Heartstopper
7.3
Heartstopper

Série Netflix (2022)

Voir la série

Place espoir (Tim Dup) : https://youtu.be/3veiQCWJFdA

Elle a vu tant de paix, de pensées, de colère. Elle a vu tant de plaies et d'amères prières. Elle a vu tant de mains se joindre et se serrer pour ne jamais s'éteindre, ne jamais oublier. Elle a vu tant de peurs et tant de questions. Elle a vu tant de bruit, tant de résolutions. Elle a vu tant d'ombre, de lumière et de buée, d'artifices et de pluie, de vitrines et de verre... pilé. Elle a vu tant de toi. Elle a vu tant de moi. De vies énigmatiques. Place de la République.

Trois ans après ma dernière critique sur le site (qui sont passés en un claquement de doigts, mais ça c'est une autre histoire), je prends une nouvelle fois la plume pour écrire sur un sujet qui me tient à coeur et qui ne va pas encore toujours de soi, j'y reviendrai. En fait, je ne me sens légitime dans l’exercice de la critique qu’en faisant écho à mon histoire, en confrontant l'oeuvre avec mon expérience personnelle de la vie et en nouant des associations entre les deux. C’est d'ailleurs précisément pour cette raison que je mettrai un jour par écrit mes pensées sur Le Conte de la princesse Kaguya (mon film préféré) et Quelques minutes après minuit. Mon rapport aux histoires, que l'on se raconte à soi-même ou qu'on nous narre, pourrait tenir dans cette réplique du film Paprika de Satoshi Kon qui me reste indéfectiblement en tête depuis que je l'ai vu :


De la fiction naît la réalité.

La fiction, les histoires et l'art en général ont un pouvoir sur le réel. Ils peuvent le façonner et contribuer à impulser des dynamiques transformatrices, et si ce n'est pas à l'échelle collective (et encore moins sociétale), au moins individuellement. Mais qu'est-ce que le collectif finalement sinon une somme d'individus ? C'est peut-être naïf mais il y a une part de moi qui y croit sincèrement.


Cette "critique" (qui n'a de critique que le nom, disons-le) se veut plus une succession de réflexions déroulées au fil de ma pensée chaotique et mises bout à bout qu'un tout bien agencé et structuré.

Considérations éparses sur l'importance de la représentation

Ce n'est pas tant l'oeuvre en elle-même qui va m'intéresser ici mais plutôt sa portée et ce qu'elle incarne.

S'il a fallu un petit temps d’adaptation au lecteur de longue date du webcomic que je suis (j'ai en effet commencé à le lire sur la plateforme Tapas début 2017 !), certaines situations qui passaient bien en BD se prêtant moins à leur transposition en série avec des acteurs en chair et en os (auxquels il faut également s'habituer), d'où un petit côté légèrement cringe parfois mais qui se dilue très rapidement (en réalité, je ne l'ai ressenti que lors du premier épisode), j'ai finalement très vite été happé par la série. Je ne vais pas revenir non plus sur les quelques infimes différences qui existent entre les deux oeuvres, si ce n'est qu'il y a un peu plus de drama dans la série pour tenir le spectateur en haleine (cela correspond principalement à la difficulté de Nick à assumer ouvertement son amour pour Charlie), car c'est Alice Oseman (l'autrice du webcomic et de plusieurs romans pour jeunes adultes également) qui s'est chargée de l'adaptation qui est donc parfaitement fidèle à l'esprit de la BD.


L'épisode 3 (celui de la fête chez Harry) est sans nul doute la meilleure illustration possible de l'importance de la représentation. Dans cet épisode en effet, Nick est inspiré par le courage de Tara et Darcy qui dansent toutes les deux à la fête et qui finissent par s'embrasser au milieu de la foule. C'est ainsi grâce à leur geste et à leur courage qu'il va lui-même trouver au fond de lui le courage d'accepter ses sentiments pour Charlie. C'est un moment qui est particulièrement bien mis en valeur par la mise en scène qui ne cache d'ailleurs nullement ses intentions et ses ambitions en déclinant le prisme des couleurs de l'arc-en-ciel qui viennent entourer le couple.


