Friday Night Lights
7.6
Friday Night Lights

Série NBC (2006)


Friday Night Lights



J'ai passé de bons moments avec cette série, c'était sympa et j'ai apprécié de regarder jusqu'au bout, mais il y a de gros gros problèmes.
Ma note ne peut pas dépasser 5 pour cela et je vais lister les problèmes.



  • L'éducation de Tami et Eric Taylor. On nous la montre comme parfaite,
    les parents idéaux, équilibrés, qui prennent les bonnes décisions. En
    réalité ce sont des parents abusifs : inquisiteurs, jaloux,
    possessifs : prenant littéralement leur fille comme leur possession,
    Tami disant que le corps de sa fille lui appartient quand celle-ci se
    fait tatouer. On ne voit jamais d'interactions positives voire
    amicales, toujours un rapport hiérarchique parent/enfant, très
    souvent conflictuel mais où on veut nous faire croire qu'il s'agit
    d'éducation et que leur fille Julie, est une "fille sage" grâce à
    eux.


  • La sacralisation de la virginité féminine. Il faut "perdre sa
    virginité" (j'utilise l'expression consacrée même si je ne pense pas
    qu'elle ait de sens, par souci de clarté) avec un homme qu'on aime,
    avec qui notre relation est "sérieuse", et surtout pas trop tôt. Tami
    Taylor hurle à sa fille de 15 ans "tu n'es pas autorisée à avoir une
    relation sexuelle", phrase gerbante, la mère décidant à la place de
    la fille si elle est prête à ça. Cette phrase est de plus hurlée,
    visiblement c'est la chose la plus atroce qui pourrait arriver à sa
    fille, du sexe, Tami Taylor n'étant jamais montrée à nouveau dans un
    état aussi violent de toute la série. La série donne ensuite raison à
    la mère en nous montrant que Julie n'avait effectivement pas envie
    d'avoir une relation sexuelle, la mère sait ce qui est bon pour sa
    fille et a raison de vouloir la contrôler et contrôler son corps.
    Bien, bien. Quand Julie perd effectivement sa virginité, on a de
    longs plans a posteriori sur son visage extatique, on la voit
    pouffer, toute la scène tend vers le bullshit niaiseux du "je ne
    serais plus jamais la même, ça m'a transformé dans mon âme", bullshit
    qu'on a pas eu quand son ami Matt avait perdu sa virginité
    auparavant.


  • La culpabilisation des victimes : dans la série on a une tentative de
    viol sur le personnage de Tyra, et des hommes bougeant comme une
    poupée de chiffon une femme inconsciente. Les deux personnages sont
    des persos de "bad girls", ça n'arrive pas aux "gentilles filles".
    Pour la seconde histoire, c'est la fille qui est en tort selon la
    série et le personnage de Tami Taylor. Celle-ci prononce par exemple
    cette phrase horrible :




you let those boys do that to you.



Si des
hommes profitent de notre corps inconscient, c'est qu'on laisse des
hommes faire ça. Les hommes, ces espèces de robots, qui passent en
mode auto "prédateurs" dès qu'une femme est inconsciente, et qu'on
ne peut pas tenir pour responsable de leur propre comportement. Pour rajouter à ces immondices,
Tami organise un cours de prévention aux dangers de l'alcool, auquel
sont conviées uniquement les lycéennes. C'est donc clairement et
uniquement la faute des victimes
: les hommes ne sont pas en tort
s'ils abusent des femmes et n'ont pas à être pris en charge,
questionnés, éduqués, les femmes par contre si elles sont abusées,
c'est de leur faute, parce qu'elles ont bu et, elles, il faut les
éduquer... Tami dit pendant ce cours que c'est "horrible de voir des
femmes inconscientes trainées par des hommes" à la victime, en
reproche. Ce qui devrait être horrible c'est de voir des hommes
abuser d'une femme inconsciente, plutôt, non..? A vomir. Dans la fin
de la dernière saison, Becky devient serveuse dans un club de
strip-tease, ce qui est problématique vu qu'elle est mineure. Mais là encore, la série slut-shame Becky et
la culpabilise elle, l'âge étant vaguement évoqué mais l'arc
important nous disant que Becky "vaut mieux que ça" tandis que son
petit copain la rejette.



  • Le slut shaming : avoir des relations sexuelles c'est mal pour une
    femme. Tami Taylor dit à une lycéenne qu'elle a surpris avec un
    garçon qu'elle risque d'avoir une réputation, qu'elle ne pourra pas
    aller à la fac, etc. Elle ne dit rien au lycéen en revanche. Un des
    persos féminins principaux dit à cette lycéenne qu'elle ne "se
    respecte pas" pour avoir mis sa culotte dans le casier d'un lycéen,
    ce qui est tout aussi puant : pour commencer le respect à soi-même
    n'est pas quelque chose qu'une tierce personne peut définir pour
    nous-même, et on notera que cette expression est toujours utilisée
    pour condamner des comportements sexuels de la part des femmes. C'est
    en plus le seul traitement par la série qui est fait des "rally girl"
    des femmes censées être à la disposition des joueurs de foot,
    cuisiner pour eux, faire leurs devoirs, et subissent des pressions à
    avoir des relations sexuelles avec eux. Il y a donc beaucoup à dire
    du concept des rally girl, mais là encore, le traitement choisi par
    la série, c'est que c'est leur faute, que ce sont ces femmes qui ne
    se respectent pas, pas la culture du foot au Texas qui pose problème.
    Super. On a encore du slut shaming avec Julie cette fois, elle est
    alors majeure, qui couche avec un homme marié, et encore de la
    violence éducative avec son père qui réagit terriblement à ça avec
    par exemple la phrase extrêmement dure :



je ne sais plus qui est cette fille.



