L’inspecteur Tyador Borlú, de la police criminelle de Besźel, enquête sur la mort d’une étudiante en archéologie. En apparence, rien de plus banal. Mais, dans l’univers de The City and the City, il n’y a aucune affaire banale, surtout quand elle est en lien avec la ville siamoise d’Ul Qoma, cité tellement haïe que les citoyens de l’une ont appris à ne pas voir l’autre. Littéralement.


The City and the City, de China Miéville, est un des bouquins qui m’a le plus marqué ces dix dernières années. Du coup, la perspective d’en voir une adaptation en mini-série télévisée (quatre épisodes d’un peu moins d’une heure) m’attirait autant qu’elle m’inquiétait.


Soyons tout de suite clair: il s’agit d’une adaptation. Si la trame reprend, dans les grandes lignes, celle du bouquin – un meurtre lié à un sulfureux professeur d’archéologie qui a pour théorie l’existence d’une troisième cité, Orciny – elle prend aussi quelques libertés. Avec, notamment, la présence fantomatique de l’épouse de l’inspecteur Borlú, elle aussi ancienne élève du professeur en question, et qui a disparu sans laisser de trace.


Je vous avoue bien volontiers que si The City and the City m’a bel et bien marqué au moment de sa lecture, je n’en ai plus des souvenirs très clairs non plus. J’ai pu noter plusieurs autres éléments divergents d’avec le roman – je ne crois pas que toute la partie politique, calquée sur la montée des nationalismes en Europe de l’Est, était dans le bouquin – et, globalement, une approche plus terre à terre, un chouïa moins mystique, de l’explication finale.


On reste cependant dans un style aux frontières du “réalisme magique”, avec cette ville séparée en une entité anglophone et aux faux airs d’ancienne cité soviétique et une autre, avec un alphabet inspiré des caractères géorgiens (un langage complet a été créé pour la série) et un décor futuriste, façon Dubaï.


On notera au passage que la série a été tournée… à Manchester et à Liverpool. BBC en force!


Personnellement, j’ai trouvé l’ensemble plutôt convaincant, mais pas forcément parfait. L’ambiance, volontiers contemplative, manque parfois de rythme et je suppose que le surréalisme de la séparation entre les cités est difficile à suivre pour des non initiés. Les effets visuels qui montrent cette séparation sont parfois brillants – la scène où Borlú sort de Besźel pour aller à Ul Qoma – mais ont un petit côté cheap (et hop, un grand coup de flou gaussien sur la moitié de l’écran!).


Une grande partie de l’efficacité de la série tient à la performance des acteurs: David Morrissey est un inspecteur Borlú très convaincant et Mandeep Dhillon, dans le rôle de son assistante, Lisbyet Corwi, est un contrepoint efficace. Christian Camargo est également très bon dans le rôle du charismatique professeur Bowden.


L’ambiance de Besźel, où se déroule le plus clair de l’histoire, est aussi exceptionnellement bien rendue. Le côté “sud-est européen” post-socialiste, avec ses foules bigarrées, ses affiches de propagande et ses Lada en goguette, est très réaliste.


Il y a aussi, à mon avis, une blinde de petits détails qui font le sel de la série, même si on ne s’en rend pas compte immédiatement. Difficile d’en parler sans divulguer, mais le dernier épisode, “Breach”, contient son lot de révélations ultra-bluffantes.


Il faut se laisser prendre à l’ambiance particulière de The City and the City, parce que la suspension d’incrédulité est parfois ardue, mais cette ambiance est, à mon avis, le point fort de cette mini-série. Comme dit précédemment, ce n’est pas une adaptation parfaite – en existe-t-il seulement? – mais, au minimum, ce n’est pas un ratage. Pour ma part, je vous la recommande, surtout si le fantastique urbain a minima vous branche.


*Article précédemment publié sur https://alias.erdorin.org *

SGallay
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le 11 sept. 2018

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