Daria
7.5
Daria

Dessin animé (cartoons) MTV (1997)

Critique originale sur mon blog.


Courte série redécouverte par l'intermédiaire d'une connaissance sur Internet, je me suis replongé corps et âme dans la série animée américaine Daria. Bien que bénéficiant d'un culte certain outre-Atlantique, la série n'a pas été des plus connues en France, non à cause de ces mystères du goût des peuples, mais du fait de sa diffusion sur le câble et une certaine chaîne cryptée dont je tairai le nom. Découverte à l'adolescence, je me suis surpris à revoir cette série à l'âge adulte presque dix ans plus tard, et Dieu, elle n'a aucunement vieilli, se bonifiant même avec le temps.


Un peu d'histoire, réelle et fictive. Daria est un personnage qui est premièrement apparu dans la série animée Beavis & Butthead, première d'une mouvance qui révolutionna l'animation américaine : dans la droite lignée des Simpsons, son ton irrévérencieux et politisé fut l'effet d'une véritable bombe, prouvant à qui voulait l'entendre que le dessin animé pouvait être porteur d'autre chose que de divertissement. Aujourd'hui, des séries comme South Park ou Futurama n'auraient su exister sans elle. Bref, le succès du personnage apparu alors fut certain, ce qui précipita alors sa promotion en héros de sa propre série.


Daria est une adolescente, âgée de quinze ou seize ans au début de cette série qui ne compte que 65 épisodes (et deux épisodes d'une heure, le tout étalé sur cinq saisons). Asociale et dôtée d'une intelligence hors-du-commun, elle va apprendre au fur et à mesure de ses "années-lycées" à donner sa chance aux autres et à se sociabiliser. Pour en finir avec ses relations, elle a une sœur légèrement plus jeune du nom de Quinn, qui se trouve être tout à son opposé, légère et superficielle ; ses parents, Jack et Elen, travaillent dans des bureaux, le premier en tant que consultant et la seconde comme avocate zélée, et Daria trouvera en la personne de Jack Lane, artiste convaincue, sa meilleure amie.


La série suit donc les tribulations de Daria au lycée et dans sa vie privée et de famille, ses interactions avec ses camarades de classe, bien plus "normaux" à tous points de vue (encore que...) et les membres de la famille et ce jusqu'à son entrée en faculté.


La série détonne, et c'est sans doute à cela qu'elle doit son succès premier, à son ton décomplexé et sans ambages. L'on ne peut qu'être admiratif face au travail accompli pour la version française, bien que seulement cinq doubleurs tiennent place derrière les micros. Cela donne parfois des incohérences lors de certains dialogues, mais on passe rapidement tant les voix se font convaincues. Les dialogues sont crus, "réels", nullement aseptisés ; et les commentaires pessimistes et cyniques de Daria parviennent à colorer agréablement la moindre des situations, banales en apparence.


Mais c'est là également que vient le grand charme de cette série, son décalage entre la vie, somme toute normale, de cette adolescence, et le traitement qui lui est apporté. Si les questions abordées ne brillent nullement par leur originalité, car rien du "mythe adolescent" ne nous sera épargné (première cuite, premier amour, les activités extra-scolaires, l'investissement politique, les devoirs...), c'est la façon dont elles sont abordées qui étonnent car rien n'est glorifié, mais rien n'est amenuisé non plus. Les sujets sont abordés frontalement, sans rien dissimuler, et les réponses apportées sont réelles, jamais grandiloquentes ou ridicules. À dire vrai, je pense sincèrement que les parents pourraient regarder cette série et en retirer plusieurs enseignements, tant il est vrai qu'il peut être compliqué d'éduquer des adolescents et des adolescentes.


Ce que j'apprécie beaucoup également dans cette série, c'est la façon qu'elle a de ne pas élever l'enfance et l'adolescence comme un endroit magnifique et regretté, une ère de bonheur inégalé bref, "les meilleures années de sa vie". Car non, l'adolescence est un moment difficile de son existence, c'est l'instant où de profondes modifications, surtout psychiques mais également physiques, se produisent et où notre caractère se forge réellement. Rien n'est à prendre à la légère, et tout est à prendre à la légère car, finalement, ce microcosme que compose le lycée n'est pas représentatif de la "vraie vie" ; tout du moins pourrait-il être considéré comme une "répétition" grandeur nature de ce que sera la société adulte et humaine.


La narration des épisodes, et des saisons en elles-mêmes car tournant toujours autour d'un même sujet, d'un même personnage ou d'une même grande question, est particulièrement forte car tout, même les choses les moins essentielles, participe à la réflexion globale du spectateur qui vit ces événements - comme ce fut mon cas jadis - ou s'en rappelle - comme moi à présent. Si l'on devait résumer, en un mot, l'esprit de la série, le mot seul qui me vient à l'esprit est "tolérance". Daria est un hymne à la tolérance, et à son absence : à quel moment doit-on faire preuve de discernement et accepter les failles de nos compagnons, à quel moment doit-on être intransigeant ? Est-ce qu'avoir un deuxième avis stipule toujours que le premier est invalidé ? Que signifie réellement "faire un compromis" ?


La relation entre Daria et sa sœur Quinn, l'un des nœuds principaux de cette série, est en soi une excellente illustration de ce principe. Au début de la série, rien ne les rapproche, tout les sépare : Daria lit énormément, a un point de vue cynique sur tout, se contremoque de l'avis des autres. Quinn, quant à elle, est frivole, travaille peu au lycée, est enthousiaste pour tout et ne vit que pour sa popularité.


Au fur et à mesure cependant, et au contact l'une de l'autre, leurs caractères vont se mélanger et se contaminer pour atteindre un juste équilibre : Daria apprendra qu'une vie sociale peut avoir ses avantages et que l'apparence participe de l'impression que l'on peut donner aux autres, tandis que Quinn comprendra que faire tout reposer sur son look peut la desservir et l'empêcher de tisser des liens durables avec ses amies, s'éloignant au fur et à mesure de l'hypocrisie absolue qui habitait alors ses relations.


Si les caractères et les personnages, ainsi, semblent très caricaturaux au sein des premiers épisodes qui servent d'exposition, le tableau devient au fur et à mesure plus nuancé pour atteindre finalement une forme de grâce imposante, et aucun des personnages secondaires n'est laissé de côté. Ils se transforment, s'approfondissent, prennent du volume plus que tout ce que j'ai eu l'occasion d'apercevoir dans une série, fût-elle animée ou non.


Dix années plus tard, je me souvenais encore parfaitement de cette galerie fine et intelligente de personnages, la plupart des intrigues déroulées, les messages pertinents que les épisodes dispensent comme n'en ayant pas l'air, fort subtilement. Si rares sont les épisodes qui possèdent une véritable conscience politique autre que la défense d'une intégrité absolue, ils parviennent à aborder des thèmes universaux et inaliénables, intellligents, ce qui leur confère une forme d'intemporalité.


Dix ans plus tard, l'on regardera encore Daria. Et on y trouvera encore plus d'intelligence et de fond : sa courte durée lui permet, du reste, d'être concentré sur son message sans jamais se perdre, ou alors très rarement (l'un ou l'autre épisode cède au principe de "l'épisode spécial", Halloween ou comédie musicale, mais c'est très localisé). En fait, Daria se déguste comme un roman, du type de ceux auxquels on revient, plusieurs années plus tard, quand le moment est venu.


Il y a certaines réflexions qu'il est toujours bon d'avoir, quel que soit son âge.

Mathieu_Goux
10
Écrit par

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le 2 sept. 2015

Critique lue 264 fois

Mathieu Goux

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