Les Maîtres de l’Univers : Révélation
4.9
Les Maîtres de l’Univers : Révélation

Dessin animé (cartoons) Netflix (2021)

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D'où je parle : Enfant je détestais déjà la série animée qui chiait avec cynisme sur l'univers développé dans les splendides booklets que l'on trouvait dans les boîtes des jouets. un univers techno-fantasy sombre dans l'esprit de Conan le Cimmérien mais avec du futurisme industriel en plus ; bref une alternative possible à Star Wars ou Flash Gordon.
Avec mes frères et sœurs on possédait tous les persos ou presque et, seul, enfant, durant de longues après-midi, j'ai souvent joué avec ces héros de plastique (un plastique de très bonne qualité soit dit en passant) en y projetant l'imagination pénétrée de mythologie grecque et de chevalerie hollywoodienne qui était la mienne à cet âge.
Pour moi c'étaient les rois des jouets, loin devant les affreux G.I. Joe impérialistes U.S. trop ressemblants à ce que l'on pouvait apercevoir au journal du soir ou devant les Shogun Warriors et autres copains de Goldorak en termes de notoriété ludique ; certes de véritables bijoux en métal bourrés de gadgets mais finalement trop peu connus des autres enfants puis supplantés par les Transformers et autres robots transformables quelques années plus tard.
Je précise tout ça parce que je crois que comme pour la licence Transformers il y a quelques années, les fans de MOTU, ceux qui attendaient depuis tout ce temps le retour de ces héros à l'écran dans une mouture modernisée (bien qu'il y ait eu des reboots restés sans suite), que ces fans restent nombreux mais mal évalués car ce sont les jouets qui les ont motivés plus que la série kitsch des années 80 (laquelle avait pour elle quelques élément sympa mais trop de défauts)


Là il faudra qu'on m'explique le projet quand même parce que cette série est je dirais trop violente pour séduire une cible enfantine donc, si le but n'est pas de conquérir un public neuf et bien frais, ne restent que les vieux fans pour s'en régaler. Alors quel intérêt de leur renverser une poubelle sur la tête en prenant systématiquement tout ce qu'ils espéraient et en faisant l'inverse ?


Je dis "Il faudra que l'on m'explique" mais c'est rhétorique, je vois très bien où ils ont voulu en venir.
Ils ont senti d'une façon ou d'une autre qu'il y avait une attente sur cette série, une fanbase tapie dans l'ombre ou un coup à faire et ils ont mis le truc en chantier. Mais adapter une série dont le héros est presque à lui seul un contrepied au féminisme, ne serait-ce que par le nom qu'il porte - He Man- impliquait d'avoir conscience des éventuelles retombées en tant qu'image de marque et d'anticiper au mieux les valeurs que le produit fini pouvait véhiculer, à plus forte raison s'il risquait d'être récupéré politiquement par des résistants virilistes, masculinistes suprématistes zemmouriens et autres anti-woke.


Netflix transmet à travers ses productions un agenda progressiste avec des valeurs d'entreprise lisibles et aussi compatibles avec le gros de leur clientèle actuelle, déjà, mais encore à celle qui sera dans les années à venir (la rentabilité est pensée sur la durée quand même) avec une orientation allant de plus en plus dans le sens d'une approche inclusive fut-ce à force de quotas et autres forceps cancel-culture. Et donc choisir le moindre de deux maux, je pense résume bien leur approche. Par conséquent et dès lors, ils ont probablement demandé factuellement et contractuellement à Smith de leur pondre un script compatible avec ça.
Or le compère ne semble pas briller par sa finesse (ou bien sont-ce les décideurs qui manquent de subtilité et ne ratifient les propositions scénaristiques que si les traits y sont particulièrement forcés ?). N'importe.
Le patriarcat et d'une façon générale, le problème du rapport au père y seront un sujet essentiel, la masculinité toxique en sera un autre (incarné par Skeletor du point de vue de son acolyte féminine qui est probablement sa maîtresse ainsi que son sbire, le terrain s'y prêtait il est vrai), reste à broder une histoire autour de ça avec des personnages féminins forts, hors de toute suspicion de Trinity Complex et compatible avec les versions les plus poussées du test de Bechdel.
Du coup on aboutit à un truc qui répond sans mal à un cahier des charges assez lourd tout en ajoutant des persos racisés, un peu de swapping par ci par là et le tour est joué.


Seul problème (d'après mon analyse du moins) : Ce produit ne correspond plus à aucune cible. Puisque les enfants ne peuvent regarder un animé où les décapitations se succèdent à un bon rythme, que les représentants de la fanbase originale, même lointains supporters de la franchise, se voient (dé)considérés comme d'affreux réacs virilistes et paternalistes ; se voient ainsi questionnés et même quasiment insultés par le contenu diégétique de la série et que la cible nouvelle et adulte qui leur reste ne devrait pas être tellement sensible à un univers à la limite de l'horrifique forain qui rappelle par ses dispositifs fondamentaux tant Howard que Lovecraft. Ce produit in fine, se trouve donc pensé pour ne toucher personne hormis quelques chalands égarés parmi les offres de contenus, possiblement charmés par le parcours de la jeune Teela en rupture avec un monde de science-fantasy où le patriarcat constituait le maître mot.
Et là, moi, j'y vois un problème quand même, pourquoi dans ce cas produire la série ? Ca apporte quoi à qui ?


