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Certaines oeuvres nécessitent d'êtres vécues. C'est la raison pour laquelle ma critique n'en n'est pas vraiment une, mais plutôt une mise en forme de ce que Hill House m'a fait éprouver, dans une totale subjectivité.


(SPOILER)


« Une maison est comme un corps, toutes les maisons ont des yeux, des os, de la peau, et un visage. » Tels sont les mots d’Olivia Crain, tragique victime de Hill House.
Ces mots je les ai toujours sentis vibrer dans mon esprit, et battre dans mon coeur, sans pouvoir leur faire franchir le seuil de mes lèvres. Car en effet, Olivia suivie de sa fille Nell, avait sensiblement raison. Une maison c’est un peu comme un corps. Elle nait, vit, puis meurt. Ou pire…. Car que peut-il y avoir de plus tragique qu’une maison pleine de vie qui finit par pourir ?


D’aussi loin que je me souvienne, l’idée d’une maison abandonnée m’a toujours paru effroyablement triste, tragique. Un symbole puissant de drame et d’oublie. Une maison c’est un peu comme un corps. Elle se bâtie, vit, grandit, rie. Elle s’illumine de sourires et de plaisirs lorsque les rirent fusent dans les pièces, résonnent entre les murs et éclatent en un millier d’étincelles. De petits confettis. Dans ces moments là, on peut presque sentir la chaleur des murs se répandre comme du sang chaud dans des veines et alimenter un coeur battant, vivant. On fait doucement courir ses doigts sur les murs comme une caresse, on ouvre une porte sur un autre petit univers, on contemple son toit et ses fenêtres. Les habitants d’une maison ont beau être de bien petites créatures à coté des poutres solides, des murs fiers et droits, des portes stoïques et du toit qui semble tenir à lui seul ce cocon sûr et serein, ils n’en sont pas moins les petites cellules qui irriguent la vie à travers chaque artères de la bâtisse, de la plus petite goutte du robinet de la salle de bain à la poignet de porte rouillée qui mène au jardin.
Ils sont ses rires et ses larmes. Ils font que la maison pleure ou sourie. Qu’elle s’éteigne paisiblement ou se putréfie lentement.


Une maison c’est finalement bien plus qu’un logis. C’est un foyer, comme celui d’une cheminée où brule un brasier. Mais si certaines portes gardent au chaud des trésors, des souvenirs cachetés de sourires, d’autres gardent enfermés des secrets. Ces portes ci sont verrouillées et comme des lèvres sellées, ne révèlent jamais ce qu’elles gardent tout au fond, entre leurs murs qui pourrissent au fil du temps. Et au bout d’un moment, on ne peux plus tourner la poignet rouillée, ni discerner la couleur du papier sur les murs tachés.


Alors on la quitte. On fait ses bagages et on s’en va. On laisse derrière soi cette maison qui un jour avait tant sourit. Cette grande silhouette vide dont le coeur s’est arrêté, dont les veines sont asséchées, qui ne peux plus que soupirer. Et grincer. grincer. Puis s’effondrer.


Une maison abandonnée c’est un peu comme un corps. Un cadavre, sans vie, sans âme, hantée par le passage de ceux qui sont venus, ont sourit, puis sont partis. Dont le seul souffle n’est plus que celui doux et froid des souvenirs. Qui se ternissent avec l’âge.


Hill House n’est pas de celles là. Elle est abandonnée, oui, mais a prit bien plus qu’elle n’a donné. Je n’avais pas l’intention d’y mettre un pied avant des années, mais il se trouve que j’ai finalement franchit son seuil bien plus tôt que je ne l’aurais pensé. J’ai passé quelques jours entre ses murs, arpentant ses couloirs, passant ses portes dérobées, jusqu’à la petite chambre rouge qui reste scellée sur les secrets. Ce fût éprouvant, apaisant, enivrant.


Hill House avait pourtant de quoi sourire. Mais elle ne connaissait que les pleurs et les cris. Comme certains corps, elle était mauvaise, gangrenée, malade. Comme une rouille qui l’aurait gagnée sans jamais s’arrêter. Certaines maisons sont délaissées et chaque murs, chaque porte, chaque pierre n’est plus porté que par le chagrin et le regret. Hill House ne voit pas partir ses habitants, elle les dévore pour les garder sous clefs, enfermés, rongés. Et se repaitre éternellement de leur vie.


Mon arrivée à Hill House ne fût pas facile. J’ai eu peur, j’ai chancelé. J’ai suivi chacun des enfants Crain dans leurs cauchemars, j’ai pleuré et sourit avec eux. J’ai pardonné Olivia, j’ai admiré Hugh pour son courage infaillible et son amour muet, j’ai compris Shirley et son obsession du contrôle, j’ai écouté Steven, j’ai apprit à aimer Théo, j’ai me suis retrouvée en Nell et j’ai serré très fort la main de Luke entre mes larmes pour le rassurer, lui dire de ne pas lâcher et de garder son petit sourire aux dents de lait sous ses grosses lunettes. Je les ai aimés de tout mon coeur, et c’est tout ce qui compte.


En sortant et fermant la porte derrière moi, je peux dire que Hill House ne m’a pas terrifiée. Elle m’a attristée par l’horreur de sa macabre poésie. Elle m’a attristée, simplement. Elle m’a éduquée. Mais plus que tout, cette grande bâtisse délabrée, vorace et meurtrière m’a bouleversée. De tout ce qu’elle a prit sans rien donner. Car à mes yeux il n’y a rien de plus tragique, de plus triste qu’une maison abandonnée. Sauf qu’Olivia se trompait. Hill House n’était pas leur maison de rêve, sa famille n’était pas le coeur battant de cette maison. C’était eux le corps, les os, la peau, le visage, et la maison les a abandonnés, ne laissant derrière elle que des silhouettes vides, pleines de peur et de chagrin.


Alors oui, une maison c’est un peu comme un corps. Ceux qui l’habitent doivent en prendre soin et portent le blâme s’ils viennent à la laisser derrière eux, pleine de poussière et de chagrin. Mais la maison prend aussi soin de nous. Elle nous apaise, éclaire notre visage de ses fenêtres, nous réchauffe l’hiver et nous protège. A la fin, certaines sont simplement tristesse, animées de souvenirs qui se fanent sous la poussière. Mais pas toutes. Et s’il y a bien une chose que Hill House m’a démontré, c’est qu’une maison peut bien nous dévorer. Se gorger de nos sourires, de nos soupirs, de nos joies et de nos secrets, les sublimer dans une petite chambre rouge et nous avaler tout entier avant de nous digérer.


Après tout, les gens sont bien plus hantés que les maisons, et celles ci ne sont finalement rien de plus qu’un corps renfermant de vieux sentiments. Un corps avec des yeux, des os, de la peau et un visage.

Aurya
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le 16 nov. 2020

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