Malcolm
7.8
Malcolm

Série FOX (2000)

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Malcolm, une série contestataire ?

Loin de moi l'idée de vouloir sur-analyser une série qui n'a rien de franchement politique, mais j'ai toujours trouvé que Malcolm avait quelque chose de franchement innovant, subversif et assez "poil à gratter" dans son humour et sa construction.


Cette série qui a fait les plus belles heures de ma petite enfance et que je redécouvre aujourd'hui serait elle contestataire ? La question mérite d'être posée. Prenons son titre original, "Malcolm in the middle" : cela pourrait donner des indications sur la volonté du créateur de dessiner un constat social, celui de la middle-class américaine. Mais Malcolm détourne ce constat pour l’amener vers un sujet moins ouvertement politique, mais encore plus passionnant : c'est la folie qui est à l'oeuvre ici. Malcolm est une série sur la folie, la folie pure. Plus que d'une classe sociale, elle parle avec férocité d'une mentalité, la mentalité américaine, qui n'a de point final qu'une folie furieuse. La série, l'air de rien, parle des problèmes financiers, de la consommation, de la religion, du politiquement correct, de l'hypocrisie, des règles et des lois avec un humour outrancier, cartoonesque, absurde. Il s'agit de prendre une famille extrême par sa loufoquerie et de la replacer dans le contexte d'un monde qui existe, et d'observer ce qui lie les deux. Et là où Malcolm est génial, c'est que la folie de cette famille rejoint et se fond en tout point dans cette Amérique là, ses pavillons, ses banlieues et sa mentalité si particulière. L'air de rien, Malcolm va plus loin que des séries beaucoup plus franches à ce sujet (Desperate Housewives), parce qu'elle a en plus l'humour singulier et unique.


Par delà l'analyse, la dimension contestataire de Malcolm irrigue toujours ses récits : chaque épisode va se lancer sur une opposition, un franchissement des règles et des lois, de la morale (les bêtises des garçons, les réactions limites de Lois) qui se substitue à la folie montante de la série (le personnage de Hal, par exemple, voit sa démesure augmenter de saison en saison, jusqu'au paroxysme de la saison 7).
Contestataire, aussi, parce qu'elle s'oppose à un modèle de production, à l'émotion préfabriquée des séries américaines. Il n'y a jamais, dans Malcolm, un rappel à l'émotion et à la raison qui sont le piège de nombreuses séries comiques, le fameux "on s'est bien marré, maintenant il faut pleurer, et rappeler que l'on s'aime". Malcolm fait dans le schéma inverse, c'est toujours la guerre, encore plus lorsque l'on devrait se prendre dans les bras. Dans un épisode, Lois ne parle plus à Francis pour le punir de s'être émancipé. Cette situation fait toute la drôlerie de l'épisode, mais lorsque qu’avec gravité Lois accepte enfin du lui parler, la musique monte, mais tout de suite la folie revient et les deux personnage s'insultent. C'est toujours la guerre. Mais souvent cette guerre se retourne contre l’imbécillité du dehors, et c'est là que la série tire sa force. Je pense à cet épisode où les enfants regorgent d'inventivité pour venger leur mère, moquée par la famille de son mari, et détruisent le festin organisé pour l'anniversaire du patriarche. C'est l'éloge et la reconnaissance de sa propre folie. La folie, dans Malcolm, est une force qu'on finit toujours par revendiquer. C'est l'emblème de cette famille de la "middle" justement, sa richesse à elle. Il n'y a que cette folie, forme d'amour sublime, qui lui reste. C'est hyper subversif, hyper osé, pas complaisant et surtout pas méprisant, car le personnage de Malcolm, le petit génie, qui incarne l'élitisme, se sert de son intelligence pour inventer les pires bêtises. La figure du petit génie solitaire est mosquée, parodiée.


Pourtant, Malcolm est une série émouvante. Son inventivité, son écriture unique et sa férocité émeuvent, mais aussi ses personnages, la justesse de leur trait, l'amour qui circule entre eux et qui s'exprime par d'autres lectures des situations. La famille de Malcolm est comme un radeau solitaire qui résiste à la conventionnalité, aux clichés et aux stéréotypes, toujours déchirée mais toujours unie contre la normalité factice qu'une certaine production télévisuelle aux prises avec la mentalité hypocrite de son époque tente de lui imposer.


Et puis, surtout : c'est vraiment très drôle.

B-Lyndon
8
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le 19 août 2015

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B-Lyndon

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