Mawaru Penguindrum
7.8
Mawaru Penguindrum

Anime (mangas) MBS (2011)

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Avant toute chose, la critique va contenir du spoil, beaucoup de spoil, mais c'était nécessaire pour expliquer ce qui ne va pas, de mon point de vue, dans cet anime.


Mawaru Penguidrum est une série qui m'avait donné très envie avant de la commencer, de part son titre intriguant, son visuel, le synopsis et les critiques dithyrambiques à son sujet. La déception est à la hauteur de mon attente, et il me reste un goût amer après ces vingt-quatre épisodes.


En premier point, la série n'a rien, mais alors rien à voir avec ce dont je m'attendais. Je pensais avoir une histoire de quête d'objet magique, avec des éléments vaguement magical girl de part la transformation de Himari grâce au chapeau pingouin ; il n'en est rien. Vous me direz, c'est pas plus mal, et ça ne peut constituer une critique en soi. En réalité la série va tourner autour de complots plus ou moins symboliques, de relations entre les personnages plus ou moins symboliques, et la quête sera, idem, symbolique. Et c'est là que ça en devient problématique. L'histoire est asphyxiée par la symbolique. Alors, de base, je n'ai rien contre la symbolique, au contraire ; elle permet d'enrichir une histoire et de lui donner une portée plus universelle, un message saisissable par tous.


Sauf qu'ici, l'histoire n'a, au fond, pas besoin de cette surdose de symbolique. Grosso modo, MP, c'est l'histoire d'une famille qui découvre qu'elle en est pas une, et de trois individus apprenant à gérer leur deuil bien après la disparition d'un quatrième. Comme ça, sur le papier, ça a l'air génial ; sauf que la symbolique vient tout tuer. Les émotions des personnages sont vus constamment par le prisme de cette symbolique (les pingouins, les pommes, le journal intime, le métro tokyoïte, les écharpes, les idoles, le curry etc.) et il en résulte quelque chose de faux, de pas authentique pour un sou. Et même, ça fait branlette au fond, quand on voit qu'absolument tout est relié par des symboles représentant des concepts flous, abstraits ; ça aurait été vachement mieux s'il n'y avait pas eu autant de symboles, si on avait pu profiter pleinement des émotions des personnages, et s'y attacher.


Les personnages, parlons-en justement. Je n'ai pas réussi à m'attacher à eux. On a d'abord la petite famille ; Himari, Kenba et Shoma, qui en fait ne sont pas biologiquement frères et soeurs. Je n'arrive pas trop à comprendre le message derrière cette famille éclatée ; l'inceste est au coeur de leurs relations, y'a du brother et sister complex à la pelle (qu'on comprend grâce aux pommes et aux pingouins). Kenba et Shoma sont amoureux de leur soeur, Himari va être tout d'abord amoureuse de Shoma puis Kenba. On justifie cet inceste par le fait qu'ils ne sont pas biologiquement frères et soeur mais je trouve le message derrière pour le coup super dégueulasse; ça revient à dire que les liens d'adoption ne sont pas véritables, qu'on ne peut être frère/soeur qu'avec un membre biologique de notre famille. Cette impression m'est confirmée par la présence de Masako (un des pires personnages que j'ai jamais vu), la "vraie" soeur de Kenba, qui va le harceler pour qu'il intègre sa "vraie" famille, et où elle dit à Himari que cette famille "d'adoption" est une escroquerie (et ce message est validé à la fin du fait que la famille éclate et que Himari et Kenba se débarrassent du lien fraternel pour accomplir l'acte d'amour - mais beurk quoi. Beurk, beurk, beurk.) Et tout ça nous est servi avec plein d'incohérences. Himari encore je veux bien, mais Kenba et Shoma ne se rappelaient pas de l'adoption du premier dans la famille, alors qu'ils avaient dix piges ? Et Shoma ne se rappelait plus comment il avait rencontré Himari, alors qu'il avait à peu près cet âge là ? Si y'a des gens qui veulent m'éclairer, je suis preneuse.
On a ensuite l'autre trio/quatuor de l'intrigue, avec Ringo, Tabuki et Yuri. Là aussi c'est très malsain ; Ringo est la petite soeur de Momoka, une gamine décédée il y a 16 ans, et vit pour réaliser le "destin" qui est écrit dans le journal intime de sa frangine. Elle harcèle donc Tabuki, qui était l'amoureux de la frangine, et ce mec va se mettre avec l'amie d'enfance de Momoka, Yuri (qui au passage, est en réalité homo à cause d'un traumatisme d'abus sexuel par son pôpa - comment ça, encore un message puant ?) pour qu'ils puissent vivre toujours avec "l'esprit de Momoka" à leurs côtés. Malgré le caractère très malsain de cette relation, je l'ai trouvé plutôt bien écrite, quoique exagérée ; je pense pas qu'on vive son deuil ainsi, quand bien même on a été profondément traumatisé. Malheureusement, vers les derniers épisodes, la série occulte complètement ce trio, alors que le problème est loin d'être résolu ; et puis encore une fois, la symbolique vient étouffer le tout (le journal, le curry, le 20 de chaque mois, le projet "M" etc.).
Il nous reste le méchant aux cheveux roses, complètement insignifiant, et voilà le casting.


