Hanna
6.3
Hanna

Série Prime Video (2019)

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Une série en pleine croissance qualitative (saison 1)

D'abord, il convient distinguer deux cas de figure : soit vous ne connaissez pas le long-métrage de 2011 dont la série est adaptée et votre ressenti sera probablement tout autre que celui-ci en matière de découverte de cet univers et de son héroïne, soit vous aimez (voire carrément adorez comme l'auteur de ces lignes) le film de Joe Wright et le visionnage de cette réinterprétation de son grand frère cinématographique a de fortes chances de vous laisser un brin perplexe... dans un premier temps.


Sur grand écran, "Hanna" ne brillait pas forcément par la singularité de son intrigue. Après tout, prise indépendamment, il est vrai que l'histoire de cette adolescente élevée en autarcie au fond des bois façon super-soldat afin de préparer sa vengeance envers la dirigeante d'un mystérieuse projet gouvernemental lui ayant enlevé sa mère n'était pas d'une originalité folle. Mais le traitement choisi par Joe Wright pour sa première incursion dans un cinéma d'action faisait toute la différence et donnait au film une identité qui ne ressemblait aucune autre : d'une percussion visuelle assez dingue (le face-à-face d'ouverture entre Hanna et un cerf représentait à lui tout seul le début d'une force de frappe qui ne faiblirait jamais), "Hanna" exarcerbait chaque étape du parcours initiatique de son héroïne grâce à une approche formelle mélant parfaitement le maniement de symboles naïfs de conte de fée (les renvois explicites en ce sens étaient légion), l'impact de la violence de ses scènes de combat ou encore l'innocence des premières expériences de cette adolescente pas comme les autres. En plus de cet équilibre de tons quasiment miraculeux, Joe Wright s'offrait les services d'un casting impressionnant (dominé par une Saoirse Ronan alors en pleine ascension, Eric Bana et Cate Blanchett en antagoniste cruelle) et de The Chemical Brothers pour une superbe bande originale conférant encore un peu plus un caractère hybride unique à "Hanna". Au-delà de son simple postulat de thriller, tous ces ingrédients a priori disparates et mélangés dans un ensemble détonnant faisaient donc office de ciment à cette oeuvre on peut plus singulière et réussie en termes d'approche.


Quand on a entendu parler d'une série dérivée de "Hanna", comme pour tout projet de ce type dont on ne voit pas trop la pertinence de prime abord, un "meh" interloqué nous a traversé l'esprit mais voir le nom du scénariste David Farr, auteur du film, à l'écriture de cette adaptation nous a tout de même rassuré. Après tout, si lui-même était de la partie avec forcément l'ambition de prouver qu'il y avait quelque chose de plus à raconter derrière cette histoire (sur la durée d'une série en plus), on était prêt également à lui laisser une chance de nous montrer de quoi il en retournait. Hélas, dans ses prémices, le moins que l'on puisse dire est que la série va avoir du mal à nous prouver la pertinence de son existence...


