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Dexter Morgan, expert médico-légal le jour, tueur en série la nuit a hanté les dimanches soirs de Showtime pendant 8 ans. Une ultime saison à l'image de la série : quelques bonnes idées par là, du potentiel gâché par ici, des pirouettes pas très finaudes, bref inégale.

Lorsqu'il apparaît pour la première fois sur les écrans le 1er octobre 2006 Dexter est un pur rejeton de son époque : hors-la-loi mais retenu par un certain sens de l'honneur, manipulateur et menteur mais pas forcément salaud pour autant. Personnage principal qu'on aurait du mal à appeler un héros pour autant, Dexter séduit par son aspect complètement froid et par les efforts qu'il consent à porter un masque social respectable la journée. Le sourire forcé de Michael C. Hall fait mouche lorsqu'il distribue des donuts au commissariat, autant que sa mine figée quand il examine une scène de crime. Miami la cubaine est un cadre vraiment particuliers. Cette chaleur, cette ambiance latine constitue un décor décalé et unique pour ce bal des horreurs. Instrument de l'appareil judiciaire autant que bras vengeur lorsque ce dernier échoue, Dexter est par nature sur la corde raide, le potentiel est énorme.

Mais Dexter, la série, montre vite ses limites. Dès la première saison de très nombreuses cartouches sont tirés : la filiation, les origines, la tentation de basculer du côté obscur. Puis dès la seconde Dexter est la proie des forces de l'ordre. La suite se résumera souvent à une répétition de ce qu'on connaissais déjà. On ne calcule plus le nombre de fois où Dexter laisse échapper un tueur volontairement et que ça lui reviens en pleine tronche. Dexter cherche l'amour, l'amitié, la formule de la vie parfaite.... encore et encore. Autour de lui on se demande si la police de Miami arrête des gens de temps en temps.

Cependant la série propose régulièrement des personnages qui captent l'attention. Le sergent Doakes et sa grosse voix, Lumen et sa fragilité, Trinité et sa folie, Isaak Sirko et sa determination, Frank Lundy et son intelligence, Hannah McKay et son ambivalence... et puis il y a surtout Debra Morgan, demie-soeur de Dexter campée par une Jennifer Carpenter charismatique dont la beauté n'a d'égale que la quantité impressionnante de jurons qu'elle peut balancer par minute. La caractéristique principale de Dexter est donc de nous proposer des personnages vraiment réussis mais d'en faire systématiquement n'importe quoi, histoire de tout gâcher. Comme lors de la saison 4, vraiment très bien jusqu'à ce que les scénaristes nous sorte une fille cachée de leur chapeau afin de brouiller les pistes gratuitement. Ou bien la saison 5 qui essayait quelque chose d'un peu différent, avec un duo attachant mais dont la conclusion jettera tout aux orties pour revenir à la case départ.

Il y a un mal qui ronge profondément Dexter, c'est l'accumulation frénétique de rebondissements. On assiste à une avalanche de quiproquos bancales, de deus ex machina parfois honteux, de retournements de veste pas très crédibles, de révélations foireuses. L'écriture est trop grossière et fait parfois tomber les épisodes dans le ridicule. A force de brouiller les pistes grossièrement tout le monde s'y perd. Même le personnage de Dexter devient de moins en moins intéressant. De Janus manipulateur et calculateur il bascule à tueur parfois idiot, tombant dans des pièges énormes, n'apprenant jamais de ses erreurs puisqu'il passe son temps à les répéter et qui s'en sort toujours par purs coups de bol miraculeux.

La seule audace de la série restera dans la violence des meurtres et la quantité de sang, l'inventivité des tueurs est souvent assez remarquable. Mais ça s'arrête là, le public n'est jamais vraiment bousculé et quand il l'est (rappelez-vous la fin de la saison 4 !) c'est désamorcé presque aussitôt, le travail sur la profondeur est balayé par la nécessité de maintenir le rythme, de passer à autre chose. De nombreuses situations s'arrêtent quand elles deviennent vraiment intéressantes, comme si les scénariste avait peur d'aller trop loin, ils font alors marche arrière et bricolent un twist pour faire revenir le show sur des rails plus rassurantes et plus convenues. Comme lorsque Dexter tue un innocent par erreur, toute la base de son code devrait s'effondrer, une profonde remise en question est à espérer mais non, deux épisodes plus loin on est déjà passé à autre chose. Juste un rebondissement au milieu des autres.

Et cette huitième et dernière saison ne déroge pas à la règle, plus les pièces s'imbriquent les unes dans les autres moins le puzzle ressemble à quelque chose. De plus on ne pourra que regretter une conclusion qui mise tout sur le court terme, une saison qui manque cruellement d'ambition, qui se contente juste de proposer le même schéma que les précédentes (une saison = un tueur) et dans laquelle toutes les erreurs et pistes laissées auparavant n'auront quasiment aucune incidence, démêler les incohérences aurait sans doute été impossible.

Ce dimanche 22 septembre 2013 Dexter est apparu pour la dernière fois sur nos télévisions. Il laisse derrière lui un sentiment mitigé, des bons moments, d'autres très mauvais. La conclusion de Dexter est-elle décevante ? Oui car elle tombe dans tous les travers des précédentes saisons. Il y avait de l'idée, de la matière pour offrir un final sympa mais une nouvelle fois tout est précipité, puis gâché par un énième twist dont on n'avait pas besoin. La tension, le drame, l'émotion n'a pas le temps de s'installer. Tout est expédié en deux temps, trois mouvements. Le show reste attachant grâce à certains personnages et à un casting pertinent. Même si on n'y croit plus depuis longtemps on a quand même envie de savoir comment ça se termine. Dexter est une série sympathique, pleine de promesses mais qui n'a pas réussi à se renouveler, qui passe son temps à se réfugier dans des astuces grossières au lieu d'exploiter le potentiel de ses personnages et de ses situations. Dexter Morgan pouvait devenir un exemple marquant du concept d'anti-héros de série télé, il se cantonnera malheureusement à en montrer les limites.

Créée

le 19 sept. 2013

Modifiée

le 19 sept. 2013

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