D'aucuns l'ont souligné. après le succès qu'avait rencontré la série originale à l'époque, Mattel, commanditaire et fabricant des produits dérivés avait demandé un pendant féminin pour séduire une autre cible (She-Ra, postulée sœur cachée de Musclor), une autre clientèle et, à ce que je sais, la sauce n'avait pas pris commercialement, l'autre cible en question préférant des thématiques dans lesquelles la science-fantasy n'était tout simplement pas présente, qu'il s'agisse de Barbie, de succédanés de Candy Candy ou de Santa Barbara.
Aujourd'hui l'offre est tellement pléthorique que je vois mal quel fan de Koh Lanta, de Jane The Virgin, de Lucifer, de My Little Pony Friendship Is Magic ou de the L World irait regarder le retour triomphal de Musclor parmi toutes les alternatives possibles pour constater que finalement c'est pas si mal et que le combat final oppose une femme battue acrimonieuse et une héroïne pas tout à fait cis-genrée cherchant à redéfinir le cadre matriarcal dans lequel le scénario pourtant connivent pourrait finir par l'enfermer (la gardienne du Château des Ombres donc d'une certaine manière un rôle de mère soumise, sur-responsabilisée et de fait, désindividualisée)...
Et alors doncques, du coup, ils s'imaginent quel public au final ?
Peut être les petites filles américaines que les décapitations n'effraient pas, également fans de barbares à la musculature hypertrophiée et de sorciers maléfiques ? Un segment de population sans doute plus développé que je ne le pense.
Je ne sais pas bien comment ils articulent leurs réunions chez Netflix mais je ne suis pas certain que les décisions qui y sont prises en fin de compte soient des plus pertinentes.


D'un autre côté, je ne suis pas absolument certain non plus du procédé consistant à se figurer le miroir inversé de la démarche visible afin d'en mieux évaluer la pertinence mais, essayons !
C'est au moins un exercice de pensée amusant :
Si un showrunner nous proposait une série sentimentale féminine centrée sur une jeune femme romantique se cherchant un cœur à prendre et que, pour des raisons extérieures à ce que raconte la série, on choisisse de la rebooter en évacuant la principale protagoniste pour lui substituer un gros balèze fan de combat qui passe son temps à expliquer pourquoi le sentimentalisme est infécond (je choisis mes mots), alors pensez-vous que le public habitué continuerait à regarder ou bien que les fans de films d'action y viendraient avec enthousiasme ?
Si votre réponse est en substance "Ni l'un ni l'autre" alors je vous rejoins.


Rien qui rappelle Conan en tous cas dans ce Maîtres de l'Univers, bizarrement le principal protagoniste s'auto-légitime dans son héroïsme par son renoncement systématique à l'autorité que confère le pouvoir (c'est pointu, je le reconnais, mais peu charismatique) et préfère donc passer son temps sous sa forme de gringalet que dans le costume d'un héros épique. Sur le plan moral on coche toutes les cases mais du point de vue du mythe ou de la mythologie on repassera.
Ils ont quand même tenté de compenser ça en surdosant les combats, OK.
Musclor apparaissant parfois, certes (et heureusement), mais sous les traits d'une brute au comportement surligné comme débile et dangereux, ne parvenant donc au final qu'à un manque de cohérence et de continuité dans le propos mais je reconnais sans mal ma subjectivité bien que je plaide une réelle volonté d'objectivité. On en arrive à une scène ou, pour battre la super-méchante un peu trop radicalisée dans son féminisme ultra, Musclor et Skeletor, le bien et le mal quoi, mais dans tous les cas les deux pendants opposés de la masculinité, s'unissent presque fraternellement pour contrer la menace féministe devenue par trop intégriste dans son rejet de toute forme de société (donc nécessairement patriarcale ??). Quand je vous dis que le propos manque d'homogénéité...


Mais pour être totalement sûrs d'avoir des arguments lourds à opposer aux censeurs prêts à dégainer leurs accusations de misogynie assumée, il fallait encore dégager les deux personnages principaux dont le seul charisme aurait pu détourner l'attention du propos progressiste. Solution de facilité, on les tue au début ce qui les sort proprement de l'algorithme. Pour justifier le transfert de protagoniste principal à celle qui n'était qu'un second couteau dans la série historique, on lui invente un passé caché et un destin fatal, elle était en fait une "fille de", une élue qui s'ignorait. Ce que l'on nomme Anagnorisis en procédé d'écriture et plot twist à la con en cinéphilie du dimanche (et il se trouve qu'on est précisément dimanche le jour où j'écris ces lignes, bien fait pour moi !).


Et pour tout ceux qui n'aiment pas lire de longs textes en deux mots voilà :
A moi, à moi au moins, ça ne m'a pas plu, alors que j'attendais un revival de la série depuis très très longtemps.
Je vois les qualités mais je ne comprends pas pour qui est pensé le produit. S'il existe une cible suffisamment importante pour constituer un objectif je ne parviens pas à la situer. Ni à gauche, ni à droite.
Je reste donc un peu déçu à l'issue de cette tentative.
La prochaine fois peut-être ? Mouais...
On va tenter de se dire qu'on y croit...

uzralk
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le 28 nov. 2021

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uzralk

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