Comme on l'a dit en ouverture, les deux premiers épisodes (et une partie du troisième) peuvent faire illusion auprès des néophytes à l'univers de "Hanna" par leur ambition introductive mais, pour les autres, la tâche de les convaincre d'aller au-delà va se révéler bien plus ardue. En effet, pendant plus de deux heures, la série se contente de revisiter les trois-quarts du matériau du film en édulcorant tout ce qui avait son succès en matière de traitement. Oubliées les fulgurances visuelles ou la symbolique de conte de fée, "Hanna" made in Amazon ne se repose que sur son intrigue de thriller conspirationniste comme si elle était la seule à avoir fait le succès du long-métrage et c'est bien entendu loin d'être le cas. Attention, l'ensemble est loin d'être honteux et reste correct mais chaque moment-clé de l'histoire souffre constamment de la comparaison avec l'approche si unique du film. La confrontation avec la cerf, la rupture de la vie en forêt, la rencontre avec un sosie de l'ennemie, l'évasion du bunker, l'immersion dans une "vraie" famille... Tous ces moments sont bel et bien présents dans la série "Hanna" mais, en termes d'impact, ils n'arrivent jamais à la cheville du long-métrage faute d'une proposition vraiment originale et esthétique pour les raconter. Les quelques rajouts à l'intrigue (une vague amourette avec un jeune bûcheron notamment) n'apparaissent pas non plus -pour le moment- comme des preuves absolues de la nécessité de nous narrer une nouvelle fois cette histoire et certains d'entre eux ont une résonance superflue. Par exemple, le flashback introductif aura certes une importance au vu de la construction globale de la série mais, pour l'heure, en dévoilant dès les premières minutes une partie du background général de conspiration gouvernementale, il enlève tout le parfum de mystère autour de la vie recluse de ce duo père-fille, ce qu'encore une fois, le film avait intelligemment évité en nous plongeant directement dans leur existence au sein de cette forêt d'Europe de l'est sans en exposer directement les raisons. Côté casting, c'est un peu comme le reste, Esme Creed-Miles et Joel Kinnaman sont bons mais, eux aussi, ne parviennent à faire oublier la force du tandem formé par Saoirse Ronan et Eric Bana (sans compter qu'Esme Creed-Miles a un physique plus passe-partout que son modèle, ce qui n'arrange rien). En fait, et c'est une des principales raisons qui va nous faire tenir pour la suite, seule Mireille Enos réussit l'exploit d'inverser cette tendance en nous scotchant à l'écran à chacune de ses apparitions teintées d'une menace froide et lourde de conséquences, elle parvient même à faire oublier Cate Blanchett dans le rôle en quelques scènes et ce n'était pas une mince affaire ! Cela dit, difficile à elle de faire tout le show, surtout lorsque l'on découvre son sous-fifre, si génial de bizarreries dans le film entre ses survêtements Sergio Tacchini, ses manières précieuses et son sifflotement entêtant ("The Devil Is In The Details" évidemment signé The Chemical Brothers) mais, ici, réduit à un simple rôle de larbin lambda.
Ce dernier pourrait donc cristalliser tout le problème de ces deux premiers épisodes (et demi), c'est-à-dire nous raconter la même chose que le long-métrage sans en atteindre l'excellence. L'exécution n'est pourtant pas si mauvaise mais elle frise perpétuellement la banalité à tous les niveaux tout en ayant le plus grand mal à démontrer la plus-value éventuelle que pourrait apporter cette série à la quête d'Hanna sur ses racines...


Tout va peu à peu commencer à changer au cours de l'épisode 3 mais cela va prendre du temps. À partir de ce moment, la série va vraiment révéler sa véritable nature de réinterprétation du film partant de l'exacte même base mais en changeant complètement la nature de la dernière partie. Film oblige, l'affrontement ultime du trio Hanna/Erik Heller/Marissa Wiegler avec, en toile de fond, la révélation des origines de l'adolescente manquait quelque peu de développements et, bien conscient de cela, David Farr va se servir du reste de ce nouveau format pour approfondir la question.
Bien lui en a pris car, dès que la série cherche à s'émanciper du film, elle franchit enfin un palier qualificatif. Cela ne se fait pas d'un épisode sur l'autre et quelques facilités gangrènent encore l'ensemble mais "Hanna" construit petit à petit sa nouvelle voie (et voix) au cours des épisodes 3 à 6 en dessinant les enjeux et les contours de cette "famille" composée de la figure paternelle d'Erik Heller pris entre le dilemme de préserver Hanna et sa vengeance venue d'un passé dont il ne s'est jamais remis, celle déviante mais bien maternelle de fait d'une Marissa Wiegler en pleine remise en cause face à l'abomination de ses actes et d'Hanna, leur enfant super-guerrière découvrant ce qu'elle devrait normalement vivre à son âge à travers les hauts et les bas d'une amitié adolescente.
Pendant cette longue phase d'élaboration vers ce qu'elle sera amenée à devenir, la série va enchaîner des rebondissements (et des raccourcis) somme toute assez classiques de ce type d'intrigue pour séparer ou réunifier les protagonistes de ce trio infernal mais elle va surtout les développer un à un par leurs différentes interactions et réussir à leur donner une autre ampleur, ce qui va d'ailleurs enfin permettre à leurs interprètes de s'imposer dans la peau de leurs personnages. Plutôt fade au début, Joel Kinnaman a désormais du matériel pour s'exprimer et commence à réellement donner du corps à sa version d'Erik Heller et ses démons intérieurs, Esme Creed-Miles convainc de plus en plus en Hanna perdue entre son désir de normalité et le retour de bâton permanent lui rappelant qu'elle ne le sera jamais et Mireille Enos, dans la droite lignée des premiers épisodes, nous régale de l'humanisation progressive de Marissa Wiegler au fur et à mesure qu'elle se rapproche de sa cible. Bref, si la série n'est pas encore exempte de défauts dans son déroulement ou même visuellement (les scènes de bastons sont beaucoup trop anecdotiques), force est de constater qu'elle s'améliore considérablement dans le but de faire vivre ses personnages...


