Contrairement à certaines critiques que j’ai pu lire sur ce site et ailleurs, je trouvais que ça commençait plutôt bien. Certes, ce n’était pas exempt de certains clichés classiques des récits d’horreur (une bande de copains que personne ne croit au début, un soldat américain plein de bonnes intentions, entre autres).
Il y avait en tout cas, à mon sens, une certaine essence de l’œuvre originale qui était comprise, du moins au début.
Dans l’œuvre originale de Ça par Stephen King (et ses adaptations cinématographiques), la créature est davantage une manifestation d’un mal-être qu’une pure créature de science-fiction divertissante. Elle s’attaque à des enfants qui ne sont pas protégés ni soutenus par leurs parents et les adultes qui les entourent, voire qui sont carrément maltraités, ce qui en fait des proies d’autant plus faciles.
Ils sont des enfants, se défendent à hauteur d’enfant, et la petite bande survit jusqu’à l’âge adulte (enfin presque). Une fois adultes, ils prennent la décision, tous ensemble, de mettre un terme à ce cycle de violence, avec des débouchés individuels assez réalistes en fonction de leurs parcours. Montrer le courage, en tant qu’enfant, d’affronter des problèmes plus grands qu’eux avec leurs propres moyens, puis d’y revenir une fois adultes, comme pour en finir avec des traumatismes d’enfance.
Je trouve que c’est ce qui donnait une dimension sensible à l’œuvre, ainsi que cette idée de montrer une créature terrifiante et absurde comme le reflet du mal-être des enfants et de la ville elle-même.
La série semblait, au début, suivre ce même schéma : elle débute dans une ville des années 50, pétrie de racisme, de paranoïa liée à l’armée américaine dans le contexte de la guerre froide, ainsi que d’une très forte stigmatisation des personnes souffrant de fragilités mentales. Un terrain propice pour que la fascinante créature de Ça puisse proposer une toute nouvelle vision de l’horreur.
Certaines scènes d’ailleurs (je pense aux premières incarnations, pour ceux qui ont vu la série) sont très réussies et incarnent parfaitement cette horreur psychologique. J’ai en tête la scène dans le supermarché ainsi que celle avec un cordon ombilical. Glaçant, et rafraîchissant dans le genre !
Malheureusement, au fur et à mesure que la série avance, cette angoisse lente et pernicieuse laisse place à un vulgaire show gore, où les enjeux psychologiques et sociétaux sont abandonnés au profit d’un scénario d’action bien plus conventionnel. Les enfants ne sont justement plus des enfants, mais des personnages en peau de scénario, qui n’ont peur de rien, ne sont pas touchés par les événements tragiques qui les entourent et se transforment en véritables Rambo.
Pour être divertissant, ça reste divertissant : on ne s’ennuie pas. Mais qu’est-ce que c’est vide d’enjeux et de sens. Je ne parle même pas de certains personnages qui deviennent clownesques (haha) et ridicules (le personnage d’Ingrid tout particulièrement).
La créature est elle-même tournée au ridicule, et ça fait peine à voir. J’ai trouvé que c’était un abus de faiblesse de la part des créateurs de la série : ils ne savaient pas comment la réinventer, et la seule voie qu’ils ont trouvée a été de la rendre risible.
Par ailleurs, l’ébauche de critique sociétale n’ira jamais plus loin. Les gens sont racistes parce qu’ils sont naïfs, et non parce qu’ils vivent dans une société pensée comme raciste ; et l’armée américaine commet des erreurs non pas à cause de problèmes structurels, mais simplement à cause de quelques individus « pourris ». Très sage, tout ça, et cela maintient la série à un niveau de profondeur émotionnelle qui ne dépasse jamais la surface.
Au final, la série ne trahit pas seulement l’esprit de l’œuvre originale : elle en neutralise ce qui faisait sa nécessité. Là où Ça parlait de peurs enfantines trop grandes pour être affrontées seules, et de traumatismes que l’on porte à l’âge adulte, la série choisit la facilité du spectaculaire et du divertissement creux. Ce n’est pas une mauvaise série au sens strict, mais c’est une adaptation sans courage, qui préfère rassurer plutôt que déranger. Et pour une œuvre dont le cœur même était l’inconfort, c’est sans doute le plus grand échec.