C'est monumental ! Les 5h30 qu'il avoisine passent en un clignement de cils. Le format série aide beaucoup mais le traitement qu'adopte Haynes est vraiment le plus important dans toute la fluidité de l'œuvre. Ca fait longtemps qu'un film aussi long ne m'avait pas paru aussi rapide au visionnage (en admettant qu'il y en ait déjà eu par le passé). C'est du mélodrame au sens le plus pur et le plus noble du terme, absolument sublime dans son classicisme, jamais poussiéreux ni figé dans le passé (tant du point de vue du contexte historique dans lequel il prend place - le film pourrait tout aussi bien se dérouler à notre époque, je doute que ça change fondamentalement beaucoup de choses - que dans la manière qu'il a de convoquer un certain cinéma mélodramatique qu'Hollywood avait su offrir par le passé), toujours emprunt d'une grande modernité qui évite les écueils de l'académisme dans lequel il aurait pu sombrer. La plume de Haynes et sa mise en scène dessinent une œuvre d'une puissance tragique absolument terrassante de cruauté. Le film passe de la chronique sociale (avec cette superbe première partie fascinante qui montre une femme au foyer, qui devient, tant bien que mal serveuse avant d'ouvrir un restaurant à son propre compte) à la tragédie tout en prenant tour à tour des allures de thriller voir de film d'horreur (la dernière partie c'est bien ce que j'ai vu de plus éprouvant depuis des lustres, le personnage d'Evan Rachel Wood aussi superbe que Kate Winslet est véritablement monstrueux, véritable beauté froide, perverse et empoisonnée - et l'actrice qui l'interprète enfant n'est pas en reste, elle est aussi glaçante et glaciale que sa version adulte). Ca touche dans le mille à chaque fois, que ça soit quand le film évoque (en arrière plan mais avec toujours beaucoup de vie) un contexte historique, quand il met en scène une histoire d'émancipation féminine et féministe, une ascension sociale motivée par l'amour filial ou quand il décrit cette même relation amour-haine, complexe et cruelle entre une mère aimante et sa fille farouchement méprisante. C'est ample, c'est fascinant, émouvant et grandiose (à ce titre, la scène d'opéra confine au sublime - tout le milieu musical dans lequel s'ancre le récit donne une noblesse infinie à l'œuvre - et la belle idée de Todd Haynes a été de la dévoiler en deux parties). Et puis, ça ne faiblit jamais malgré sa durée, le film sait se réinventer en permanence, démarrer de nouvelles micro-histoires au sein du récit principal, délaisser des personnages, intrigues et détails en cours de route pour mieux les reprendre et les accompagner en cours de chemin. Le schéma ascension-chute crée une véritable dynamique du récit qui fait qu'on anticipe toujours ce qui va se passer mais sans pour autant que ça ne trahisse un manque de rigueur dans l'écriture : bien au contraire, on redoute ce qui va arriver au personnage de Kate Winslet et on se doute que sa chute sera aussi brutale que son ascension a été fulgurante et tout le tragique du film est mis en place de cette manière. Quel cinéma magnifique que celui de Haynes ! C'est un film que je pourrais tout à fait revoir je pense et qui me donne envie de me plonger plus profondément encore dans le reste de son œuvre : j'ai ainsi très envie de revoir son Carol (qui n'a pas la cruauté et la noirceur de Mildred Pierce, sachant que le film m'avait beaucoup plu mais m'avait pourtant moins saisi) et surtout découvrir Loin du Paradis (entre Cate Blanchett, Rooney Mara, Kate Winslet, Evan Rachel Wood et Julianne Moore, Todd Haynes a définitivement d'excellents goûts quand il s'agit de choisir ses actrices).