Deux moi : Le ça, le moi et le surmoi de Klapisch

Figure majeure du cinéma français, Cédric Klapisch connaissait depuis quelques films une petite baisse de régime. Lui qui a toujours su filmer la jeunesse, il lui fallait peut-être passer à une nouvelle génération de comédiens pour retrouver le feu sacré. Un virage opéré avec succès dans Ce qui nous lie. Le réalisateur réitère l’exploit avec Deux moi, film où il retrouve pour l’occasion les lumineux François Civil et Ana Girardot.


C’est devenu le cinéaste d’une génération. Une étiquette qui, de son propre aveu, lui a plus été collée qu’autre chose. Pourtant c’est un fait. Depuis Le Péril Jeune, Cédric Klapisch filme la jeunesse. Et avec un certain brio en plus. L’Auberge espagnole, Les Poupées russes, Casse-tête chinois. Une trilogie qui parle d’elle-même. Autres temps, autres mœurs. La génération Romain Duris est loin. Celle des années 2000 n’y ressemble plus du tout. Cette génération 2.0 doute, beaucoup. Elle s’aime et se déchire par Internet. Dans un monde de plus en plus incertain, il y a de quoi vite se paumer en cours de route. Un nouveau thème générationnel. Et un sujet en or pour un cinéaste qui semble retrouver un second souffle depuis voyage dans les vignes de Bourgogne.


On avait quitté François Civil et Ana Girardot frère et sœur, on les retrouve cette fois amoureux. Ou pas. Pas encore du moins. Il s’appelle Rémy. Elle Mélanie. Ils se croisent tous les jours. Dans la rue. Dans le métro. Chez leur épicier qui se plait à philosopher sur tout et n’importe quoi. Ils sont voisins. Et en mal d’amour. Victimes de cette solitude des grandes villes. Dans une époque hyper connectée où l’on pense que se rencontrer devrait être plus simple. Alors que la déprime guette, cette histoire d’amour a-t-elle une chance d’exister ?


Comme le dit Cédric Klapisch lui-même, son nouveau film est un pari. Le public peut-il accrocher à une love-story si les deux tourtereaux ne se rencontrent pas durant 1h45 ? Un choix couillu et qui paie car Deux moi réussi parfaitement sa mission. Le rythme est lent, presque contemplatif. Et avec un travail presque maladif réalisé sur le cadre, Klapisch compose avec soin cette étrange histoire. Celle de deux êtres dont les chemins vont se croiser. Mais quand ? Le film passe et les pièces se mettent en place, doucement. Et le public trouvera cette attente insupportable. Car Klapisch joue avec les nerfs. Il attise, titille, suscite dans un long jeu de chats et de la souris.


Un jeu qui se montre douloureux. Car la vie n’est pas douce pour les jeunes trentenaires perdus dans l’ère 2.0. Névroses, instabilité aussi bien professionnelle que sentimentale, peur de la solitude… Les maux sont nombreux. Et les mots ne suffisent pas pour les soigner. Surtout quand ils passent par un pavé numérique. Klapisch saisit à merveille ces petits tous qui sapent le moral de cette jeunesse pleine de désespoir. Et comme souvent dans son cinéma, le réalisateur filme Paris. Et la capitale trouve un écho particulier dans cette histoire puisqu’elle renforce le sentiment de solitude dans lequel s’enferme les personnages. On se sent encore plus seul dans une grande ville. Et paradoxalement, comme il le souligne avec habilité, on a rarement eu le sentiment d’être aussi seul malgré l’abondance des réseaux sociaux. On désespère ainsi de voir enfin les routes d’Ana Girardot et François Civil se croiser, par un heureux hasard de la vraie vie. Là où les rencontres sont les plus belles. Si l’acteur du Chant du loup confirme sa très belle année 2019, la bonne surprise vient davantage de sa partenaire. Présente depuis bientôt dix ans sur les écrans, elle a trop rarement trouvé un rôle à la hauteur de son talent. Talent qui semble n’avoir jamais été aussi fort qu’ici.


Ticket ou Télé ? Ticket, parce qu’une belle histoire d’amour vibre encore mieux au cinéma.
Les temps changent, les gens aussi, la jeunesse également. Mais Cédric Klapisch la filme toujours avec autant de justesse. Le réalisateur de Paris s’empare de la génération des trentenaires paumés pour livrer avec Deux moi un film en forme de pari. Et on peut dire qu’il le réussi avec brio, aussi bien sur le fond que sur la forme. Il faut dire que le réalisateur a su s’entourer de comédiens solides qui ne manqueront pas de transporter le public dans cette quête amoureuse aussi inédite que singulière. Encore.

Breaking-the-Bat
7

Créée

le 14 juil. 2021

Critique lue 88 fois

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Valentin Pimare

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