Ghosted
5.1
Ghosted

Série FOX (2017)

De prime abord, "Ghosted" est une de ces séries dont on ne voit pas trop comment elle pourrait se louper, tout est à peu près là pour qu'elle dispose d'un capital sympathie immédiat avec son pitch de parodie à peine voilée de "X-files" et son duo vedette aussi génial qu'inédit, Adam Scott et Craig Robinson. Et pourtant, dès le premier épisode, on en vient déjà à maudire ses créateurs devant leur impossibilité à tirer quoi que ce soit de bien de tout l'or qu'il dispose entre les mains...


Pendant neuf épisodes, "Ghosted" va tout simplement être un brouillon de série, comme si ses auteurs avaient inexplicablement obtenu le feu vert de se lancer dans l'aventure d'un tournage avec deux ou trois idées notées sur un coin de table. Pour le spectateur, l'impression d'un immense gâchis est totale : l'histoire de Max et Leroy, un libraire au passé de scientifique paria et un ex-flic devenu vigile, obligés de faire équipe au sein d'une agence ultra-secrète pour enquêter sur des cas étranges tourne rapidement à vide et ce, pendant une bien trop grande partie de la saison.
Niveau humour, on a beau adorer Craig Robinson et Adam Scott, les voir quasiment lâcher en roue libre dans le but de trouver et créer par eux-mêmes la dynamique comique de leur duo peut, certes, avoir quelque chose de fascinant mais, devant la pauvreté des dialogues et les ressorts usés avec lesquels ils sont obligés de se dépatouiller la plupart du temps, les sourires se font plus que rares.
Et, du côté de sa mythologie... ben... passé le postulat, il n'y a plus rien, "Ghosted" abandonne vite toute volonté de construire des intrigues-fils rouges (le mystère de l'agent du pilote et celui de l'ex-femme de Max sont carrément zappés pendant toute la saison... mais ils reviendront in extremis) et la série, prise au piège de son format de 20 minutes ne lui permettant pas de développer grand chose (quelle idée aussi, des épisodes de 40 minutes auraient été une bien meilleure option !), va se contenter d'une affaire surnaturelle isolée par épisode. Mais, même là, la mayonnaise ne prend pas, pire : elle tourne ! Entre les tentatives d'humour et les enquêtes forcément expédiées à cause de la durée, "Ghosted" ne réussit jamais à trouver un équilibre qui lui permettrait d'au moins sauver un des deux piliers sur lesquels elle tente vainement de se bâtir.
Si vous n'êtes pas pas trop regardants, le rythme soutenu et la légèreté de l'entreprise pourront vous faire venir à bout de ces neuf premiers épisodes terriblement boiteux, d'autant plus qu'au contraire de la médiocrité de l'écriture, le duo Scott/Robinson, lui, ne fait que s'améliorer au fil de la série (l'ensemble va finir par se reposer complètement sur eux et leur complémentarité, il suffit de voir l'épisode 8 dont la moitié du temps se concentre sur leurs conversations en voiture). Dans le cas contraire, il est fort probable que vous passerez assez rapidement votre chemin...


