Normal People : Une love story irlandaise instantanément culte

Encore discrète en France, où elle sera diffusée durant l’été, Normal People a fait sensation outre Manche. Adaptation éponyme du roman de Sally Rooney, la série raconte la relation tumultueuse et passionnelle qui unit Connell et Marianne. Une véritable pépite à consommer sans modération.


La magie a encore frappé. Dans le monde varié et foisonnant des séries télés, le Royaume-Uni a toujours su se distinguer de la concurrence, quelque soit le genre abordé. Peaky Blinders a marqué à jamais la fresque criminelle historique. Sherlock a totalement réinventé et modernisé le célèbre détective du 221B Baker Street. Le polar compte dans ses rangs des mastodontes tels que Luther, Broadchurch ou encore Bodyguard. Et on ne présente plus la célèbre Black Mirror de Charlie Brooker qui dissèque, entre humour noir et satire, un futur possible qu’on ne voit plus du même oeil. Autant de noms qui ne font que gratter la surface d’un éventail bien plus riche. Et c’est sans rougir face à ses prestigieuses aînées que vient se greffer à cette liste Normal People, dont les qualités évidentes en font instantanément une série singulière et immanquable.


Dans l’ouest de l’Irlande, Connell et Marianne fréquentent le même lycée. Elle est autant introvertie et rebelle qu’il est populaire et sociable. Tout les oppose ou presque. Et pourtant. À l’abris des regards, ils connaissent leurs premiers émois. Un amour dissimulé en amitié, ou alors l’inverse, qui les suivra jusqu’au Trinity College de Dublin où cette relation complexe se poursuivra. Car la vie ne cessera jamais de les séparer et de les ramener l’un vers l’autre. Pour le meilleur et pour le pire.


Diffusée sur la chaîne BBC Three, Normal People a pulvérisé les records d’audience dès sa première semaine, enterrant la populaire Killing Eve au passage. Le succès littéraire de Sally Rooney se poursuit donc sur petit écran. Il faut dire que l’auteure, dont l’ouvrage est en partie autobiographique (et encore inédit en France), s’est elle-même occupée de l’adaptation. Sans doute l’un des éléments qui participent à la réussite totale qu’est la série. Dès le premier épisode (sur un total de douze), Normal People vous happe pour ne plus vous lâcher. Pourtant, sur le papier, rien de neuf à l’horizon, puisqu’on propose au public une énième love story aux profonds airs de déjà vu. Erreur. Grosse erreur.


Ce qui distingue une histoire d’une autre, une bonne d’une mauvaise, c’est la manière de la raconter. À ce jeu, on pense à James Cameron et son Titanic par exemple. Deux amoureux sur un bateau qui coule. Simple, basique. Et pourtant le cinéaste transcende son matériau de base pour livrer un classique immédiat. Normal People en fait de même en sublimant elle aussi cette histoire d’amour lambda pour rendre la romance entre Marianne et Connell universelle. Sérieuse et appliquée, la série adopte un premier degré de circonstance. Un procédé qui lui permet d’éviter les clichés habituels du genre pour, au contraire, s’attarder sur des moments qu’on ne verrait pas habituellement à l’écran.


Avec une infinie justesse et une grande délicatesse, Lenny Abrahamson (l’un des deux réalisateurs avec Hettie Macdonald) filme les maladresses, les hésitations, les malentendus… Tous ces éléments qui entrecoupent des scènes charnelles elles aussi traitées d’une façon remarquable avec un sens du cadre qui capte à merveille les chairs. Il y a fort longtemps qu’on avait pas vu un corps masculin ainsi exposé à l’écran, tout comme les failles et faiblesses d’un homme dans une histoire sentimentale, qui a plus souvent l’habitude de se concentrer sur le personnage féminin. Pour accentuer le tout, les deux comédiens principaux, Paul Mescal et Daisy Edgar-Jones, se mettent littéralement à nu et font preuve d’un talent remarquable.


Sous ses airs très classiques, Normal People se veut aussi très actuelle dans sa façon d’aborder les relations sentimentales. Entre amour et amitié, les frontières sont de plus en plus floues, les doutes nombreux et les incompréhensions sont légions. Le regard des autres, la pudeur, les faux-semblants, l’évolution des mentalités, l’instabilité amoureuse… La série, très psychologique, dissèque tous ces choix de vie qui vont définir une personne et faire d’elle ce qu’elle sera pour le restant de ses jours. Au milieu de tout ça reste évidemment l’amour, omniprésent, marqué au fer rouge. Celui qui, au-delà des souffrances qu’il peut amener, vous fait grandir comme peu d’autres histoires le feront. Et comme peu de séries, ou même de films, on pu le faire jusqu’à présent. Et rien que pour ça : chapeau !


Générique de fin : Encore confidentielle, Normal People a tout pour devenir l’une des séries incontournables de cette année 2020. Très classique dans sa structure, la série transcende son matériau basique pour livrer une histoire d’amour d’une finesse incroyable et immédiatement identifiable. Ces « personnes normales » se montreront bien plus complexes qu’il n’y parait et la série gagnera alors en profondeur en sondant leurs âmes tourmentées. La mise en scène précise et les comédiens en état de grâce finissent de tout emporter sur leur passage, hissant la série au rang de réussite exemplaire.

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Créée

le 14 juil. 2021

Critique lue 253 fois

Valentin Pimare

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