'effondrement sera un évènement, c'est-à-dire un effondrement soudain, au cours d'un jour où tout bascule. C'est très improbable, et tout porte à croire qu'un tel effondrement sera progressif et passera par une lente décroissance. C'est pourquoi les 6 épisodes centraux ne m'ont pas vraiment touché, j'ai assisté à du vulgaire cinéma apo et post-apo comme on en a déjà trop fait.
En revanche, le premier et le dernier épisode resteront gravés dans ma mémoire, et plus particulièrement le premier. Il est l'hymne à la génération qui attend cet évènement qui n'arrivera jamais. Et paradoxalement, la société telle que nous l'avons connue sera bien en train de s'effondrer devant nos yeux. Mais évidemment pas de façon apocalyptique, cela n'aura rien de spectaculaire, rien de palpitant. Moi-même, je fantasme cet effondrement, en espérant secrètement qu'il sera brutal et soudain, et le premier épisode vient titiller cette espérance en me plaçant à l'aube de " l'évènement ", ce moment où tout commence et tout prend fin. Ce pilote évoque l'effondrement à la façon d'un romantique en peinture qui évoque un horizon en le couvrant d'une brume épaisse. Mais aussitôt que le paysage est montré, il est décevant, car notre imagination l'excédait. Le pilote évoque un paysage, et les suivants le montre. Le pilote exprime une attente générale, les suivants jettent la pitance à cette attente et lui donne ce qu'elle veut voir. Laissez-nous donc imaginer le futur et il se chargera de nous décevoir à votre place !
Si la série avait réussi à suspendre ce fameux jour J pour nous laisser imaginer le futur, pour nous laisser l'amertume d'un effondrement imminent qui ne vient pas, elle aurait été un chef d'œuvre. Les réalisateurs ont sombré dans l'anticipation et c'était une erreur.
Quelle déception après la perfection du pilote, après cette dernière scène à l'arrière du camion qui roule vers l'inconnu, tout comme nous avec notre société en fin de vie ! Je salue cette mise en scène et les deux épisodes qui ont su explorer quelque chose de nouveau