Les Revenants
6.7
Les Revenants

Série Canal+ (2012)

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• SAISON 1 (8/10)



[Critique du 22 septembre 2012]


Quel plaisir ! De voir une série française aussi soignée et concluante. C’est rare, surtout quand on s’éloigne de la sitcom (Kaamelott, Caméra Café, Scènes de Ménage,…), ou de la comédie (Les Invincibles, Platane,…). Pour cause, on a toujours une image soit campagnarde, soit banlieusarde de la France, dans les séries, avec une réalisation généralement soporifique, et un jeu d’acteur incroyablement mauvais. Pour le cas de Les Revenants, on pense beaucoup aux séries britanniques, avec cette ambiance mystérieuse particulière, le village isolé, une photographie plutôt monochromatique. Quelle joie de voir une série bien de chez nous qui ose se démarquer des standards.


Côté scénario, si on établit rapidement un parallèle avec les 4400 - des personnes qui reviennent avec certaines facultés - il faut tout de même noter que la série est une adaptation d’un film français, de 2004, du même nom. Mais, à part Frédéric Pierrot, qui jouait déjà dans le long-métrage et revient dans un rôle différent, seul le thème de base a été conservé puisque la série s’oriente davantage vers le fantastique que l’étude sociale. Comme dans ce film donc, les "revenants" sont des personnes décédées qui réapparaissent soudainement dans le même laps de temps. Cette "deuxième vie" n’est pas exempte de conséquences ; ainsi, ces revenants ont constamment faim, n’ont pas sommeil, guérissent rapidement de toute blessure, et ne se rappellent pas vraiment de leurs derniers instants de vivants. Au fur et à mesure que la série progresse, on explore alors le passé de ces personnes, les circonstances qui ont conduit à leur mort surtout, et on découvre petit à petit de nombreuses connexions entre les personnages et la situation actuelle, à l’instar de l’eau du lac en constante baisse.


Face aux évènements étranges qui surviennent depuis le retour de ces morts, les secrets et mystères du passé de certains vivants finissent par ressurgir aux yeux de tous et apparaissent également liés à ce qu’il se passe. Un effet boule de neige qui va totalement retourner la ville et altérer les relations entre les habitants. À la manière d’un Skins, chaque épisode se concentre principalement sur un personnage, qu’il soit revenant ou vivant, directement affecté par ces résurrections. Les révélations sont faites au fur et à mesure des épisodes et épaississent l’intrigue tout en créant de subtiles pistes de réflexion. J’ai peut-être un petit côté chauvin qui me fait apprécier la série davantage que si elle venait d’Outre-Atlantique, mais je dois dire que je suis agréablement surpris de voir une écriture, même si elle n'est pas dénuée de défauts, d'une telle qualité venant d'une production française, surtout au niveau de la mise en scène.


Car si l’on a l’impression d’être devant une série britannique, c’est essentiellement pour cette atmosphère conférée par la réalisation qui rappelle Misfits, avec un style très léché, jouant sur l’atténuations des couleurs pour obtenir une ambiance hâlée, grisâtre, mystérieuse. Cette mise en scène très soigné donne clairement un cachet à la série. C’est très lent, parfois limite oppressant, pour rester dans l’optique inquiétante. Les cadrages et mouvements de caméra sont parfaitement établis, et offrent quelques plans très beaux et significatifs. C’est vraiment à mille lieues de ce qu’on nous propose habituellement au sein de l’Hexagone, si ce n’est pour cette manie bien française de ramener les scènes de sexe sur le devant, alors qu’elles ne sont pas spécialement nécessaires. C’est juste histoire de bien marquer le ton mature de la série. Sans cela, la tension dramatique est omniprésente, les personnages donnent envie d’être découverts, l’émotion n’est pas exagérée ni forcée, tout comme les quelques amourettes qui parviennent à ne pas être trop pompeuses, et le ton sombre du show domine en tout instant.


Ce qui n’est pas anodin à la richesse de la bande sonore. En effet, le créateur Fabrice Gobert s’est payé le luxe d’avoir les excellents Mogwai pour signer la musique de sa série. Si le nom du groupe est alléchant, l’ambiance sonore qu’ils ont créée l’est d’avantage. Combinaison antinomique de touches mélodiques éthérées entêtantes, obsédantes même, de par les notes de piano et du carillon, qui pavent l’esprit irréel des évènements et d’une structure angoissante plus mortuaire via un violon bien sentencieux. Le groupe offre des compositions merveilleuses qui complètent parfaitement les sentiments recherchés par le scénario. Un des thèmes ressemblent d’ailleurs fortement à celui de Clint Mansell, sur le film Moon, pour dépeindre cette même ambiance d’isolation et de mystère. Une bande-son qui reste très minimaliste, finalement, pas rabâchée toutes le cinq minutes, et totalement adéquates au point de vue pris sur la série.


