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Une série imparfaite mais tellement attachante. (S02)

Par Marion Olité

Avec House of Cards, la dramédie de Jenji Kohan représente l'image de marque de Netflix en matière de savoir faire sériel. La première saison avait crée la sensation en dépeignant avec humour et réalisme l'univers carcéral féminin. Il s'agissait donc pour le géant de la VOD de ne pas décevoir sur la suite. La saison 1 s'achevait avec Piper (Taylor Schilling) en pleine crise de violence incontrôlée sur une co-détenue, à tel point qu'une issue tragique était possible. Cet arc narratif se trouve rapidement relégué au second plan. Tout comme Alex Vause (Laura Prepon), l'amante sexy présente seulement par intermittences cette saison. Exit donc Piper dans tous ses états. Plus collective, toujours drôle et émouvante, la série mise davantage sur le portrait de groupe, et sur un antagonisme communautaire. En prison, les filles ont tendance à se regrouper par origines. Une réalité particulièrement mise en avant cette saison, où guerre ouverte oppose un groupe de filles à large majorité blanche à des détenues noires, sans oublier la bande des « latinas » dans un rôle d'arbitre. De nouveaux personnages font leur apparition, comme Vee, une vieille ennemie de Red rompue à la vie en prison. L'arrivée de cette mère de substitution manipulatrice braque les caméras sur le groupe de prisonnières noires, et donne l'occasion à Jenji Kohan de dresser de jolis portraits de femmes, tels ceux de Taystee, Crazy Eyes, Poussey ou Black Cindy. Le procédé du flashback peut sembler un poil répétitif, mais il apporte une vraie plus-value à la série. A la manière d'un Lost, ces retours en arrière permettent de mieux cerner la psychologie du personnage concerné, et de comprendre certains de ses choix en prison. Respirations bienvenues dans un environnement en vase clos, ces petites histoires dans l'histoire tiennent en haleine, émeuvent ou étonnent.

Les premiers épisodes penchent du côté de la dramédie, avec des punchlines nourries de références à la pop culture. The Wire côtoie Jessica Simpson, Rihanna ou Sofia Vergara, l'héroïne de Modern Family. A la façon d'une comédie adolescente, les prisonnières en apprennent chaque jour un peu plus sur leurs corps (hilarant épisode sur l'anatomie féminine avec l'excellente Laverne Cox, actrice trans' devenue une star aux Etats-Unis), leurs moyens d'expression, et tout simplement leurs droits fondamentaux, qu'elles vont tenter d'exercer tant bien que mal. Ré-infantilisées par leur statut de prisonnières, les filles font preuve de rébellion face aux gardiens, telles des écolières face à leurs professeurs. Ici la prison se substitue à l'école en offrant un apprentissage - comme les cours d'électricité ou des activités extra-scolaires classiques (rédaction d'un journal) - auquel peu de détenues ont eu accès durant leurs jeunes années souvent tourmentées. Tantôt sévèrement punies, tantôt encouragées, elles tentent de trouver leur place dans un système carcéral éminemment imparfait. Il en va de même pour les gardiens. Si les hommes sont souvent impuissants à exercer leur autorité autrement que par la violence, ils apparaissent moins manichéens que dans la première saison. Ainsi, Healy tente de gérer ses accès de colère, et d'aider son prochain en organisant des groupes de parole.

La deuxième partie de la saison devient plus sombre, à mesure que Vee resserre son emprise sur son groupe de filles, et impose la loi de la plus forte partout. Parfaitement incarnée par Lorraine Toussaint, cette grande méchante manque toutefois d'aspérités, présentes chez tous les autres protagonistes, même les plus déglingués. D'ailleurs, les personnages irrécupérables, tels Mendez ou Vee, finissent toujours par payer le prix de leurs vices dans une série plus moralisante qu'il n'y paraît. Quant à Piper, l'agneau apeuré des premiers mois de captivité a cédé la place à une femme endurcie, qui connait maintenant les codes de la vie en prison. Si elle l'exècre parfois, Piper ne peut s'empêcher de voir cet environnement comme son home sweet home. Son escapade dans le monde réel, faite de désillusions successives, le montre très bien. La vie est dure à l'extérieur, où ses repères d'antan ont disparu. Elle se sent désormais plus à l'aise entre quatre murs avec ses colocataires forcées, dans cette vie pourtant aliénante. La prison est-elle un lieu de perdition ou de rédemption ? Un peu des deux semble répondre la scénariste avec cette saison 2 à la fois sombre et lumineuse, finalement à l'image de ses héroïnes : imparfaite mais tellement attachante.
Chro
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le 27 juin 2014

Critique lue 463 fois

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