Quel plaisir de regarder une série sans s'attendre à rien de particulier sinon passer le temps et tomber sur un ovni rien moins que prodigieux. Si la qualité se maintient le long de la saison, nul doute que l'on tient là une série promise à faire parler d'elle; et je ne crains rien de ce côté là au vu du soin des réalisations britanniques en général et de l'écriture de celle-ci, qui ne semble avoir rien laissé au hasard. Un ton unique, absolument original dans son habileté à fondre les genres, une réalisation sophistiquée et aérienne à la hauteur de ses enjeux (on pense bien sûr à Lynch pour l'étrangeté de certains personnages et situations, mais aussi à "Eléphant" de Gus van Sant pour ces lents travelling avant et latéraux envoûtants de même que pour le sens de l'espace et la lumière). L'ambition du scénario repose sur une galerie de personnages hauts en couleurs assez typés et comme issus de comics, dont les relations esquissées dans ce pilote se complexifient dans la durée. Ils sont soutenus par des acteurs qui s'en sont visiblement donnés à coeur joie, tous excellents. Noire et lumineuse à la fois, d'une esthétique jamais gratuite mais toujours en symbiose avec son sujet, soutenue par une bande son stratosphérique de toute beauté (1), cette plongée dans la paranoïa contemporaine, à l'humour décalé, arrive à marier à la brutalité la plus noire une sorte de grâce auto-parodique. C'est peu dire que je suis conquis.
(1) le compositeur et sa musique ici: https://soundcloud.com/cristobal-tapia-de-veer/utopia-1