LOST > *

La découverte des disparus

Je me rappelle encore la première fois que j'ai vu le pilote de la série en 2004. Soirée TV chez mes parents, on découvre les premières images de ce show dont on ne connaissait rien. La qualité des effets spéciaux, le crash de l'avion, c'était incroyable. On avait du mal à croire qu'il s'agissait d'une série tant on avait la qualité visuelle d'un blockbuster.

Puis, pour la première fois, on a entendu les sons mécaniques aujourd'hui si célèbres, suivis d'un cri qu'on associait alors à un dinosaure et de craquements d'arbres qui se cassaient. Ensuite : rien, juste le doute et la perplexité. Premier mystère, premier WTF, LOST entrait dans le Fantastique par la petite porte.

Quelques épisodes plus tard, les rescapés croisaient un ours polaire sur leur île tropicale. Ici, les spectateurs ont commencé à se diviser entre ceux qui pensaient à l'incohérence et au délire des scénaristes d'une part et d'autre part ceux qui gardaient la foi.

Rencontre avec les personnages

Une des forces de LOST réside dans ses personnages. Les personnages principaux de la série se comptent pas dizaines et les projecteurs ne sont pas fixés sur les mêmes du début à la fin. Au début, on a Jack, archétype du héros intelligent, fort, charismatique et au grand cœur. Vient Kate, la jolie brune au passé plein de secrets, puis Sawyer le voyou, Hurley le gros ami avec tout le monde, Sun et Jin qui ne parlent pas l'anglais, Sayid le soldat, etc. Dur d'en faire la liste, elle remplirait un article à elle seule tant les personnages sont importants dans la narration de la série.

Pourtant, et c'est là le paradoxe, l'histoire des personnages n'a finalement qu'un impact limité dans la trame générale de la série tant elle les dépasse et trouve son origine bien avant eux. L'histoire de l'île commence bien avant que leur avion s'écrase et ne se termine pas avec eux. On suit donc leurs aventures mais ils sont au final autant spectateurs que nous. Malgré cela, la psychologie de chacun d'entre eux est explorée, décortiquée, étudiée. Chaque personnage devient attachant, et le spectateur n'a d'autre choix que de se retrouver dans l'un d'eux.

Les scénaristes n'ont d'ailleurs jamais eu peur du changement et, entre les morts des uns, on a pu assister à l'évolution des autres. Au fil des saisons, Jack sera un leader charismatique, un chef trop borné, un survivant rongé par les regrets, un sauveur dans le doute avant de finalement accepter son destin et devenir un homme de Foi. De la même façon, les personnages que l'on découvrait plein d'assurances, détenteurs de réponses, se révèlent un par un n'être que des hommes dépassés par leur destin, victimes malgré eux de l'influence de l'île.

Une structure déconcertante

Autre particularité de LOST : la narration décousue. Dans la première saison, on nous présentait la personnalité et la psychologie des personnages à travers des flashbacks. Dès le début, on fonctionne sur un système de centric. Dans chaque épisode, les flashs et l'action sur l'île sont centrés sur un personnage particulier. Les flashs aidant à comprendre les actions sur l'île. Les flashbacks ont perduré jusqu'à la fin de la saison deux mais le concept commençait à s'essouffler, le passé des personnages ayant déjà été développé plus que nécessaire.

Ainsi, dans les saisons 3 et 4, changement de programme et place aux Flashforwards. Le présent sur l'île s'alternait avec des flashs du futur de certains des personnages retournés à la civilisation. Bien moins conventionnelle, cette narration permettait de comprendre clairement un élément important : LOST ne raconte définitivement pas seulement l'histoire de quelques naufragés qui souhaitent quitter une île. Tout cela est bien plus vaste. On passe ainsi une saison à découvrir comment le présent peut rejoindre les Flash, et pourquoi ils en arrivent là.

