Columbo
6.7
Columbo

Série ABC (1968)

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Lieutenant Columbo, Nemesis des Puissants

Le Hasard du zapping m'a fait tomber sur Columbo, une série que j'adorais suivre quand j'étais gamin. Bien que la doublure du fameux lieutenant réalise une performance digne d'éloges, les doublures peu convaincantes des autres personnages de la série m'ont rappelé que jamais je n'avais pu voir Columbo en V.O. Considérant que toute V.F. m'est insupportable, l'hypothèse de redécouvrir cette série dans son ensemble et en V.O. était des plus réjouissantes, et je m'y suis adonné avec le plus grand plaisir.

Mais au-delà de toute nostalgie, c'est bien un film de Hitchcock qui m'a motivé à revisionner dans son intégralité Columbo. Et j'ai comme l'impression que les têtes pensantes de la série n'ont pas imaginé leur personnage avant d'avoir vu ce fameux Dial M For Murder (Le Crime Etait Presque Parfait) de 1954. Dans ce film, l'inspecteur chargé du meurtre partage tellement de points communs avec l'ami Columbo que la comparaison entre les deux se fit instantanément. Gros fumeur, toujours très poli, l'inspecteur en question feint le flic naïf, banal voire désabusé. Il feint l'absence de soupçons envers le meurtrier, mais ne cesse de le harceler poliment, justifiant des besoins habituels d'une enquête criminelle, sans compter de nombreux faux-départs lors d'une discussion avec le meurtrier : quand celui-ci se croit débarrassé de lui, l'inspecteur reparaît avec une réplique du genre "Oh, I forgot Sir ; just one more question..." Finalement, il parvient à prouver la réalisation du crime en piégeant le meurtrier avec cette habileté vicieuse que l'on connait si bien avec Columbo...

Imper beige miteux, démarche simiesque, cigare au bec, cheveux broussailleux exposés au vent -il roule toujours fenêtres ouvertes- lorsqu'il est au volant de sa "mythique" Peugeot 403 -véhicule d'ailleurs jamais fourni par Peugeot qui avait peur pour son image à l'époque- laquelle au gré des épisodes fait honneur aux voitures de collection, ou alors rappelle une entrée prochaine à la casse locale, il dénote fortement de l'environnement richissime de la société de la haute dans lequel vivent tous les meurtriers de la série. Il a le don pour se faire sous-estimer et mésestimer de ces personnes, et le soulagement de leur première rencontre avec le lieutenant s'estompe généralement très vite lorsqu'ils comprennent que toutes ces petites questions et ces détails anodins en apparence peuvent les mener à leur perte. Généralement, lorsque cette évidence les frappe, Columbo les a déjà mordus et ne les lâchera plus.

Il n'est nul besoin de rappeler la multitude de séries policières existantes. Pourtant, certaines séries se distinguent de la masse par leur singularité, et Columbo fait clairement partie de cette catégorie. Totalement à part des autres productions du genre tant par son format que par ses lignes scénaristiques ou son personnage principal, il est incontestable que le fameux "lieutenant Columbo from LAPD, homicide" est totalement unique. Il est nécessairement l'atout principal de cette série, bien que l'intérêt global ne réside pas uniquement dans la qualité des prestations de Peter Falk en tant que Lieutenant Columbo. Considérant que chaque épisode débute par la réalisation du meurtre que Columbo sera chargé d'élucider et que l'identité du meurtrier est toujours connue du spectateur dès les premières minutes, la survie de cette série qui rompt habilement les codes du genre était logiquement subordonnée à d'autres éléments au-delà de l'unique qualité d'interprétation de Peter Falk.

Ainsi est-ce le cas de la réalisation qui tend parfois vers l'inventivité talentueuse autant qu'elle s'invite dans les strates de la commodité des réalisations hollywoodiennes habituelles. Car il existe une véritable disparité qualitative entre chacun des épisodes de la série, et ce sur tous les plans. Déjà, une large palette de réalisateurs différents s’affairent derrière la caméra, source d'évidentes différences de qualité dans la réalisation, mais globalement ceci est un des points les plus positifs de la série. Nous retrouvons ainsi un certain Steven Spielberg qui faisait ses armes lors du tout premier épisode de Columbo diffusé -et qui s'en tire avec les honneurs- mais au-delà de ce nom clinquant, certains épisodes consécutifs sont vraiment saisissants de maîtrise à ce niveau-là, sans compter des musiques qui généralement sont plutôt bien senties.