La première partie de MP tourne autour du destin, la seconde autour de la famille. La troisième thématique est la plus intéressante, car elle relie habilement les deux ; c'est celui du terrorisme et de la culpabilité des actes que peuvent transmettre les parents à leurs enfants (Himari, Kenba et Shouma sont les enfants de terroristes qui ont bombardé le métro de Tokyo). Cette thématique est plutôt bien exploitée et c'est celle qui relie vraiment tous les personnages entre eux. Cependant l'anime ne parle pas que de ça, c'est donc emmêlé avec les thèmes du destin, de la famille, du sacrifice, de la maladie, de l'amour, du deuil (oui ça fait beaucoup - beaucoup trop) qui sont exploités conventionnellement ou maladroitement alors qu'ils sont mis au même rang, voire devant ce thème du terrorisme. La symbolique de métro, du cercle et du 95 (que je trouve, personnellement, la plus réussie) est emmêlée avec les pommes et les pingouins (la première est hyper convenue, la seconde n'a aucun sens), et ça donne un résultat plutôt indigeste. On perd un propos qui partait plutôt bien, et qui avait de grands enjeux, car il est mêlé dans une richesse symbolique et scénaristique faussement complexe.


Je vais parler vite fait des pingouins, que je pensais très importants et qui sont en réalité complètement inutiles à l'intrigue, et dont on aurait très bien pu se passer de la symbolique (ironiquement c'est ce symbole qui est contenu dans le titre...). Tout d'abord, Himari, Kenba, Shoma et Masako ont chacun un pingouin invisible au yeux des autres, qui fonctionnent comme une personnification animale de leur caractère. Leur interaction sert de "mise en abyme" légère, comme un petit spectacle comique à regarder sur fond de grand discours sur la vie, l'amour, bla bla bla. Les personnages, à part dans les deux premiers épisodes, n'interagissent pas avec eux, n'en parlent jamais ; ils sont purement du background. Va falloir m'expliquer l'intérêt d'avoir mis ces mascottes kawai, si ce n'est pas pour les exploiter, et en plus venir casser le peu de drama qui peut se dégager de certaines scènes. Ensuite on a le chapeau pingouin, dont l'origine est totalement WTF au sens péjoratif du terme, et qui transforme Himari en princesse connasse à moitié à poil qui donne des ordres en insultant les gens (ceci n'est jamais expliqué dans l'anime). D'ailleurs, chapeau au studio Brain's Base qui a habillement économisé 1m30 d'animation à chaque fois que Himari se transforme en princesse connasse. Enfin, dans la catégorie "symbolique du pingouin" on a le Penguidrum, qui se révèle être un pomme (le rapport logique ? Non ? Ok, passons). Oui je vous ai spoil ce que c'était, mais honnêtement, je vous épargne l'attente 24 épisode pour savoir que c'est "le fruit du destin" qui permet aux gens... de lier leur destin - waoh, quelle révélation de fou ! (à la limite, pour être raccord avec le titre, ça aurait du être un Kinder Pingui).
(J'ai pas réussi à le caser plus haut, mais on a aussi un deuxième chapeau pingouin, que porte le petit frère de Masako et Kinba, et le truc est complètement, mais alors complètement sous-exploité. On le voit maximum deux fois avec, il dit deux lignes de dialogues et c'est tout, alors que Masako a la même quête que Kanba et Shuma, à savoir récupérer le pinguidrum pour guérir son frangin.)


Sinon, visuellement l'anime est très bon. Le visuel joue avec la construction des épisodes, notamment avec les scènes dans le métro, qui est le fil conducteur de cette histoire, la mise en scène des stations et les slogans des idoles font une jolie mise en abyme des situations scénaristiques (ça n'abuse pas du symbolique à outrance des autres scènes, et c'est tant mieux). Les décors sont à la fois pop et urbain, avec beaucoup de couleurs. Je ne suis pas très fan du chara design des personnages, je les ai tous trouvés assez quelconques, par contre je salue le costume design du chapeau et de la tenue pingouin.
Deux mots sur l'OST ; la bande-son est sympa, sans plus, le premier opening est la seule piste que j'aime beaucoup (le deuxième m'est insupportable par contre).


Donc voilà, j'ai été très déçue. Pensant regarder un anime avec des pingouins et une ambiance bonne enfant, je me suis retrouvée avec un récit qui se prétend complexe, bourré de métaphores et de symboles jusqu'à l'indigestion, au détriment des personnages qui perdent beaucoup en charisme, vu qu'on ne se concentre pas sur leur essence-même. Y'a des trucs à sauver, comme le triangle Ringo/Tabuki/Yuri (même si mal exploité à la fin), le visuel, la thématique du terrorisme, mais le tout est noyé dans plein d'autres trucs moyens ou convenus. Je comprends qu'on puisse aimer, mais inversement, j'espère que les fans comprendront pourquoi moi je n'ai pas pu.

Marie_Portejoie
5
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le 8 juil. 2015

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Marie_Portejoie

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