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Série Apple TV+ (2021)

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Oubliez Tout Ce Que Vous Savez sur Asimov

David Goyer, auteur et showrunner de la série a clamé haut et fort avoir un angle original pour adapter Fondation, une vision synthétique et respectueuse de l'œuvre d'Asimov, un angle intéressant enrichi par la connaissance globale des différents cycles imaginés par l'écrivain et finalement articulés en un tout cohérent sur le tard (notamment avec le Cycle des Robots). Il s'est enorgueilli également d'avoir su trouver par cette proposition artistique originale, le soutien sans faille des héritiers spirituels ou du moins les ayant droits de la licence à savoir la fille d'Asimov elle même totalement mise en confiance après la lecture du script. On ne sait pas exactement quel était cet angle, en quoi consistaient ces idées lumineuses mais on se disait "Bon, le cycle a une identité tellement forte que même en en changeant profondément une bonne partie ça restera quelque chose d'unique et une approche fondamentalement intéressante. espérons donc juste que l'interprétation, la mise en scène et la post-prod soient techniquement qualitatives enfin a-minima et ça devrait quand même être un grand moment. On va voir ce qu'on va voir !"
Et puis les épisodes ont commencé à être diffusés.


Et là, le choc.
Ok, y'a une forte dimension Woke, plein de personnages sont féminisés et les minorités et la diversité sont très présentes à l'écran. Outre le fait que, personnellement ça ne me dérange pas dans l'idée, on s'y attendait vu que les romans avaient ce trait caractéristique et involontaire il me semble d'incarner une certaine idée d'un machisme assez évident mais je le redis, à mon avis involontaire. Pour ce qui touche aux "races", dans le domaine du space-opera en littérature, le thème est souvent déporté vers des espèces extra-terrestres et le fait qu'un terrien ait la peau blanche ou noire est peu de choses face à un extra-terrestre à la peau squameuse ou transparente donc bon, whatever. Quant à la sexualité d'Asimov, c'est un sujet qu'il me paraitrait bon d'éviter, enfin il me semble.
Mais les épisodes ont beau passer, on a beau se dire que l'auteur a un plan (par exemple débuter par l'absurde comme en maths pour démontrer à travers une succession d'échecs conclus par une réussite que la violence ne mène à rien et que, seule l'intelligence et la raison conduisent à trouver des solutions viables et effectives (un thème tellement cher à l'auteur qu'il nous bassine avec ça à tout bout de champ dans les bouquins, on a beau, on a beau, on cherche le rapport avec la choucroute quand même, au fond.
Donc là, de base, la protagoniste (qui n'a donc aucun rapport avec un personnage du livre en dehors de son nom) est l'élue de la galaxie (on espère que non, qu'en fait, elle est, à son insu, un produit mis en place par la Fondation tout comme Neo n'était qu'un bug récursif dans Matrix), passe son temps à tirer sur tout ce qui bouge et se voit dotée, de façon générale de la mentalité moyenne d'un joueur lambda de Call Of Duty. OK. Ca part mal, il faut le dire, espérons qu'elle verra la lumière mais là, niveau fidélité, on est tout simplement aux antipodes.
Mais les choses continuent à s'aggraver. On suit l'histoire d'un empereur cloné qui rappelle au choix Dune ou L'Incal mais aucunement quoi que ce soit que j'a pu lire d'Asimov, OK. Bon il est intéressant en soi mais quel est le lien ? En quoi est-ce une adaptation de quoi que ce soit là ??? Si ça vient d'un bouquin, il faudrait me dire lequel et que je me replonge dedans parce que là ça sonne carrément nawak mais bon. Le comédien, Lee Pace, est bien, il incarne, de façon paradoxale la seule pensée exploratoire de la série, constamment pris entre réflexion et décision avec des enjeux assez forts, les autres étant soit en train de courir un fusil à la main et de se battre au couteau contre des barbouzes aspirants terroristes, soit simplement mystérieux (Seldon et Demerzel). OK
Ca ne s'arrête pas là niveau trahison, non non. Demerzel justement. Le lien entre les deux grands cycles se présente sous la forme d'un robot féminisé et fanatisé, totalement servile à l'empereur et passant son temps, au nom de celui-ci à exterminer des individus et des populations entières (elle appuie sur un bouton et des planètes sont anéanties, vitrifiées, débarrassées de toute présence humaine. c'est pas comme si, Asimov, tout au long de son œuvre avait mis l'accent sur le fait que, dès leur conception fondamentale, les robots avaient été conçus pour ne pas être à même de nuire aux humains (ni en restant passifs de laisser les humains subir des préjudices quitte à sacrifier leur propre existence, c'est dire le truc). Pas comme si cette idée même est systématiquement évoquée depuis dès qu'il est question de robotique dans les médias ou dans l'industrie. M'enfin...


