La Bible
4.8
La Bible

Série History (2013)

Précisons-le d'entrée, je n'ai jamais lu la Bible, ni ne pratique aucune religion. Pourtant, il peut arriver que j'apprécie des médias avec une portée religieuse, tant qu'elle n'est pas martelée mais plutôt subtilement construite tout au long de l’œuvre. Ceci étant, de la Bible, j'ai sans doute déjà vu l'intégralité de ses "histoires" retranscrites aussi bien sur le petit, que sur le grand écran. La série The Bible, elle, a pour intention de tout regrouper en une longue continuité plutôt que d'avoirs des évènements éparses et flous de leurs connexions pour les non-connaisseurs. Pourquoi pas ?... si c'est bien fait.

Sauf que le bat blesse d'emblée. Mais vraiment dès les premières minutes. Avec une réalisation extrêmement pauvre, des environnements moches et un jeu d'acteur du dimanche, il n'y a aucune grandeur dans le récit. Pour une série sensé traiter de Dieu, au sens global, c'est un écueil assez monumental que de ne rien voir de majestueux à travers les épisodes. Ainsi, on a l'impression que tout a été tourné il y a 50 ans, tant l'image n'a aucun caractère, abuse d’éclaircissements lumineux lors d'interventions divines et joue d'effets baveux. A contrario, les effets spéciaux ne sont pas trop mauvais et permettent d'honorer les passages les plus épiques comme le courroux de Dieu sur Sodome ou Moïse qui traverse la Mer Rouge - toujours un grand moment. L'ensemble est malheureusement terni par la mise en place de l'action qui, si ce n'est pas au milieu d'un désert se déroule dans les rues toute semblables des villes du Proche-Orient. À noter, également les décors théâtraux carton-pâte ridicules du Temple de Jérusalem, des édifices romains et, pire encore, des monuments égyptiens qui n'ont alors aucune prestance. Il en est de même pour les costumes, surtout ceux plus sophistiqués des hommes armés qui apparaissent très faux. Enfin, les acteurs, la plupart issus du milieu du théâtre, ont encore beaucoup de travail à faire s'ils ont l'intention de percer à la télé. Du récit de dialogue gauche aux interprétations exagérées, difficile de leur apporter un peu de crédibilité. Au passage, Satan est d'un risible assuré. Heureusement, certains s'en sortent mieux que d'autres (amélioration à mesure que le show progresse), notamment les plus anciens qui campent Moïse, Pilate et Caïphe. Dans les plus jeunes, on retient ceux qui jouent David, Pierre, et surtout Diogo Morgado pour Jésus qui est, par chance (présent sur 5 épisodes), plutôt bon, même s'il en fait parfois trop.

Habituellement, le principe d'une série est de suivre un groupe de personnages pendant une dizaine d'épisodes et ainsi de pouvoir éprouver de l'empathie (ou non) pour eux. The Bible ne se donne pas la peine de mettre ses personnages en place puisqu'elle enchaîne les ellipses temporelles sans arrêt. Ainsi, dès le premier épisode, on parcourt l'ensemble de la Genèse (Adam et Éve, l'Arche de Noé, la vie d'Abraham) sans vraiment entrer dans les détails par rapport à Joseph, puis on enchaîne sur Moïse et l'Exode (esclavage du peuple d'Israël, départ d'Égypte, les dix commandements) tout en occultant le périple vers le pays de Canaan (exit Lévitique, Nombres et Deutéronome). Et ça continue de la même façon sur toute la série avec la voix off de Keith David qui s'occupe de relier les bouts de récits qui couvrent à part égales l'Ancien et le Nouveau Testament. L'épisode 3 démarre vite fait avec Josué et la prise de Jéricho pour directement sauter, cent ans plus tard à la fin du livre des Juges et la colère de Samson. Dans le 4, c'est le livre de Samuel entier qui est charcuté en voulant relater l'avènement des Rois en passant expressément sur le prophète Samuel, et l'affrontement David/Goliath pour conclure sur la destinée de Salomon - 130 ans en quarante minutes. Un exploit écrasé par le cinquième épisode qui couvre les 430 ans du livre des Rois à lui seul en occultant le règne de Salomon pour nous amener directement à celui de Sédécias (21ème et dernier roi de Jérusalem) puis aussitôt la "tyrannie" de Nabuchodonosor et sa défection pour la reprise par Darius, et enfin conclure rapidement pour nous laisser en plein cœur de l'Empire Romain - soit près de 1000 ans en tout balayés avec leur lot d'incohérences et de passages symboliques esquivés, si ce n'est l'importance du prophète Daniel (la fosse aux lions).

