Devilman Lady
6.2
Devilman Lady

Anime (mangas) (1998)

Une série qui se regarde et qui sent son potentiel Go Nagai

Qu'est devenu Go Nagai dans le ciel japonais ?
Cet auteur a commis la première série à succès du Weekly shônen Jump en 1968 : L'Ecole impudique, bien que le public français l'ignore superbement. Il a créé le genre des robots géants pilotés de l'intérieur avec deux succès phares au Japon : Mazinger Z et Getter robo et avec un succès international particulier en France et en Italie avec Goldorak ou UFO Grendizer. Il a plusieurs autres mangas à succès non connus en France comme Violence Jack et Cutie Honey. Puis, son œuvre culte est l'excellent Devilman dont la réputation s'impose aussi ici à défaut d'être lu. Mais depuis les années 80, c'est un peu comme s'il était retombé en tâcheron obscur des mangas et de l'animation japonaise. Il reconduit les mêmes formules, il décline ses recettes : Mazinger Z devenu Great Mazinger a passé le relais à Mazinkaiser, Shin Mazinger Z Giga boom boom, etc. Il fait pareil avec la licence Devilman qui devient Devilman Lady, tandis qu'il refait le manga inachevé Mao Dante en Shin Mao Dante. Il a bien quelques nouveautés qui marquent les connaisseurs, notamment ses adaptations de classiques européens La Divine Comédie ou Utamaro, mais Hanoope Bazooka, etc., tout cela ne retient guère l'attention des fans d'animation japonaise et il ne vient pas faire cortège aux gros vendeurs actuels de mangas.
L'exception est sans aucun doute la licence Cutie Honey qui jouit à intervalles de temps relativement courts d'un grand nombre de "remakes" ou produits dérivés, dont la remarquable suite de trois OAV Re: Cutie Honey vers le début des années 2000. Mais, en France, cette licence ne marche pas non plus, passe inaperçue.
Pourtant, Mao Dante, Devilman et Mazinger Z sont les sources de maints succès récents ou contemporains : Neon Genesis Evangelion ou Parasite dans les années 90, L'Attaque des Titans ou Tokyo Ghoul dans les années 2000. Et cela va beaucoup plus loin ! Par exemple, dans Jagaaan, les transformations en monstres s'expliquent par des obsessions des individus humains, ce qui fait que leur caractère, leurs préoccupations influent sur leurs formes monstrueuses. Eh bien ! C'est un principe qui apparaît tel quel dans Devilman Lady et tout particulièrement au sujet des yeux pour observer autrui, puisque dans Jagaaan un des monstres les plus marquants est de ce profil-là.
Les séries animés Devilman Lady et Mao Dante, respectivement de 1998 et 2002, n'ont eu aucun succès et seront probablement superbement daubés par le public en raison de leurs piètres qualités d'animation. Pourtant, ces deux animés ont des idées de mise en scène vertigineuses et fascinantes. Puis, Go Nagai offre des récits immoraux qui ont l'intérêt de mieux passer que les récits licencieux à succès contemporains, car il a intériorisé l'art du fantasme, l'art de l'horreur irrépressible. Certes, on peut penser que Go Nagai n'est pas clair quand il étale certaines atrocités ou certaines frasques sexuelles, mais le traitement n'est pas bêtement permissif, le traitement est hypnotique, révèle les pulsions profondes avec une brutalité qui interpelle et qui trouble. C'est complètement différent d'un traitement de simple audace.
Il fait sans doute aussi partie de générations plus marquées de traumatismes dans l'enfance. L'horreur a quelque chose de vécu et c'est ce qui fait que les scènes d'atrocités, de violences sexuelles soient si impressionnantes. On sent que le tourment des personnages est un peu une part de l'activité mentale profonde de l'auteur. Et, en même temps, même si beaucoup de choses ne sont pas explicites, dans les scénarios de Go Nagai, on sent que les monstres disent quelque chose sur nos pulsions profondes d'êtres humains.