Le seul élément qui continue à nous faire sentir que Les Revenants vient bien de chez nous, ce sont ces tics d’acting qui sonnent souvent faux. C’était d’ailleurs assez amusant, le lendemain de la première diffusion, de rechercher une version VOSTFR des épisodes, avant de se rappeler la provenance de la série. Honnêtement, il n’y a pas grand-chose à déplorer puisque les acteurs s’en sortent très bien, pour la plupart. On est clairement pas dans du jeu spontané, avec des dialogues qui restent ce qu’ils sont, mais du fait de l’ambiance étrange qui semble régner dans la ville, ça apporte une dimension qui permet d’être vraiment moins regardant sur certains rôles. Notons juste Samir Guesmi, en tant que capitaine de gendarmerie, qui est souvent trop excessif. A contrario, Victor (Swann Nambotin) est parfait et fait parfois vraiment peur. Les sœurs rouquines sont un poil usantes à la longue, surtout Camille (Yara Pilarts) à qui on a envie de mettre des claques au lieu de compatir sur son sort, tout comme pour Lena (Jenna Thiam) dans une moindre mesure. On a aussi envie de secouer Adèle (Clotilde Hesme) pour la sortir de sa niaiserie. Toni et Serge sont par contre très bien écrits, et interprétés par, respectivement, Grégory Gadebois et Guillaume Gouix. Il en va de même pour le ténébreux et mystérieux Simon (Pierre Perrier), et Julie pour laquelle Céline Sallette parvient à retranscrire l’air méfiant, apeuré et associable. Enfin, Lucy (Ana Girardot) est assez anecdotique, si ce n’est pour les derniers épisodes.


Malheureusement, les questions clés de la série ne seront pas répondues en fin de série, en dépit de nombreux évènements montrés y étant associés. Contrairement à d’autres séries (américaines) qui surfent parfois sur cette tendance, il y a dans Les Revenants tellement de consistance dans chaque épisode, qu’on peut les excuser d’avoir voulu conserver leur agencement de l’intrigue pour une prochaine saison. Si on peut être frustré, d’un côté, de ne pas avoir davantage d’explications sur la nature du phénomène, d’un autre, ce finale est assez bien tourné, toujours à garder une part de mystère, tout en lâchant de nouvelles informations. Ce qui permettra de poursuivre l’intrigue sur une deuxième saison, sans avoir à trouver une excuse rocambolesque pour revenir dans l’univers de la série.


Les Revenants a été l’excellente surprise de cette fin d’année, surtout en sachant que la série vient de chez nous. Avoir une qualité d’ensemble est tellement rare qu’il serait dommage de cracher dans la soupe. Réalisation, écriture, interprétation, et ambiance sont toutes très travaillées pour apporter cette atmosphère très particulière et attirante que possède la série. S’il y a un véritable bémol, c’est qu’il faut patienter deux ans de plus pour pouvoir poursuivre l’aventure et trouver les réponses aux questions en suspens. D’ailleurs, de ce côté, j’espère qu’ils sauront s’arrêter quand nécessaire car, de ce que l’on apprend dans cette première saison, il ne doit pas rester énormément d’éléments pour lever le voile sur l’intrigue globale.



• SAISON 2 (8/10)



[Critique du 10 septembre 2019]


La série a ses détracteurs, du simple fait d'être réalisée dans l'Hexagone. J'avais beaucoup aimé la première saison, son atmosphère, la musique de Mogwai, ses mystères... Cette seconde saison a failli me perdre sur ses premiers épisodes, très lents et nonchalants, s'éternisant sur les conséquences du finale de la saison précédente plutôt que de faire progresser l'histoire et de résoudre les énigmes autour de ces Revenants. Et puis, petit à petit, l'atmosphère de ce village aux confins du territoire nous happe de nouveau, des réponses se dessinent tandis que la mélancolie sinistre qui entoure la série se fait plus lancinante et belle. Il y a surtout ce gosse, Victor (joué par le jeune Swann Nambotin brillant) terriblement inquiétant et fascinant, ainsi que quelques séquences ambitieuses. Mogwai apporte à nouveau l'ambiance musicale parfaite, une sorte d'élégie surnaturelle, pour une série très cohérente et symboliquement réfléchie, en plus d'être particulièrement soignée.

AntoineRA
8
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Créée

le 22 sept. 2013

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AntoineRA

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