Blood Drive
6.3
Blood Drive

Série SyFy (2017)

Le première chose que je vais dire à propos de Blood Drive, c'est que le pitch est alléchant: dans un univers futuriste post-apo inspiré du Grindhouse (un sous-genre de l'horreur dont les plus célèbres représentants sont Mad Max, Boulevard de la Mort, Planet Terror, Machete; les "grindhouse" désignent à la base les cinémas qui ne diffusaient que des films d'exploitation), l'écart entre les très riches et les pauvres se creuse, les denrées de base comme l'eau sont limitées, de même que l'essence. Le chaos semble avoir été amené dans le pays par une gigantesque faille qui sépare les Etats-Unis en deux. Une grosse corporation tire son profit de tout ce bordel. Dans ce contexte là, une course automobile a lieu, dans laquelle concourent des personnalités psychopathiques et en quête de gloire. La particularité de la course: les voitures ne tournent pas à l'essence mais au sang humain, et tous les coups sont permis.
L'une des participantes de la course est grace, qui souhaite la remporter pour pouvoir sortir sa jeune sœur d'un hôpital psychiatrique où elle l'a fait interner. Elle rencontre Arthur, un flic qui va se retrouver embarqué dans la course malgré lui.


C'est un pitch qui laisse présager quelque chose de bien barré, et dans ces cas là soit on adore soit on déteste. En théorie, parce que je me retrouve le cul entre deux opinions en fait. Je n'arrive tout simplement pas à savoir si je la trouve nulle ou géniale, mais c'est l'un ou l'autre.


Tout d'abord, ce qui m'a plu dans cette série: l'absurde. C'est une constante, les situations sont exagérées au possible, de même que les personnages, des tenants de resto cannibales en passant par le couple de psychos dont les loisirs consistent à collectionner les restes des gens qu'ils ont tués, jusqu'au robot Aki qui va branler un mec à mort pour récupérer son sperme.
Rien qu'à lire ça, si tu n'as pas déjà vu la série et intégré l'absurde qui en émane, tu te dis "wat".
Cet absurde en abondance est assumé - et correspond à l'idée qu'on se fait du gore issu du grindhouse -, et est soutenu pas une montagne de stéréotypes. On commence d'entrée de jeu par le bon vieux cliché de la meuf canon en panne, et on sent bien que c'est voulu, parce que le stéréotype est ici à la fois moqué et utilisé pour nourrir l'intrigue.
Mais de fait, vu qu'on ne déconstruit pas nécessairement ces stéréotypes, ils peuvent donner une impression de lourdeur par moments, c'est pour ça que je ne sais pas trop quoi en penser. C'est qu'on a au final un object très particulier qui est en équilibre instable entre l'absurde/le stéréotype bien dosé et la lourdeur.
On peut aussi remarquer un petit côté cheap qui n'est pas sans rappeler la scène de fin de Mad Max - on est pas au niveau du mec dont les yeux sortent de son crâne avant que celui-ci n'explose (un cheap visuel donc - ici les effets spéciaux sont quand même bien foutus) mais on retrouve cet aspect là justement dans ce mélange d'absurde et de clichés. Je pense notamment au dernier épisode (je ne vais pas spoiler l'intrigue) où on voit un gars littéralement coupé en deux qui tape la causette avec deux des personnages principaux l'un après l'autre avant de finalement crever dans un soupir un peu grotesque et pathétique.


On retrouve un côté un peu cheap dans la trame narrative également: Grace cherche sa sœur, Arthur cherche à trouver la vérité au sujet de Heart Enterprises, les deux quêtes se rejoindront dans une petite histoire de complot et de quête de soi. Comme je le dit souvent, les trames narratives sont toujours assez basique et ne peuvent être originales que par le contexte et ce qu'on y ajoute, cette trame là se tient parfaitement, c'est cohérent, et ce qui en fait une narration un peu cheap c'est que - on revient là-dessus - les stéréotypes s'y mêlent.
On a le stéréotype du héros, de le méchant très très méchant, de la jeune fille qui cache son grand cœur (pas tout à fait la demoiselle en détresse - certes pas du tout, mais on est pas loin), le "jester" ("the master of mayhem", littéralement, le maître du chaos, c'est ça le "jester", on retrouve ce stéréotype jungien dans beaucoup de films et séries - c'est très souvent un personnage qui apparaît comme un méchant mais se situe en fait dans une zone grise parce que ses intentions ne sont pas nourries par la haine mais par l’égoïsme et l'intérêt personnel - personnage intéressant s'il en est, mais totalement stéréotypé), l'androide qui trouve son humanité (par l'orgasme parce que why the fuck not). Les relations entre les personnages s'en trouvent stéréotypées, de même que leurs intrigues.


