Critique originale sur mon blog.
Il est possible de répartir les sitcoms en deux catégories distinctes. Les premières nous permettent de suivre, sur un nombre fixé de saisons, les aventures d'un ou de plusieurs personnages selon un fil narratif plus ou moins continu, le tout formant une histoire ayant un début et une fin. On peut de là penser à des séries comme Friends ou encore Lost : non que tous les épisodes participent à l'élaboration de ce fil narratif, mais elle est toujours prégnante. Dans Friends par exemple, l'histoire chapeautant toutes les saisons est la relation entre Ross et Rachel, et tôt ou tard tout y revient toujours.
La seconde catégorie, à laquelle appartient The Big Bang Theory est ce que j'appelerai la "sitcom décomplexé", ne vise pas à raconter une histoire mais à développer des personnages et les relations qu'ils entretiennent entre eux.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est cette seconde catégorie qui se trouve être la plus proche de la réalité sensible. Nous ne vivons en effet pas notre vie, des années durant, avec un seul objectif en tête ; mais nous la vivons plutôt au jour le jour, à court terme, "un trait produisant le second" comme dirait Montaigne. Si certaines séries choisissent le parti du sérieux, d'autres prennent le versant absurde et humoristique de l'existence. Et The Big Bang Theory le fait avec brio.
L'histoire, telle que posée, est la suivante : dans la ville de Pasadena, appartenant à la banlieue de Los Angeles vivent deux colocataires plus qu'amis, Leonard Hofstadter et Sheldon Cooper. S'ils sont tous les deux de brillants physiciens travaillant au MIT, l'un en physique appliquée, l'autre en physique théorique et s'ils partagent un certain nombre d'intérêts communs pour l'informatique, les jeux vidéo, les comics et la science-fiction ou le fantastique, bref, pour la culture dite nerd, ils ont des caractères profondement différents. Leonard est un garçon timide mais relativement facile à vivre, curieux et s'essaie à cet art délicat de la sociabilité ; Sheldon s'approche en revanche davantage d'un autiste monomaniaque mangeant toujours les mêmes repas à jours fixes, possède une culture approfondie sur n'importe quel domaine et un sérieux dédain pour n'importe qui. Un certain équilibre, en grande partie du fait de l'indifférence de Léonard, s'est cependant établi entre eux ; et ils partagent leur temps entre travail et loisir avec leurs amis et collègues, Howard Wolowitz et Rajesh Koothrapalli.
Leur monde cependant soudain s'ébranle quand aménage en face de leur appartement Penny, jeune fille fraîchement dégrossie de son Nébraska natal, n'aspirant qu'à devenir actrice à Hollywood. En comparaison des surdoués qui lui servent de voisin, Penny est une jeune femme tout ce qu'il y a de plus naturelle, enjouée et vive, lisant la presse people et s'intéressant à la mode et aux derniers films sortis. Et deux univers rentreront en collision lorsque Leonard découvre que cette jeune femme, pourtant à des lieux de sa galaxie, lui plaît plus que de raison.
Si de petits arcs sont développés, de ci, de là, de nouveaux personnages apparaissant, des amitiés et des amours se nouant et se dénouant, on peut considérer que chaque épisode repart "de zéro", comme si c'était la première fois qu'on voyait ces personnages. On picore dans cette série comme dans une boîte de chocolats, et l'on se régale à chaque fois. L'écriture est particulièrement bien pensée, puisque les références utilisées plairont et amuseront les geeks eux-mêmes, et les hermétiques rigoleront de ces références en voyant le visage déconfit de Penny qui, comme eux, n'y entendront rien.
Mais s'il est un personnage incomparable, c'est bien Sheldon. Véritable icône de la série, comment ne peut-on pas l'aimer ? Irascible, boudeur, intelligent mais orgueilleux, parfaitement déconnecté de toutes réalités, c'est un "passant considérable" et formidable, la plus belle chose qui soit arrivée à ce monde depuis Barney Stinson de How I met your mother, du moins avant que la série ne devienne détestable.
Regardez un épisode ou deux, en version originale bien évidemment, et laissez-vous juste distraire une trentaine de minutes. On n'a jamais trouvé mieux contre la déprime.