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Saison 1 uniquement.

Une série de prison ne peut échapper à l'ombre de la référence du genre, à moins d'aborder le sujet suivant un angle précis. Si le projet est de faire dans la tranche de vie en milieu carcéral, il est impossible d'ignorer ce qui a été accompli il y a de ça plus de dix ans par Oz. Orange is the new black ne l'gnore pas et annonçe crânement dès le premier épisode : ladies, this is not an Oz episode. Problème : cette série s'apparente largement à une reprise de Oz, cette fois dans une prison pour femme, et en en atténuant fortement la violence, sans pour autant témoigner de la maîtrise de la série de Tom Fontana.

Orange s'envisage comme des portraits de personnages : il n'y a pas vraiment d'histoire continue aux fils des épisodes, en dehors de ce qui arrive à Piper Chapman, et cela joue fortement à son détriment. La structure de « problème de la semaine » est pénible dans une série conçue pour être visionnée en continue (merci Netflix), et non suivant un rationnement hebdomadaire. Chaque épisode devant se consacrer au problème du moment, les conséquences des évènements précédents sont au pire ignorées, au mieux résolues de manière expéditive et peu satisfaisante. Un exemple : un épisode se consacre à Sophia Burset, transexuelle, qui voit sa quantité d'hormones féminines divisée par deux en raisons de « coupes budgétaires ». C'est l'occasion d'explorer les conséquences de son changement de sexe sur sa vie familiale et sa relation complexe avec son corps. Problématique centrale du personnage, elle est quasiment ignorée le reste de la saison... Quant à son dosage, il reviendra à son niveau normal quelques épisodes plus tard – magie du scénario. Au lieu d'avoir de vrais personnages développés de manière continue, on n'a que des photographies passagères, trop vite oubliées.

Rejeter une œuvre parce que ces personnages sont détestables est malhonnête. Il faut quand même avoir envie de passer plusieurs heures avec eux... Et un personnage principal qui change de caractère toutes les trois scènes n'est pas des plus engageant. Piper Chapman n'est qu'une pauvre fille paumée, manipulatrice, mue uniquement par son angoisse d'être seule. Elle oscille entre son besoin de se montrer supérieure à toutes ces détenues, et son envie d'être laissée tranquille parce que bon, c'est quand même la prison : on est jamais à l'abri de se faire suriner sous la douche. En parlant de violence : s'il est heureux que Orange is the new black ne sombre jamais dans les excès de Oz et préfère proposer une vision plus optimiste du milieu carcéral en se moquant gentiment des « extérieurs » qui n'envisagent la prison que comme un milieu sordide où ne règnent que drogue, viols et meurtres, il ne faut quand même pas être trop bisounours. À Litchfield, on n'a pas des criminelles, mais des lycéennes, qui s'éparpillent entre leur discours (mais si la prison c'est dangereux ! c'est affreux faut faire super gaffe à ce que tu dis et fais !) et la réalité de la série (où l'acte le plus traumatique que Piper ait à subir est une amante déçue qui pisse devant son lit). En d'autres termes, il est difficile de savoir s'il faut réellement compatir avec Piper lors de ses interminables complaintes (« Pense à moi Larry c'est affreux ici ! ») ou en rigoler gentiment. Les autres détenues sont toutes extrêmement aimables, et alors que la série met fortement l'accent sur les dynamiques raciales dans le premier épisode, tout le monde est copain avec tout le monde par la suite. Bref, un décalage gênant entre le discours de la série et ce qu'il s'y passe réellement.

Un dernier point, sur lequel il est inutile d'insister : l'incompétence crasse et permanente de l'administration est agaçante à force de répétition. Oui, Healy est obsédé par les lesbiennes, Pornstache est un porc, Caputo aimerait beaucoup se faire la petite gardienne, et Figueroa est une connasse qui détourne les fonds de la prison. Oui. On sait. Inutile de nous le rappeler à chaque fois que ces personnages apparaissent, et d'en faire leur unique trait de caractérisation.

Bref. Une série qui se regarde, notamment grâce à des actrices qui donnent corps à des personnages en carton pâte, mais plombée par une écriture artificielle qui ne rend pas justice à son sujet.

Penro
6
Écrit par

Créée

le 22 janv. 2016

Critique lue 862 fois

3 j'aime

Penro

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