Ce serait néanmoins un peu dommage car, après une longue pause de diffusion (presque six mois) qui a sans doute conduit à une grosse remise en cause de l'équipe créative, l'épisode 10 change radicalement de direction. Finies les enquêtes uniques à l'extérieur et focus sur le fonctionnement interne de cette agence gouvernementale top-secrète !
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard d'y voir le nom de Paul Lieberstein à l'écriture, le scénariste/acteur de la série "The Office" US y fait ce qu'il sait faire du mieux : du "The Office" ! Mais avec quelques éléments paranormaux inhérents à l'univers de "Ghosted", ces derniers ne sont presque plus au centre des épisodes et deviennent des accessoires juste bons à faire interagir ces employés dont le nombre ne cesse de s'élargir. Grâce à une mystérieuse affaire d'espionnage et l'arrivée d'un nouveau patron, "Ghosted", qui ne s'était jusqu'alors servi du décor de l'agence que comme un vague prétexte à des sous-intrigues gaguesques anecdotiques, plonge de plein pied dans la "comédie de bureau" où certains seconds rôles s'étoffent enfin de leurs caricatures (mentions spéciales à la jolie Amber Stevens West et à Ally Walker qui parvient à exister malgré un personnage vraiment maltraité) et, surtout, où le duo Scott/Robinson fait enfin toutes les étincelles que l'on attendait de lui. "Ghosted" n'en devient pas pour autant excellent à cause du manque d'identité originale de l'approche mais la série exploite enfin ses meilleurs atouts et provoque de vrais sourires (voire même des rires), c'est dire la hausse qualitative de l'ensemble !
Seulement, dans ce dernier arc, à force de s'inspirer de "The Office", la série va finir par en devenir un véritable copier-coller, allant même jusqu'à en décalquer les mimiques visuelles de mockumentary (les zooms sur les réactions des personnages notamment) et certaines thématiques de la vie de bureau (la réunion gênante sur le harcèlement, les non-dits internes, la confrontation avec des rivaux, la soirée beuverie, etc). C'est bien simple, on s'attend presque à voir les personnages de "The Office" passer une tête pour saluer leurs collègues de cette agence gouvernementale tant le mimétisme des deux séries atteint des niveaux rarement vus.


Et, paradoxalement, ça fonctionne ! Peut-être que notre nostalgie de la géniale "The Office" joue un grand rôle mais la série ne sera jamais meilleure que lorsqu'elle va complétement imiter son modèle. Le meilleur exemple en sera l'avant-dernier épisode à la fois point culminant de cette démarche de photocopieuse peu scrupuleuse et petite perle d'hilarité de toute la série où les employés subissent les humiliations d'une agence rivale.
Toutefois, alors que l'on pensait la série engagée dans cette voie, la voilà qui rebifurque pour son dernier épisode vers le mode enquête de ses débuts en voulant résoudre ses principales questions laissées trop longtemps en suspens. Et, bizarrement, ce baroud d'honneur vers les origines va lui aussi marcher là où les premiers épisodes n'avaient jamais trouvé le ton adéquat, un peu comme si le détour vers la comédie de bureau avait permis aux scénaristes de réfléchir à leur précédent modèle et d'en corriger les erreurs. "Ghosted" se permet même le luxe de repartir sur une nouvelle mythologie aussi intrigante qu'amusante en vue d'une potentielle saison 2.
Celle-ci ne verra jamais le jour, les trop nombreux errements de la série lui ont été évidemment fatals mais elle aura tout de même réussi à accoucher in fine d'une espèce d'identité bicéphale lors de ces très bons deux derniers épisodes. Entre la comédie de bureau et l'enquête surnaturelle sujette à vannes, "Ghosted" n'aura vraiment jamais tranché et, comme un ultime pied-de-nez, nous aura prouvé qu'elle aurait pu en réalité marcher sur les deux tableaux si les efforts avaient été faits plus tôt.
On en voudra alors encore un peu plus aux auteurs et leur incapacité flagrante à à avoir su définir ce qu'était leur série en amont, le fait de procéder autant à tâtons en cours de production témoigne d'un amateurisme assez surréaliste pour une série censée venir d'un grand network. Heureusement qu'Adam Scott et Craig Robinson ont, eux, eu assez de talent pour nous rendre un minimum comestible le brouillon de série qu'a représenté "Ghosted" pendant ses neuf premiers épisodes ! Sans leur duo, seule qualité constante de la série au final, on serait probablement passé à côté d'une dernière partie de saison en nette progression qualitative et comique. On n'en est pas à pleurer à cause de l'annulation mais on se surprend à se dire que ces deux-là et leurs collègues de bureau vont tout de même nous manquer un peu... La preuve irréfutable qu'ils sont vraiment doués.

RedArrow
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le 16 avr. 2019

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