Dans la saison 5, il n'y a plus de Flashs, tout simplement parce que le groupe de survivant est divisé et la narration passe d'un groupe à l'autre.

Enfin, dans la saison 6, les flash se révèlent plus mystérieux que jamais, montrant une réalité alternative dans laquelle l'île n'aurait jamais existé, où l'avion des survivants ne se serait pas écrasé.

Ces différents Flash permettent ainsi le développement d'une richesse extraordinaire pour le scénario, lui offrant une complexité rarement atteinte, mêlant différentes époques, des dizaines de personnages, des organisations mystérieuses aux objectifs troubles... Tout en gardant une cohérence globale plus que solide.

Des mystères qui font parler

Voici un concept particulièrement polémique. Dans LOST, beaucoup de questions sont posées. Et quand les épisodes nous offrent des réponses, elles sont généralement accompagnées d'autres questions. De fait, les discussions sur Internet ont été plus animées que pour n'importe quelle autre série jamais diffusée. Les spéculations, les fausses explications, les débats... La communauté des fans de LOST à passer 6 ans à partager ses idées autour des mystères qu'on lui servait.

Les producteurs de LOST ont comprit le fonctionnement d'Internet et ont su profiter de l'émulation que ce média leur permettait. Le contact entre eux et les fans de la série a été continu, des épisodes spéciaux sont apparus sur Internet pour développer une partie du background (le projet Dharma et la fondation Hanso), les spectateurs ont été clairement invités à spéculer et ont parfois eu la chance de trouver des réponses officielles. Cette émulation autour de LOST fait partie intégrante de la série, les épisodes ne s'arrêtaient pas quand on éteignait la télévision, on baignait dans les mystères qu'ils nous offraient.

Au-delà de ça, le scénario de LOST est une véritable poupée russe. De saison en saison, on découvrait de nouveaux éléments et chaque fois on finissait par découvrir qu'ils faisaient partie de quelque chose de bien plus grand, jusqu'aux derniers épisodes de la dernières saison. Beaucoup de pièges dans lesquels on tombait avec plaisir.

C'est pour ça que je pense que LOST est définitivement une série écrite et conçue pour un public de fans. Il est presque indispensable de se plonger corps et âme dans la série pour en saisir la qualité, regarder passivement ne suffit plus. Et c'est une série qui s'adresse à un public patient. Il n'est pas possible de regarder un épisode, puis un autre trois mois plus tard et espérer comprendre l'intérêt de la série. Pour comprendre LOST, ses personnages, son univers et ses mystères, il est nécessaire d'avoir tout vu du premier au dernier épisode. C'est comme ça, c'est une contrainte que se sont imposé les producteurs mais c'est aussi ça qui rend la série si magique.

Plein de défauts

Qu'on soit bien d'accord, LOST a plein de défauts. Au cours des saisons, les épisodes étaient clairement inégaux, certains personnages devenaient parfois plus qu'agaçants (Jack, Kate, désolé !), les scénaristes se sont clairement perdus en chemin à plusieurs reprises, les dialogues n'étaient pas toujours de la première fraîcheur, les effets spéciaux des dernières saisons laissaient à désirer (ahah les vues du sous-marin qui plonge), les morts de certains personnages de premier plan étaient plus qu'expéditives, celles des personnages de second plan étaient juste caricaturales, certains épisodes étaient juste inutiles...

Mais ce qui est magique c'est que j'ai conscience de ces défauts, je les ai constatés en les croisant, je m'en rappelle aujourd'hui, mais malgré ça toutes les qualités de la série font que je tremble de plaisir en repensant à tous ces épisodes.

Merci

Merci aux créateurs de cette série pour 6 ans d'aventure, de torture mentale, de philosophie, de fantastique, de théories du complot, d'histoires d'amour, d'action, de psychologie, de bien contre le mal, de blanc, de noir, de foi contre la raison, d'ours blancs et de fumée noire. J'ai adoré passer ces années à suivre votre série.