Malgré tout, le manga Devilman Lady pourrait n'être qu'une redite en moins bien de Devilman et de Mao Dante. La série animée est en 26 épisodes et se veut l'adaptation du manga, mais cette adaptation a été à l'évidence assez édulcorée. Je n'ai pas pu lire le manga, mais il serait beaucoup plus sombre avec des viols, de la torture et plus de sang qui gicle. La série animée est assez sombre, offre des visions horrifiques de cadavres, mais elle semble effectivement ne pas pouvoir choquer tellement. Surtout, au plan sexuel, on sent qu'il y a un remaniement de l'intrigue. La colocataire de l'héroïne principale n'appartient pas au manga, elle a été inventée pour la série animée sur le modèle d'un personnage féminin de Devilman, mais l'héroïne principale provoque les émois amoureux de quelques femmes dans la série animée, dont sa colocataire, mais cela ne va pas très loin. Il s'agit de petits scènes de baisers de temps en temps. Cependant, l'héroïne si elle se laisse faire en passant semble plutôt attirée par les hommes, mais elle vit seule, sauf qu'on apprend presque incidemment lors d'un épisode qu'elle a une relation adultère avec un homme marié qui a une femme et un enfant, et comme elle est jalouse elle embrasse un lycéen qu'elle a sous la main pour le provoquer. Mais tout cela ne se développe guère ensuite. On sent également que la série animée manque d'explications précises sur les monstres et l'encadrement de la patronne de l'alliance humaine, la mystérieuse et trouble Asuka. Le manga en dirait beaucoup plus et offrirait le profil du père d'Asuka qui serait un éminent docteur expliquant un peu pourquoi sa fille est devenue un monstre, etc. Puis, il y a ce nom Fudo qu'elle partage si je ne m'abuse avec le héros de Devilman. En clair, la série animée n'a pas assuré le côté du mangaka Go Nagai qui consiste à relier ses séries entre elles, les réalisateurs de la série ont assuré une certaine autonomie à leur histoire, mais du coup elle a aussi des contours plus flous.
J'aimerais vraiment lire le manga, parce que l'animé est conçu classiquement pour occuper les téléspectateurs à une semaine d'intervalle à 26 reprises avec à chaque fois une histoire close de vingt minutes qui répète le schéma de l'affrontement du héros avec un nouveau monstre, même si à partir du quatorzième épisode, le milieu donc de la série, l'antagoniste principal entre enfin en scène. On a ce schéma éculé qui consomme une grande partie de la composition des scénarios épisode par épisode, et du coup on a ce développement lent et très parcellaire sur la psychologie tourmentée de l'héroïne. Toutefois, il y est ! Derrière ce que les combats et les situations de crise ont de répétitif épisode après épisode, on a bien un personnage qui approfondit ses questionnements, qui évolue en fonction des événements. On voit aussi, surtout au début, que certains antagonistes sont vraiment choisis pour la toucher au plus profond de son être et interroger l'ambivalence de son être entre héros et outil démoniaque. Les différents personnages autour de l'héroïne ont un sens, provoquent des réactions précises, ont des sujets de conversation très précis pour jalonner le parcours de l'héroïne. Et donc, cette série où j'en suis au dix-huitième épisode sur 26 retient complètement mon attention. J'ai bien une idée de la suite, surtout que je connais Devilman, mais mon intérêt est là. Les scènes fascinent, les monstres aussi, avec juste un bémol les combats dans la nuit ou dans l'ombre où on ne voit rien du tout à l'écran.
Malgré le schéma un méchant par épisode, malgré un schématisme à l'ancienne des intrigues, j'arrive à penser que ce n'est pas du Go Nagai dispensable. Malgré sans doute aussi une fidélité insuffisante au manga, cette œuvre a quelque chose à dire dans les tourments vécus par ses personnages.
**
J'ai vu les derniers épisodes. On s'éloigne du concept un monstre par épisode. On part dans l'errance finale de l'héroïne qui ne sait plus à quoi se raccrocher dans la vie. Il faut dire que le récit est parfois confus, elliptique, et donc un peu dur à suivre. Je n'ai pas tout regardé d'un coup, parce qu'il y a une saturation. Ce n'est pas l'art de raconter le plus envoûtant. Après, la relation entre Devilman Lady et Azuka est loin d'être bien écrite. Sans spoiler, il y a une péripétie capitale qui est un peu si j'ose dire comme un cheveu sur la soupe : ce n'est pas convaincant, on sent que c'est fait exprès. L'histoire se veut très métaphysique et affronte certaines limites, mais cela reste malgré tout assez percutant.

davidson
6
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le 10 nov. 2020

Critique lue 299 fois

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davidson

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