Il est à noter qu'il est impératif de séparer la série en deux époques distinctes, la production ayant été interrompue 11 années durant (reprise après l'échec cuisant de la série "Madame Columbo", Falk ne souhaitant plus à l'époque continuer Columbo ; les producteurs avaient alors tenté de mettre en scène sa femme si souvent mentionnée mais jamais filmée). Nous retrouvons ainsi l'âge d'or du Lieutenant dans cette première partie qui s'étale de 1968 à 1978. Toutefois, la qualité des épisodes souffre de disparités non négligeables, tant certains se révèlent passionnants alors que d'autres font planer une ombre d'ennui tout au long de l'enquête. Cet ennui relatif tient certainement à certains épisodes qui mettent en avant des personnages peu à l'aise dans leurs rôles, et donc peu convaincants, ainsi qu'une réalisation basique ou un scénario qui manquent sérieusement de créativité, ou plus simplement d'assaisonnement. Egalement, nous retrouvons parfois les mêmes acteurs dans différents rôles de meurtrier, allant jusqu'à trois rôles différents pour un même acteur, plusieurs années séparant généralement les épisodes en question.

Symboles de ces disparités qualitatives, certains épisodes sont de véritables bijoux sur tous les plans. Mais que dire du fond de la série ? Chacun des meurtriers, homme ou femme, appartient aux plus hautes strates sociales, que ce soit dans le domaine des affaires, du cinéma ou simplement de familles très fortunées. Columbo est donc l'homme qui applique la justice sur les riches, catégorie sociale généralement plutôt épargnée par les problèmes judiciaires. Un Robin Hood de la police ? En quelque sorte, bien qu'au lieu de voler leur argent, il vole leur innocence présumée en dévoilant leur crime qu'ils pensaient parfait. Mais Columbo le sait, rien n'est jamais parfait, surtout en matière de meurtre. Ainsi s'attache-t-il aux moindres détails qui se révéleraient sans importance s'il ne s'agissait de sa perspicacité légendaire à mettre bout à bout tous ces détails pour articuler clairement les ficelles de la réalisation du crime.

Son flair est infaillible, et il met constamment mal à l'aise les coupables à chaque fin de conversation, aime à les surprendre, à leur faire imaginer qu'il a besoin d'eux pour son enquête, ce qui n'est pas hypocrite finalement car il cherche simplement à confirmer ses soupçons dès les début de l'enquête. Ainsi sait-il généralement lors de sa première rencontre avec une personne si elle a quelque chose à se reprocher, et personne ne l'a encore vu se tromper... Mais quel spectacle délectable de voir le tueur jouer la comédie de l'épleuré (on dit éploré de nos jours, mais l'ancienne écriture "épleuré" me convient mieux...), avec à ses côtés un Columbo faussement triste, conciliant et peu percutant, voire très naïf, de voir leur sourire lors du départ du Lieutenant, pensant qu'ils ont réussi le crime parfait. Mais pour Columbo, la perfection n'existe pas, et chacun des meurtriers va comprendre plus ou moins vite qu'il va falloir se méfier de ce flic rabougri.

Il est dommage qu'il subsiste de telles différences dans la qualité des épisodes, mais retenons tout de même que la première partie de la série, avant la coupure de 11 années, et bien plus "artisanale" que sa suppléante, celle-ci montrant clairement le désir des producteurs à amasser le plus d'argent possible avec une figure connue et qui se vend bien. Dans cette deuxième partie de la série, les enquêtes sont généralement moins intéressantes, les meurtriers dégagent globalement un charisme très limité, si ce n'est un bien piètre niveau d'acteur. Fort heureusement, certains épisodes, 1 sur 3 ou 4 peut-être, se révèlent de bonne qualité, bien que ce qui faisait la force de Columbo jusqu'en 1978 est devenu la banalité d'une série policière populaire. La magie initiale s'est fortement ternie, et l'on assiste à différentes formes de remplissage pour tenter laborieusement de maintenir l'enthousiasme du spectateur intact, ce qui est un échec relatif. De même, les répliques ainsi que le jeu et le rôle imposés à Peter Falk se révèlent très poussifs, comme exagérant systématiquement certaines attitudes du lieutenant qui avaient fait son succès dans les premiers temps de Columbo. Moins convaincante, donc, mais non dénuée d'intérêt que cette suite qui pérennise la série.