Il a aussi l'air de considérer que l'homme est coupable et a
profité de sa fille, bon pourquoi pas, mais dans ce cas là on
retourne sur de la culpabilisation des victimes vu son attitude avec
Julie.



  • La silenciation des victimes : souvent dans la fiction, quand une
    femme est violée ou agressée sexuellement, sa souffrance est peu
    traitée, voire pas traitée du tout, et c'est les hommes de son
    entourage qu'on voit souffrir. A ce sujet voir ce très bon article en deux parties sur le site culturesgenre. Friday Night Lights ne déroge pas à la règle.
    Quand un homme agresse et tente de violer Tyra, la souffrance est
    vite reportée sur le perso de Landry Clarke, dans un plot où il tue
    l'agresseur de Tyra. Du coup ce sont ses larmes, ses doutes, ses
    angoisses qui deviennent importantes, et on a même un peu de victim
    blaming en sourdine, parce qu'il nous est sous-entendu que sans Tyra,
    Landry n'en serait pas là. Il est à noter aussi que le thème du viol
    est traité en dehors de la culture du foot
    , et des joueurs, alors que
    c'est un milieu où les hommes bénéficient d'une grande impunité à
    violer des femmes (voir l'affaire de Steubenville) et que c'est
    plutôt ce qui aurait dû être évoqué par la série. Ce n'est
    effectivement pas son sujet, qui est de dire que le foot c'est
    merveilleux, ça pousse les lycéens à donner le meilleur d'eux-mêmes,
    ça peut les sauver, mais c'est fermer les yeux sur beaucoup de choses
    que de choisir ce parti pris.


  • L'utilisation du perso du Nice Guy : un rappel sur ce qu'est le Nice Guy (c'est un
    concept féministe, aussi ça ne recoupe pas totalement des réalités
    individuelles, c'est un comportement global, et un profil qu'on
    retrouve très souvent dans la fiction aussi, par exemple Xander dans
    Buffy en est un) -> c'est le mec qui se trouve super gentil et qui
    comprend pas que les femmes, ces salopes, préfèrent les connards
    plutôt que lui. Le Nice Guy n'est en réalité jamais gentil envers une
    femme de manière désintéressée mais uniquement parce qu'il veut
    coucher avec elle : il pense aussi que les femmes lui doivent du
    sexe, s'il est gentil avec elles, et que si elles ne sont pas
    intéressées, c'est des salopes, donc. Landry Clarke est un Nice Guy :
    est un connard envers Tyra, considère qu'elle lui doit du sexe,
    considère qu'elle l'exploite la seule fois où elle lui demande d'être
    gentil de manière désintéressée, etc. Il a également une tendance
    chiante à tenter d'embrasser toutes les femmes avec qui il interagit,
    sans s'être assuré le moins du monde de leur consentement, et à
    pleurnicher quand elles n'apprécient pas en mode "je suis si gentil,
    pourquoi les femmes ne veulent pas de moi ???". Bien sûr la série est
    dans son camp à lui, et le présente comme "le mec gentil par
    excellence".