Définitivement débarrassé de l'ombre du film, le dernier acte de la série (les épisodes 7 et 8) va enfin révéler le meilleur de la longue mise en place de cette nouvelle direction scénaristique.
Avec des protagonistes désormais à leur apogée de développement, "Hanna" n'a pu qu'à les confronter à une nouvelle donne, réminiscence de leur passé commun dominé par un adversaire particulièrement acharné (parfait Khalid Abdalla) et double maléfique d'une Marissa en cours de transformation. Entre la sensibilité de la relation d'Erik et Hanna à son firmament, la découverte d'un nouvel environnement offrant à la série un cadre psychorigide à la lisière du fantastique et des confrontations qui tiennent une partie de leurs promesses (tout n'est pas encore parfait mais la série assure quand même plus le spectacle à ce niveau et on a hâte de voir Marissa passer plus à l'action vu la manière dont elle se débarrasse de deux ennemis), cette dernière virée sur les traces d'un passé qui se refuse à mourir pousse "Hanna" dans des sphères passionnantes et vibrantes qui nous laissent augurer de belles choses pour l'avenir, surtout du point de vue de la dynamique d'un nouveau duo avec l'arrivée du personnage incarnée par Yasmin Monet Prince et de leurs agissements futurs pour sauver les leurs.
Devant cette conclusion (qui n'en est une que sur certains aspects), la série est parvenue astucieusement à exalter la sensibilité et notre attachement vis-à-vis de ses personnages en les confrontant à un nouveau groupe qui, lui, est ironiquement en lutte pour réfréner ses émotions. Et ça a marché, "Hanna" a dépassé nos espérances en terminant sur une plus que bonne et alléchante note quant au contenu d'une potentielle saison 2...


Des débuts plus que laborieux et une mise en place trop longue de ses nouveaux enjeux mais nécessaire au vu de l'aboutissement convaincant de la dernière partie, on peut dire que "Hanna" est passé par tous les niveaux pour trouver son chemin. Toutefois, dès lors que la série a démontré une vraie volonté de s'affranchir de son modèle cinématographique, la progression qualitative n'a été que croissante. Il reste de nombreux points à corriger (si la série trouve un réalisateur capable de dynamiter ses scènes d'action, ça peut même être une petite bombe !) mais les personnages, leurs parcours respectifs et cette furieuse envie de découvrir la suite des événements nous font pardonner ce long moment de recherche de personnalité. Si on devait rester sur la bonne impression des derniers instants, on lui attribuerait sans doute la note de 7/10 mais il est tout de même dur d'ignorer cette phase introductive très inégale (d'où ce 6/10).
En l'état, peu de séries peuvent se targuer de nous avoir donner autant envie de découvrir leur saison 2, c'est donc que le pari est en partie gagné malgré les défauts. Il ne reste plus que celle-ci se concrétise car sinon "Hanna" restera comme un espoir qui n'aura jamais pu prouver sa véritable grandeur...

RedArrow
6
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le 1 avr. 2019

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RedArrow

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