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La saison 1 est plutôt bien menée en dépit de choix artistiques et scénaristiques qui peuvent dérouter. La saison 2 se laisse regarder malgré un démarrage poussif. Le début de la saison 3 est très décevant et je me suis arrêté là.


Au départ, le concept est audacieux et intéressant, mêler une grande saga familiale avec de nombreuses trames romantiques, une série historique dans les années 20, le thème de l'émergence des télécommunications et du féminisme dans la très conservatrice société madrilène... Et la mayonnaise prend, globalement. Cela pourrait être une bonne saga d'été (notez le niveau d'ambition)


Visuellement, c'est plutôt très réussi, les décors, les costumes sont propices à rendre crédible l'univers. La distribution est d'un bon niveau même si le doublage en Français laisse franchement à désirer.


Les partis pris esthétique et musicaux, sont plutôt résolument modernes. On appréciera ou pas certaines ambiances très pop, l'esthétisme ou l'anachronisme musical pop rock techno-mettez-tout-en-s'en-fout-c'est-des-jeunes-qui-regardent sur le fox-trot... Personnellement, je trouve dommage de ne pas avoir joué le jeu à fond, mais plaire au public actuel et netflixien est sans doute un écueil de nature à inciter à la modernisation forcée et à la saturation des couleurs. Au final, si ça déroute au début, ça ne rebute pas non plus.


La narratrice est trop bavarde. Beaucoup de ses commentaires confinent aux pensées de Jean-Claude Van Damme et aux propos les plus lénifiants du monde pour concourir à la journée du premier degré. Personnellement, j'ai déjà un peu de mal avec les narrateurs, alors quand c'est superfétatoire, cela devient vite très saoulant.


Ce qui est plus discutable...


Les facilités scénaristiques qui tendent à se multiplier au fur et à mesure du récit, notamment dans la saison 2 commence à nous gâcher sérieusement la fête... Des conflits mis de côté ou des trames oubliées en cours de route, des réactions de personnages incohérentes sur le plan psycho & logique... Quelques trous d'air inévitables apparaissent quand on étire au maximum les rebondissements. Je t'aime / mais oui / et puis non / oui / non / et toi pareil ? Ah... / oui / non / je sais plus / au fait c'était quoi le sujet déjà ?


C'est d'ailleurs une tendance des séries espagnoles, souvent formatées pour du 60mn - oui 60 et pas 52 - au lieu de 45 à l'international. La Casa de Papel avait d'ailleurs fait un four à la tv espagnole pour cette raison avant de connaître un succès sur Netflix, une fois la saison complètement remontée. Avec les mêmes faiblesses concernant le vraisemblable de certaines situations et les gros câbles scénaristiques.


Dans le mouvement, ça passe.


Effectivement, la majeure partie de ces défauts ne sont pas trop dérangeants - pour peu que l'on n'attende pas la Lune dès le départ - car toujours noyés dans un grand entrelacs de trames, de personnages, de rebonds et ce, jusqu'à la fin de la saison 2 qui pourrait tout à fait signer la fin de la série. Une fin logique, dramatique et plutôt porteuse de sens.



  • spoiler - A la fin de la Saison 2, l'héroïne principale convaincue de crime est forcée à avorter s'enfuit à travers un hôpital. Elle tombe du premier étage, laissée pour morte.


Mais il fallait faire une saison 3 et là les ennuis ont commencé !
J'imagine très bien les scénaristes emmerdés par leur propre cliffhanger et les situations installées, les conséquences inextricables pour l'héroïne :
- Bon ben on n'a qu'à dire que c'était un rêve et puis voilà quoi... On va manger ?


C'est presque un reboot auquel on assiste, les conséquences logiques pour les personnages principaux sont purement effacées du récit...



  • spoiler - Au début de la S3, elle est blessée mais consciente. Son amant l'emporte pour la faire soigner dans un autre hôpital où elle fait une fausse couche... Mais : 6 mois plus tard, elle est réveillée par les cris de son bébé et la voix off de préciser "ce n'était qu'un cauchemar !"


Fin de l'histoire pour moi.


C'est le genre de sortie d'ornière que je barre d'un grand trait rouge dans les scénars de mes élèves, mais il faut croire que des auteurs professionnels ont encore recours à ce genre de Deus ex Machina pour résoudre leurs problèmes au XXIème siècle !


C'est là où j'ai atteint mon quota de tolérance pour les duperies envers le spectateur.


Malgré tout, si on aime les sagas familiales et les romances compliquées, les soap opera ou les telenovelas, si finalement le plaisir de trouver des personnages attachants et se laisser porter compte plus que la complexité d'un récit, on y trouvera sans doute son compte.

AntoineCupial
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le 19 sept. 2018

Critique lue 1.6K fois

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Antoine Cupial

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