On noteras aussi dans le côté cheap la façon de filmer - les scènes d'action notamment - un peu hasardeuse, et même - c'est le mot du jour :o) - stéréotypée, tandis qu'a de nombreuses reprises on a quand même de très bonnes scènes. Ce qui me laisse à penser que dans le fond, les réalisateurs savent ce qu'ils font. Un aspect cheap dans la façon de filmer rappelle aux films de série Z dont Blood Drive se veut un homage. Ca semble assez étrange de mal faire pour bien faire mais c'est le cas. Les choix graphiques, de montage, de plans, évoquent le genre dans lequel il s'inscrit.


Donc nous avons conjointement absurde, stéréotypes, cheap et grotesque. Et ce qui fait que ça ne tombe pas directement dans la catégorie "série de merde" c'est que c'est totalement cohérent avec l'univers du grindhouse, c'est assumé, et in fine la série sait capter son auditoire. Sans vraiment m'en rendre compte, alors que j'étais pas sure de regarder le second épisode, j'ai été embarquée dans cet univers.


On a en somme pas mal des défauts d'un film de série B ou de série Z, mais aussi les qualités des films de série B / série Z. En définitive, ce qui fait qu'on apprécie ce genre c'est justement que ses défauts deviennent ses qualités. C'est ce qui se passe ici et c'est pour cela que cette série ne peut que diviser les opinions. ou on s'arrête aux défauts et on se dit que c'est nul, ou on embrasse ces défauts et on se dit que c'est génial.
Tout ce qui est stéréotypé / cheap, etc, est assumé. C'est casse gueule quand ce n'est pas le cas (cf Z Nation qui tombe dans le mauvais parce qu'il n'assume pas entièrement ses choix de façon homogène au long de la série). Ce qui fait que ça marche c'est parce que tout est paradoxalement maîtrisé, et utilisé à bon escient.
Et on noteras qu'il faut pas être surpris quand on parle d'un sous-genre du ciné d'exploitation - le cinéma d'exploitation se traduit précisément par cette phrase: « Des films faits avec peu ou pas d'attention à la qualité ni au mérite artistique mais dans la perspective d'un bénéfice rapide, habituellement par l'intermédiaire de techniques de vente sous pression et de promotion qui insistent sur l'aspect sensationnel du produit » Ephraim Katz, auteur de The Film Encyclopedia. Ces films sont délibérément mauvais et basés sur la "choc value", donc au pire quand on parle d'homage à ce genre, faut pas s'étonner si ça à l'air cheap.


Mais des défauts restent des défauts, hommage ou pas. C'est précisément pour cette raison que je ne peux pas me décider. On va dire que c'est jouissif si on arrive à prendre ces défauts avec recul en tant que délire assumé des réalisateurs - mais ça n'est pas une bonne série au sens stricte si l'on considère l'aspect technique pour ce qu'il est. Si on trouve ça un peu difficile à comprendre, suffit de penser aux nanars, à Iron Sky par exemple, qui est excellent parce qu'il est mauvais tout en étant bon sur le fond et sur l'utilisation qu'il fait de ces défauts parfaitement assumés (film dans lequel on retrouve également pléthore de stéréotypes tout à fait assumés et utilisés justement pour qu'on puisse les moquer).
Au final, je vais m'accorder sur le fait que Blood Drive est intéressant, et captivant quoi qu'il en soit. C'est un petit ovni qu'on ne peut pas juger sur sa forme seule, il faut le prendre dans un contexte, comprendre les codes du cinéma d'exploitation et le voir comme une série qui est délibérément dans le stéréotype et le grotesque parce que c'est le genre qui veut ça.
Au final j'ai aimé cette série, même si je ne sait toujours pas si elle est nulle ou géniale. Et je ne pense pas qu'on puisse trancher objectivement - soit ça plait, soit ça ne plait pas, et on va rarement trouver un avis entre deux.


Par contre, elle n'aura qu'une saison et c'est peut-être aussi bien. Ca n'aurait pas forcément pu continuer au-delà considérant que l'intrigue est complétée en une saison. On a une fin digne de ce nom. Puis considérant que le titre c'est Blood Drive, et que la course est terminée à l'issue de cette saison, c'est bien, on ne risque pas de se retrouver avec l'effet Prison Break (qui aurait dû s'en tenir à sa première saison). C'est une histoire avec un début, un milieu, une fin, c'est aussi bien.
En tout cas ça ne m'étonne pas qu'une suite n'ait pas été commandée, c'est un genre de niche encore aujourd'hui, qui a son public, forcément on perd une grosse part du marché quand on le diffuse sur une chaîne qui brasse un public très large comme Syfy. Elle n'a en tout cas pas été arrêtée parce qu'elle était mauvaise (c'est rarement la raison pour laquelle les séries sont décommandées, en général), mais parce qu'elle ne rapportais pas assez à la chaîne, faute d'audience.


Puisque c'était le thème du jour, finissons avec une petite phrase bien cliché: en tout cas, elle ne laissera personne indifférent. :D

Keagan_Ashleigh
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le 5 janv. 2019

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Keagan Ash

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