The OA
7.2
The OA

Série Netflix (2016)

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Saison 1


Portée disparue depuis sept ans, Prairie Johnson reparaît miraculeusement et regagne sa sinistre banlieue du Michigan. Sous traitements médicamenteux, visiblement instable, elle s'égare en récits improbables, auxquels personne ne pourrait décemment croire si un miracle ne s'était pas produit : Prairie, aveugle depuis l'enfance, a entre-temps recouvré la vue.


À sa sortie surprise au milieu du mois de décembre 2016, The OA a cristallé la rage des agents comptables du binge-watching : pas assez de rythme, pas assez de rebondissements, pas assez de cliffhangers. Qu'importe, l'intérêt de cette première saison ne se situait pas là, puisqu'elle invitait plutôt le spectateur à se faire son propre avis sur le récit alternatif de la Prairie, "narratrice non fiable" à l'histoire pleine d'approximations et d'errances. La série laissait judicieusement de côté le développement psychologique à l'américaine pour mieux créer un lien ténu entre les personnages, qui, la saison arrivée à son terme, ne s'étaient nullement améliorés mais s'étaient trouvés les uns les autres.


On pourrait argumenter, sûrement à raison, que ce petit programme aurait mieux fait de n'aboutir qu'à un gros film. Ce serait, encore une fois, passer à côté de The OA : la durée de la première saison, qui n'avait effectivement que peu de choses à montrer, ne servait pas, comme le voudrait la tradition des séries télévisées, à bourrer chaque minute de sous-intrigues divertissantes. Au contraire, elle se justifiait par la volonté de créer des suspensions de l'attention, de grands moments de flottements parcourus d'images parfois cauchemardesques et souvent absurdes : les cages de verres, la cruelle expérience de Hap ou encore une danse transdimentionnelle incongrue. La froideur clinique des décors et leur faible nombre (quelques pavillons du Michigan, la cave d'un savant fou) permettait de les explorer jusqu'à épuisement, et à The OA de se rapprocher, sans jamais en être complètement à la hauteur, d'un modèle d'envergure : Twin Peaks. Pas un mince compliment, tant même les meilleures séries de ces dernières années (Big Little Lies ou Sharp Objects de Jean-Marc Vallée en tête) ne sont jamais parvenues à prendre ainsi le spectateur de court.


Saison 2


Mais rien ne dure jamais. Le décor posé, Brit Marling et Zal Batmanglij marchent encore une fois dans les pas de David Lynch, qui, avec la saison 3 de Twin Peaks, a pris d'infinis détours et piétiné brillamment son œuvre. Mais David Lynch avait de bonnes raisons de repartir ainsi de zéro : le traumatisme d'une seconde saison qui lui avait presque complètement échappé et une attente interminable (25 ans) nécessitaient, pour lui comme pour le public, de se réapproprier lentement les lieux, quitte à ne plus jamais les réinvestir. Difficile de voir dans le reboot un peu vulgaire de la deuxième saison de The OA autre chose qu'un opportunisme mal déguisé. Prairie a ainsi réussi son "saut" dans une autre dimension et retrouvé sa première identité, celle de Nina Azarova, fille d'un oligarque russe empêtrée dans un vaste complot de vols de rêves et de maison hantée orchestré par un pionnier de la Silicon Valley.


Ça ne vous fait pas envie ? Tant pis. Lorgnant désormais du côté de Lost ou Sense 8, la saison 2 de The OA se veut très littérale, et ne laisse plus place au doute : Prairie est bien un ange, Hap est bien un salaud, et Irène Jacob une touriste transdimentionnelle. Ce revirement SF aurait pu être bénéfique à la série s'il ne la privait pas de toutes les qualités sus-mentionnées. Désormais, The OA va vite, trop vite, et invite krakens nihilistes et arbres philosophes à la fête. Puisque tout n'est plus qu'enchaînement de concepts finalement bien étriqués et d'images fortes, chaque scène annule la précédente, et même les retrouvailles avec les adolescents de la saison 1, lancés dans une cavale sordide à travers les États-Unis sans qu'on comprenne très bien pourquoi, ne sauvent pas The OA, ironie du sort, de son trop plein d'événements.


Alors certes, Brit Marling s'amuse comme une folle à jouer les russes sculpturales, mais puisqu'elle s'est elle-même forgée ce rôle complètement fou (d'aucun diront parfaitement stupide), la performance peine à faire sens. Zal Batmanglij tente lui aussi de faire amende honorable en troquant la patte indé de la première saison pour de vastes plans de drones de San Francisco et autres zooms ridicules sur les mines consternées des protagonistes façon telenovela vénézuélienne. Il laisse au très surfait Andrew Haigh les épisodes tournant autour des adolescents, qui, pour changer, cachetonne à grands coups de caméra portée. Les ficelles sont énormes, des changements de format (on oscille entre cinémascope et 16:9) aux cliffhangers ratés, et convergent toutes vers un twist méta qui fait voler en éclat le quatrième mur de la plus vulgaire des façons : serait-il possible que tout ce que nous ayons vu jusqu'ici ne soit donc qu'une... série télévisée ?


La chute mortelle qu'opère The OA au court de sa seconde saison n'est même pas à la mesure de son coup d'éclat originel, qu'elle fait d'ailleurs passer pour un heureux accident (Marling et Batmanglij sont aussi responsables du très ampoulé Another Earth). En privilégiant le divertissement à une vision d'ensemble forte, The OA ne peut même pas se revendiquer du demi-tour courageux auquel les premiers épisodes laissent vaguement penser. Et de loin en loin, l'annonce attendue d'une saison 3 fait plus frémir que n'importe laquelle des horreurs de Hap, tant il semble pour ainsi dire impossible de se relever d'un tel coup de poignard.

ClémentRL
6
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le 28 mars 2019

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