Bon OK. J'en suis à l'épisode huit et je pense que je peux commencer à tirer un bilan général de cette série. Déjà je me dis que soit David Goyer n'a pas lu les bouquins du tout, soit il les a lus il y a tellement longtemps qu'il a tout oublié et n'a pas eu le temps ou l'envie de se replonger dedans pour écrire son traitement. On a une histoire de monolithe également qui sort de je-ne-sais où (peut être d'un bouquin que je n'ai pas lu ou dont je ne me souviens pas) mais... attendez un instant !
Ce monolithe apparait précisément sur une couverture d'un des bouquins (bien qu'il ne soit pas même mentionné dans ledit bouquin...
Et si...
Si Goyer s'était seulement basé sur les couvertures des livres pour écrire son traitement et balancer sa props à Apple-Medias ? (peut être un impératif de timing trop court - genre un synopsis à pondre pour le lundi suivant, les financiers étant susceptibles d'annuler leur participation ou que sais-je ?)
Ca se tient ! On retrouve les éléments présents sur les couvertures, les belles images de vaisseaux spatiaux géants se livrant des combats pyrotechniques de toute beautayy, et tout ce qui figure dans les résumés en quatrième de couv mais rien de ce qui se trouve réellement dans les livres !
Put1, il nous aurait pas fait ça quand même si ???


N'empêche, soyons honnête : En soi la série Fondation est une bonne série de SF. Plein de concepts originaux et bien exploités, de bons comédiens bien dirigés (bon Demerzel joue le robot comme dans les séries des années 60 mais moi, j'aime bien alors je passe là dessus), de belles scènes d'action dans l'espace, sur des planètes hostiles ou à bord de vaisseaux fantastiques, des persos baddass dont certains sont plutôt intéressants. OK. Sur ce point, on se raccroche aux deux dernières séries Star Trek et même à The Expanse (qui en dépit de superbes fulgurances est une série largement sur-côtée à mon sens parce que niveau ventre mou on est quand même servis, la team de gentils beaux-gosses qui s'est donné pour parcours de vie de sauver sans cesse l'univers, mouais et le manque d'idées se fait quand même sentir par moments, superbe série, oui, mais excellente, faut pas pousser non plus). En revanche on est loin à mon sens, loin en deçà de Battlestar Galactica qui en dépit d'un démarrage long et un peu pénible est stratosphérique sur bien des plans en termes de qualité et d'ambitions narratives diverses et variées. Mais bon, ça n'est que mon avis.
Ouais Fondation est une bonne série de SF, on n'est pas dans le young-adult (c'est déjà en soi mais alors hautement appréciable), y'a de l'image, des concepts vraiment intéressants en eux-mêmes mais après ça n'est pas Fondation, ça n'a strictement aucun rapport avec Asimov et ça n'a, semble-t-il jamais cherché à l'être.
Ils auraient peut être eu intérêt à créer une nouvelle licence forte plutôt que de vouloir surfer sur une fanbase déjà existante (supposée) qui leur a finalement chié dans les bottes plus qu'autre chose. Reste plus qu'à attendre la saison 2 pour voir s'ils tentent de raccrocher un peu les wagons où s'ils s'en tamponnent royalement et assument.
D'ici là, si vous aimez la grosse SF Space-O, je recommande la série, en particulier si vous n'avez jamais lu les bouquins. Si vous les avez lus, en revanche, et que vous espérez ne serait-ce que le début d'une balbutiement d'adaptation fidèle, ben... vous allez être salement déçus. C'est certain.

uzralk
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le 6 nov. 2021

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