  • Le traitement de l'avortement. Là il y a du bon aussi, mais du moins
    bon. Il y a un avortement, et c'est extrêmement rare de voir ça dans
    une fiction habituellement alors que les grossesses non désirées sont
    un thème récurrent, c'est la première fois que j'en vois un moi par
    exemple. Souvent les femmes gardent l'enfant, ou le problème est
    évacué autrement que par un avortement : fausse couche ou le "en fait
    elle était pas enceinte". On nous montre par contre la politique au
    Texas sans la questionner, consistant à diriger la jeune femme vers
    des institutions qui l'aideront pendant sa grossesse, et si elle
    demande un avortement ne la rediriger que vers de la littérature et
    pas vers une clinique : tout est fait pour plutôt décourager la femme
    à avorter, voire ne pas mentionner cette possibilité. Le personnage
    masculin nous est présenté comme plutôt légitime dans sa volonté de
    prendre part à la décision de la femme mais heureusement dans le plot
    de l'avortement, celle-ci prend au final la décision même si lui ne
    veut pas qu'elle avorte. Il y a un peu insistance sur sa tristesse à
    lui, ce qui est moyen. La femme nous est présentée comme en
    souffrance, prenant la décision la plus difficile de sa vie, et
    l'avortement comme un traumatisme (ça peut être le cas bien sûr mais
    il y a dans notre société une injonction à la souffrance et on ne
    voit pas d'autres discours), ce qui est problématique. Il y a aussi
    cette idée que cette grossesse non désirée est une opportunité, et
    que l'avortement est définitif, une porte qui se ferme, et qu'il faut
    donc bien réfléchir. C'est un faux problème pourtant, rien n'empêche
    la femme de tomber enceinte un mois plus tard si elle regrette sa
    décision, la potentialité d'avoir un enfant pré-existe à une
    grossesse
    , et celle-ci n'est pas une "occasion à ne pas laisser
    passer" (sauf problèmes de fertilité par exemple, ou situations très
    spécifiques). On nous montre ensuite les positions anti-choice/pro-life d'une
    façon très négative, ce qui est bien, même si finalement le discours
    pro-life se retrouve chez les pro-choice dans la série (parler de
    bébé plutôt que d'embryon, ne pas accompagner une décision d'avorter,
    freiner des quatre fers à cette décision...). Il est aussi dommage
    que les pro-life soient dirigés par une femme dans la série, ce qui
    tend à nous faire oublier que le pro-life est une volonté de contrôle sur le
    corps des femmes cis au bénéfice de la classe "hommes" et qu'on entend plutôt ce
    discours de la bouche d'hommes cis dans la réalité alors qu'ils ne
    sont pas concernés directement. Il y a également une autre grossesse
    non désirée qui ne débouche pas sur un avortement. L'homme veut à
    nouveau persuader la femme de garder l'enfant et y parvient. C'est un
    ancien joueur de foot, et il va voir le coach pour lui demander des
    conseils sur comment persuader/manipuler la femme pour la faire
    garder l'enfant, une démarche sympathique... Le coach n'est pas loin
    de le féliciter, parce que d'habitude dit-il, "leshommesceslâches"
    fuient la paternité (oui en même temps à 16 ans, on les comprend....)
    : ainsi garder un enfant quand on adolescent-e, c'est la bonne chose
    à faire pour le coach (qui est le perso principal)
    et avorter la
    mauvaise, la lâche. La série n'est pas frontalement pro-life comme
    certains de ses personnages, mais ce discours pollue tout de même le
    message général.


  • Le traitement du racisme : L'un des coach racistes est au départ
    désigné comme tel et on a quelques épisodes intéressants sur cette
    thématique (la mère de Smash disant que réagir au racisme est détourné pour
    donner raison aux racistes, et montre le piège dans lequel les
    personnes noires se trouvent) mais il y a des gros
    problèmes aussi. Le discours "je le connais bien, il est pas raciste,
    c'est horrible ce qui arrive", qui tente de nous faire croire que le racisme est un problème individuel et non structurel, où la division raciste/non raciste a peu de sens. L'emphase sur la souffrance de ce type, et
    l'"injustice" qu'il subirait alors qu'il a "un bond fond", rien à
    foutre, mais c'est ce qui est central dans la série. Et malaise à la
    conclusion de l'épisode avec la réconciliation où Smash doit limite
    consoler le coach raciste et où on se rend compte que c'était
    vraiment beaucoup à propos de ses petits feelings à lui.


  • L'hétéronormativité : Déjà car il n'y a quasi pas de personnages lgbp, ou
    utilisés pour le comic relief (la maire, l'un des coach des Lions) ou
    dont la sexualité est un obstacle pour un personnage masculin (Landry
    dont les avances sont repoussés par sa bassiste, qui est lesbienne).
    Cela passe aussi par le renforcement des rôles de genre, avec la conception du couple et de la famille où l'homme est le chef.
    C'est très net surtout avec Eric et Tami qui est supposé être un
    couple assez équilibré comme elle a un travail : mais nous avons un
    cas d'école de la double journée des femmes avec Tami qui est seule à
    s'occuper du bébé, des tâches ménagères, de la cuisine... Si Eric
    finit par céder et par accepter de laisser passer la carrière de sa
    femme avant lui en fin de dernière saison (il n'a pas vraiment le
    choix s'il veut sauver sa relation avec Tami donc bon), il résiste
    énormément au départ et se comporte comme un connard, alors que ça ne
    change pas grand chose à sa carrière à lui. Enfin hétéronormativité
    avec Matt et Julie, avec la déclaration de mariage classique, et
    l'affligeante demande au père de la main de la fille (bien sûr,
    objectification des femmes, et une femme appartient à son père avant
    d'appartenir son mari). Le père pète un câble bien sûr et prétend à
    nouveau prendre une décision au nom de sa fille, à gerber.



Malgré ça il y a donc de bons personnages : Smash, Tim Riggins, Billy et Mindy, un peu Matt, Jess, etc. Et de bonnes plot-lines aussi. Mais le ton global, les idées politiques relayées sont relativement gerbantes et c'est dommage.
N'en déplaise aux scénaristes, il n'est pas surprenant que Friday Night Lights soit une des séries préférées de Mitt Romney.

Mhars
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le 19 août 2013

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le 19 août 2013

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