Cross Game
7.9
Cross Game

Anime (mangas) TV Tokyo (2009)

Alors que les étiquettes et les notes viennent s’affaler sur les séries comme des truismes sur nos têtes, on en oublierait le pouvoir des mots, articulés et construits. Au-delà du baseball, au-delà de l’amour, au-delà de l’ombre d’un neuf, Cross Game s’exécute avec une habilité et une sensibilité qu’un chiffre ne peut atteindre. Au-delà de ses gradins d’albâtre et des homeruns se cache un rêve.


Cross Game est l’adaptation récente(2009-2010) de l’un des manga de Mitsuru Adachi, un vétéran du métier dont le succès peut s’expliquer par son style unique qu’il n’hésite pas à affiner, ou à recycler selon votre humeur, à travers la majorité de ses histoires: de l’adolescence, un souhait, de l’amitié et un sport, le tout à travers une narration subtile. Si Touch peut légitiment être considéré comme son chef d’oeuvre par la plupart des fans, Cross Game est, de mon avis, l’aboutissement de sa puissance narrative.


En quoi consiste cette puissance ? Quelle est la force de Cross Game ?


Son côté terre à terre et sa maturité ? En partie, oui. L’approche d’Adachi est certainement mûre à plusieurs égards. Le traitement des thèmes principaux se veut sobre et s’illustre sous différentes teintes à travers les expériences très humaines vécues par les personnages. L’anime use aussi de subtilité lorsqu’il s’agit des dialogues: il n’y a que très peu de monologues internes dans Cross Game et le spectateur doit s’appuyer sur des conversations succinctes, des silences révélateurs, et des flashbacks parfois ambigus pour s’informer sur les pensées et les intentions de chacun. La technique s’exécute avec majesté, découvrir et apprendre les personnages de cette manière est un exercice savoureux lorsqu’ils s’y prêtent, ce qui n’est pas toujours le cas malheureusement (Senda et Mizuki en tête).


L’ambiance de la série a aussi de quoi plaire à un public plus posé, avec son rythme gentillet construit sur le quotidien, l'urbain mondain et sa grise nostalgie, qui à ressasser le passé transpire sans cesse des pores bleus du ciel d’été.


Cependant Cross Game ne possède ni message ni vérité, et il serait exagéré de parler de réalisme : les protagonistes sont très idéalisés, les matchs de baseball n’ont rien d’une simulation avec les performances spectaculaires qui s’y déchaînent. L’auteur n’hésite pas non plus à puiser dans les situations clichées, comme les multiples harcèlements envers Akane, pour ses gags. Même l’arc principal sur Daimon exhale sous ses rires de vilains quelque relent manichéen.


A y réfléchir pourtant, non seulement cette tendance plus stéréotypée reste secondaire et passera plutôt inaperçue au premier regard, mais plus encore elle donne à l’anime un ton plus léger qui lui permet d’éviter de tomber dans le pathos extrême. Si Cross Game aurait peut-être pu gagner à explorer davantage les relations conflictuelles entre espoir et réalité, il est clair que l’objectif d’Adachi n’était pas de donner au spectateur une belle déprime orchestrée mais bien la satisfaction et un sourire empli de bien-être malgré la mélancolie ambiante.


Un autre aspect de la série qui pourra donner le sourire est son côté faussement rétro. Il est vrai qu’un certain charme émane de ce chara-design vieillot tout en restant fidèle aux standards du graphisme moderne, très visible au niveau des couleurs. On pourra juste regretter le manque de variété des têtes, Adachi aurait pu se creuser un peu plus la sienne...


Tant que l’on parle du côté technique, Cross Game n’a pas à se plaindre de son animation : décente sans être spectaculaire, le mouvement répond en qualité et en nombre selon les matchs (comparez l’excellent épisode vingt-trois avec la rencontre passable de l’épisode suivant), et l’on notera la présence des artifices habituels : de nombreuses "lignes de vitesse", des pauses lourdes sur les moments forts et même un «triple plan de coup de batte répété» affreusement suranné pour l’occasion.


Les musiques quant à elles sont bonnes avec quelques thèmes mémorables, tantôt servants discrets des larmes, tantôt compagnons tonnants de l’intensité des balles. Enfin, mention spéciale à l’opening «summer rain» qui nous suit tout le long des cinquante épisodes.


Mature, nostalgique, charmant et classique : de bons ingrédients pour une bonne série. Néanmoins là où elle peut prétendre à exceller face à ses prédécesseurs, c’est dans l’harmonie de son intrigue. Non seulement Cross Game aborde des thèmes simples avec brillance et sans surfaire, mais plus encore la magie s’opère lorsque ceux-ci se lient avec cohérence : chaque personnage à sa place dans cette aventure, chaque contribution laisse sa marque dans la réalisation d’un souhait à la fois intimement personnel mais surtout salvateur pour tous ceux l’ayant partagé. Il n’y a pas de twists ou de surprises, juste une avancée indomptable où tous les éléments s’assemblent petit à petit pour donner à la grande finale son poids de géant.


La performance vaut ses louanges mais ne se fait pas sans fautes. On pensera surtout à l'introduction de Mizuki et Akane, personnages qui ont du mal à s'intégrer naturellement dans l'intrigue et dont le rôle limité s'accomplit sans finesse.


En ce qui concerne le reste du casting, un anime de ce genre ne pourrait pas marcher sans une galerie de personnalités attachantes. Les protagonistes sont très réussis : Kou est un mélange intéressant entre héros stoïque/imbattable typique et adolescent du commun. Aoba, de par son agressivité prononcée envers Kou, pourra ennuyer une partie de l’auditoire mais les dilemmes auxquels elle se voit confrontée en tant qu'être humaine et joueuse de baseball nous empoignent avec brio. On ne peut pas dire que tout soit rose au niveau des personnages secondaires mais l’ensemble reste tout à fait satisfaisant (avec notamment Akaishi ou les Azuma).


Raffiné, nostalgique, charmant, classique et bien ficelé... ou apathique, lent, irritant, dépassé et à la finale impensable. S’il est bien plus facile de céder à la première catégorie, Cross Game ne provoquera pas chez tout le monde le bon déclic. On aurait néanmoins tort de négliger une série aussi soignée qui en mélangeant différents genres, ce n'est pas vraiment un anime de baseball, a réussi à créer une histoire intelligente et pleine de tendresse.

Skidda
9
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Créée

le 15 juil. 2012

Modifiée

le 3 août 2013

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