A contrario, la première partie se veut quand à elle bien plus honnête, plus expérimentale et sensiblement plus divertissante. Certaines scènes sont juste fantastiques, et je me suis pris à me délecter ostensiblement de revoir ces 10 premières années de Columbo, avant que mon enthousiasme ne retombe sèchement au visionnage de la seconde partie. Il ne me reste qu'une petite dizaine d'épisodes à visionner (ou revoir) avant de pouvoir vraiment confirmer cette impression négative sur cette deuxième partie, mais il est clair que la magie instaurée jusqu'à l'épisode "The Conspirators" (1978) s'évapore au fur et à mesure que Columbo / Peter Falk prend de l'âge.

Je me souviens de plusieurs épisodes de cette première partie qui m'ont laissé une empreinte formidable, certaines lignes de dialogues, certaines situations cocasses ou un rapport particulier entre Columbo et le meurtrier bien exploité par les scénaristes, des éléments qui, ensemble, ont fait de ces épisodes, avec un Falk à l'apogée de son talent dans ce rôle, de véritables bijoux à revoir sans modération. Un parfum de perfection se dégage de certains de ces bijoux qui s'élèvent bien au-dessus de la qualité globale de la série, et la jouissance d'un tel visionnage ne donne finalement qu'un poids supplémentaire à la déception ressentie lors du visionnage des épisodes de la seconde partie. Mais globalement, revoir Columbo fut un vrai bonheur. Un tel personnage, qui sait gagner complicité et/ou respect de la part des meurtriers par sa politesse, ses faux-semblants, son attitude faussement conciliatrice, ses "lose ends" ou "little details that bothers [him]", sa culture, ses conversations, sa perspicacité, son regard et la lueur de vice qui y brille, ses allusions aux membres de sa famille qui semblent toujours ridicules mais qui ont toujours un but, ces petites remarques bien placées qui déstabilisent sans cesse le meurtrier, tous ces éléments portent sur leurs épaules le succès de Columbo.

"Oh, I almost forgot Sir, it's just one more thing that bothers me... You know, one of those lose ends I can't figure out..."
Oh yes, I remember ! Voici une liste des épisodes de la première partie que j'ai trouvés au-dessus du lot :

- "Prescription Murder" ; "Ransom for a Dead Man" ; "Death Lends a Hand" ; "Lady in Waiting" (saison 1 épisodes 1, 2, 4, 7)
- "Dagger of the Mind" ; "Double Shock" (saison 2 ép. 4 et 8)
- "Any Old Port in Storm" ; "Candidate for Crime" ; "Mind Over Mayhem" ; "A Friend in Deed" (saison 3 ép. 2, 3, 5, 6, 8)
- "An Exercise in Fatality" ; "Negative Reaction" (Mention Spéciale ! Columbo Haut de Gamme !) ; "By Dawn's Early Light" ; "Troubled Waters" ; "Playback" ; "A Deadly State of Mind" (saison 4 en intégralité : la meilleure pour moi)
- "Forgotten Lady" (avec Janet Leigh) ; "Identity Crisis" ; "A Matter of Honor" ; "Now You See Him" ; "Last Salute to the Commodore" (saison 5 ép. 1, 3, 4, 5, 6)
- "Fade in to Murder" ; "Old Fashioned Murder" ; "The Bye Bye Sky High IQ Murder Case" (saison 6 intégrale)
- "Try ad Catch Me" ; "Murder Under Glass" (Mention Spéciale !) ; "Make Me a Perfect Murder" ; "How to Dial a Murder" ; "The Conspirators" (saison 7 intégrale)

(je précise que certains épisodes non cités ci-dessus ont une réalisation / mise en scène excellente voire supérieure à ceux présents, mais leur scénario ou personnages m'ont moins convaincu ; de même qu'il subsiste des écarts de qualité dans les épisodes cités ci-dessus, même si globalement ils sont pour moi les meilleurs de la série)
Taurusel
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le 15 juin 2013

Modifiée

le 22 juin 2013

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Taurusel

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