Une première moitié de série qui se veut donc récapitulative de l'Ancien Testament et se force assurément à tout caser en un temps donné, pour un résultat extrapolé et peu prenant. La suite est donc centrée sur la vie de Jésus ; marrant comme cinq épisodes lui sont consacrés, à lui, alors qu'il aurait tout aussi bien pu être traité comme ses comparses passés, en seulement 40 minutes. Ces cinq premiers épisodes n'étaient qu'une excuse pour pouvoir prêcher les mots du Nouveau Testament. L'épisode 6 voit donc la naissance de Jésus dans une étable, puis son baptême par Jean-Baptiste et la rencontre avec l'apôtre Pierre. Au travers du 7ème, c'est un Jésus qui se balade avec ses apôtres pour accomplir des miracles, marcher sur l'eau, et faire revivre Lazare, tandis que Ponce Pilate se méfie et Jérusalem crie au blasphème. Le 8ème est tourné en Thriller avec le grand prêtre Caïphe qui veut arrêter Jésus avant la Pâque, la trahison de Judas, la Cène et autres instants clés du fils de Dieu qui s'abandonne à son sort. Le 9ème est alors dédié à la Passion du Christ ; c'est comme le film de Gibson, mais en moins bien, même si la trame musicale et la prestation de Morgado permettent de garder une émotion forte. Enfin, la série se clôture avec un épisode relatant les Actes des Apôtres, soit l'influence et la condamnation des apôtres en répandant la parole du Christ après avoir assisté à sa résurrection, la mort (ridicule et erronée) du martyr Étienne, la persécution engendrée par Paul de Tarse puis sa révélation, et le baptême du premier Païen, Corneille. Tellement d'autres personnages occultés sur cette période. Mais surtout, pas de représentation du livre de l'Apocalypse, si ce ne sont quelques sous-entendus en toute fin du dernier épisode. Quelle déception pour une série voulant représenter la Bible et qui s'est déjà permise nombre de libertés. Sincèrement, ces cinq derniers épisodes sont d'un ennui confondant et ne font que mettre en avant un peuple de croyants moutons qui changent d'opinion de secondes en secondes. Même si les premiers n'avaient rien de glorieux, l'Ancien Testament propose quantité de récits au caractère épique, malheureusement faiblement rapportés à l'écran. Mais alors le cheminement de Jésus qui semble s'étendre à n'en plus finir, ça n'a d'intérêt que de voir ses quelques miracles, et le contexte y est tellement mal dépeint que c'en est interminable.

Ainsi, ce n'est pas vraiment une série que l'on a l'impression de regarder, mais une anthologie des histoires de la Bible mises en images. Tous ces moments forts et qui nous sont contés depuis nos premières heures d'histoire à l'école apparaissent à l'écran sans se donner la peine de faire de construction autour. Tout a pourtant été déjà bien mieux dit individuellement avec des films comme Les Dix Commandements, Le Prince d'Égypte, Samson et Dalila, La Bible, La Passion Du Christ... Dans ce cas, autant se contenter de ne faire qu'un documentaire plutôt qu'une fiction où il n'y a pas d'accroche et tout semble précipité. Qui plus est, ils ont tellement voulu condenser le récit, qu'ils en ont fait des raccourcis inexacts, voire parfois contradictoires. Ou pire encore, ont éclipsé certains dialogues ou scènes des épisodes, pour les réinsérer dans les résumé des suivants quand ils ont compris qu'il pouvait y avoir confusion ou incompréhension. Au final, les épisodes les plus appréciables sont ceux portant sur un personnage en particulier (Moïse, Samson) et étant développés un peu plus que les autres.

Pourtant, la série dispose d'un ornement musical exceptionnel avec la participation de trois grands que sont Hans Zimmer, Lisa Gerrard et Lorne Balfe. Rien de moins. C'est d'ailleurs ce qui a poussé ma curiosité sur la teneur du show. Les compositions sont donc majestueuses et épiques de par le savoir-faire de l'Allemand pour les passages les plus spectaculaires comme la traversée de la Mer Rouge, mais aussi emplies d'une grâce élégiaque conférée par la voix fascinante de Gerrard. Enfin, Balfe comble le tout d'un ensemble généralement percussif assez similaire à son travail sur Modern Warfare 2 pour représenter l'esprit oriental de la culture. Quoiqu'il en soit, la combinaison de ces trois artistes donne lieu à de grandioses fresques sonores que l'on regrette alors de voir assimilées à une série aussi médiocre.

Son exécution aurait été nettement plus soignée, The Bible aurait pu être LA série de ces dernières années, à la croisée de Game Of Thrones et Spartacus, par exemple tout en traitant de thèmes infiniment riches. Il y a tellement de matériel pour en faire un programme de qualité. Malheureusement, elle tombe à plat dès les premiers épisodes et ne montre réellement rien de novateur, ni qui puisse pousser à s'intéresser à cet ensemble d'histoires imaginaires. Si ce n'est pour la musique, le terme épique reste en travers de la gorge tant on a parfois l'impression d'être au théâtre. Au final, j'aurai appris davantage sur les évènements relatés en recherchant pour écrire cette critique qu'en ayant vu la série ; triste achèvement. Déjà que ce n'est pas divertissant alors si ce n'est pas instructif non plus...
AntoineRA
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le 18 avr. 2013

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AntoineRA

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