Rubicon
7.5
Rubicon

Série AMC (2010)

En juin 2010, AMC lança une nouvelle série ambitieuse : Rubicon. Elle ressemble à ses aînées : Mad Men et Breaking Bad, aussi diffusées sur la même chaîne. On retrouve la même exigence scénaristique, avec une mise en place prenant tout son temps pour mieux nous présenter les personnages et créer une atmosphère propre à l'intrigue. Malgré son indéniable qualité, elle ne dura qu'une seule saison, mais quelle saison!


On se retrouve au sein d'une agence de renseignements américaine en plein New-York. Will Travers (James Badge Dale) est un de ses employés, il a perdu sa femme et sa fille lors de l'attentat du 11 septembre et entretient un rapport filial avec son beau-père David Hadas (Peter Gerety), avec lequel il travaille. Le surprenant suicide de ce dernier, va révéler de nombreux secrets et mettre en danger la vie de Will Travers, alors qu'une menace imminente semble menacer le pays.


Rubicon est une série dite "cérébrale", de celle qui demande une concentration permanente, au risque de rater un élément important. Certes, c'est devenu la norme dans la plupart des séries depuis le début de ce siècle, mais à une différence importante, elle traite de l'espionnage après le 11 Septembre. L'ombre de cet attentat tristement célèbre, plane en permanence sur les personnages, en lutte pour éviter que cela se réitère sur le territoire américain, mais aussi ailleurs.
La progression est lente, prenant le temps de développer la profondeur psychologique, de les rendre attachants malgré leurs défauts. C'est au fil des épisodes qu'un lien se crée entre le spectateur et les personnages. Ils sont tous intrigants, ce qui les rend passionnants. On les découvre au sein de l'agence de renseignement, avant de découvrir leurs vies intimes, sans avoir besoin de sortir du bâtiment.


Nous sommes dans un jeu d'échec géant où chaque déplacement de pions hasardeux, peut avoir des conséquences dramatiques. La reine est représentée par Katherine Rumor (Miranda Richardson), la veuve de Thomas (Harris Yulin), un homme d'affaires se donnant la mort dès les premières secondes de la série, en laissant un trèfle à quatre feuilles devant lui. La série vit au rythme des mouvements de chacun, en prenant le soin de ne pas dévoiler les différentes tactiques, pour arriver à ses fins et mettre à mal l'économie mondiale. La paranoïa s'installe insidieusement dans l'esprit des spectateurs, mais surtout dans celui du "héros" Will Travers, tout comme la théorie du complot.
On pense au classique de Sidney Pollack : Les 3 Jours du Condor, la série ne niant pas son influence en le citant ouvertement, durant une conversation. Il faut dire qu'elle transpire les années 70, avec la quasi-absence de téléviseurs, de téléphones portables où ordinateurs. Ils prennent le temps d'étudier les journaux, de jouer aux échecs et ne font pas preuve de modernisme dans leur apparence vestimentaire. Les Hommes du Président et Conversation Secrète sont d'autres références cinématographiques, confirmant la qualité et l'exigence de cette série.


"Le renseignement est une science de l'échec", cette affirmation pessimiste démontre la difficulté de leur travail de fourmi à la recherche d'une aiguille dans l'immensité de notre monde. Une question apportant une autre question et ainsi de suite, la réponse se fait attendre et parfois, elle ne viendra jamais.....Mais en sortant rarement du bâtiment abritant cette agence indépendante, on comprend rapidement que le mal vient de l'intérieur, ce qui est surement une des raisons de l'échec de la série. Les états-unis n'étant pas encore prêt à accepter qu'un des leurs, soit un terroriste. Depuis Homeland, avec moins de subtilités, à su fidéliser un public en donnant plus de rythme à l'intrigue, malgré ses incohérences et grosses ficelles.
L'action se fait rare dans Rubicon, elle se déroule dans les bureaux et les prises de décision, loin du terrain. On est dans la réalité, les espions ne passent pas leur temps à tuer des tas d'ennemis, avec divers armes en effectuant des cascades improbables. La mort est omniprésente mais frappe rarement, comme si les fantômes du 11 septembre étaient toujours autour d'eux, pour qu'ils n'oublient pas ce drame.


Le créateur Jason Horwitch a donné une profondeur psychologique à ses personnages, en les rendant aussi bien complexes, qu'attachants. Ils ressemblent à n'importe qui, avec leurs angoisses et leurs problèmes de tout les jours. Il a aussi pris soin de ne pas prendre de "stars", avec un casting de gueules talentueuses, dont James Badge Dale est la figure la plus célèbre depuis son rôle dans The Pacific. Il est entouré par Miles Fieldler (Dallas Roberts), Tanya Mac Gaffin (Lauren Hodges), Grant Test (Christopher Evan Welch) et Maggie Young (Jessica Collins), dont chacun donne l'impression d'avoir un profil bien défini, mais à l'image de leur superviseur Kale Ingram (Arliss Howard), tout est une question de faux-semblants. L’ambiguïté est permanente, accentuant la paranoïa transpirant dans chaque plan. Le brouillard ne semble pas vouloir se dissiper, bien au contraire à l'image de l'intriguant patron Truxton Spangler (Michael Cristofer), de la nouvelle voisine de Will Travers, Andy(Annie Parisse) ou ses hommes de l'ombre, tel Mr Roy (Isiah Whitlock Jr.).
Comme eux, on ne sait pas qui est l'ennemi et il va falloir faire preuve de patience, pour voir clair dans le jeu de chacun et comprendre la signification du trèfle à quatre feuilles, entre autres. C'est un jeu d'échec passionnant, construit comme un puzzle où chaque pièce apporte un élément de réponse, avant que les cartes ne soient redistribuées et de devoir tout reprendre au début.


En une seule saison, Rubicon s'impose comme l'une des meilleures séries d'espionnage. Le public n'était pas prêt à affronter la vérité, comme cela fût le cas face à Carnivale mettant à mal leurs croyances. Elle fait partie de ces chefs d’œuvres méconnus du petit écran, ne demandant qu'à être redécouverte avec le temps.

easy2fly
9
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le 8 sept. 2015

Critique lue 447 fois

2 j'aime

Laurent Doe

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