Toujours dans cet épisode, il y a également un bel emploi des couleurs chaudes et froides avec une transition du bleu vers le rouge / rose qui illustre de manière assez simple mais non moins efficace le tiraillement de Nick entre ce qu'il a toujours connu, à savoir son groupe d'amis dans lequel il n'arrive pourtant pas à être vraiment lui-même (incarné par le bleu), et l'inconnu et la nouveauté que représentent Charlie ses sentiments naissants pour ce dernier (le rouge donc).


Dans l'épisode 6 cette fois, Nick et sa mère regardent Pirates des Caraïbes et c'est une scène intéressante parce qu'elle montre bien l'influence des médias au sens le plus large du terme et des personnalités / icônes sur les individus. On voit en effet Nick contempler Keira Knightley puis Orlando Bloom tandis qu'il prend de plus en plus conscience de sa bisexualité. Je veux dire, qui n'a jamais eu au moins un crush sur une célébrité ? J'ai ici une pensée pour Eva Green et Helena Bonham Carter notamment... C'est pour moi quelque chose de sain et en l'occurrence d'assez révélateur et de bénéfique lorsqu'on se rend compte qu'on n'est pas comme la norme. On voit également l'adolescent chercher sur internet des films LGBT et visionner des vidéos sur YouTube de personnes qui sont comme lui mais qui ont déjà fait le chemin qui se trouve encore devant lui à ce moment-là. Nick est alors motivé par une envie de représentation, et si tout le monde ne la ressentira pas forcément, la plupart des personnes concernées vous diront à quel point ça a pu les aider dans des moments de doute sur elles-mêmes par exemple. Tout ça montre bien qu'aujourd'hui, internet est évidemment une source d'informations précieuse pour tout adolescent en construction.


A un moment donné, Nick fait le fameux test sur internet pour savoir si on est gay. Bon, comme beaucoup de gens je crois, je suis aussi passé par ce test et plus d'une fois. Si le coming out est souvent vu comme une étape obligatoire (bien que de moins en moins chez la nouvelle génération qui n'en voit plus forcément l'utilité), l'étape du "coming in" est peut-être plus importante encore. C'est un processus qui est d'ailleurs très bien relaté dans ce podcast (https://youtu.be/-VzzPunOfAg) et dans la BD du même nom adapté de celui-ci. Car si j'ai su très tôt que j'étais attiré par les garçons, j'ai mis très longtemps avant de l'accepter et de l'intégrer pleinement. J'avais l'impression de devoir choisir entre les filles et les garçons, que ça ne pouvait pas être les deux. C'est un préjugé tenace sur la bisexualité, mais il y a une forme de libération dans la compréhension du fait qu'on n'a pas à choisir, que ce n'est pas parce qu'on est en couple avec une fille par exemple qu'on aimera des filles toute notre vie (et donc qu'on devient hétéro par la même occasion).


Par ailleurs, Heartstopper met bien en lumière les problématiques rencontrées par les couples homosexuels, parmi la peur du regard des autres lorsqu'on témoigne de son affection en public, le calcul des moindres faits et gestes car tenir la main de son partenaire ou l'embrasser dans la rue n'est jamais sans risque, c'est un acte presque politique. Cette idée est d'ailleurs illustrée par la scène où Charlie et Nick vont au cinéma avec les amis de ce dernier. Le film qu'ils vont voir est un film d'horreur avec des jumpscares, ce qui fait justement écho à la crainte du couple d'être vu en train de se tenir la main par le "pote" homophobe de Nick.


Si la série traite en effet de l'homophobie, elle n'en fait pas son fer de lance pour autant ni son sujet principal qui est bien la relation progressive et surtout positive entre Charlie et Nick. Et l'homophobie qu'elle met en avant est d'ailleurs une homophobie banale, presque "anodine" (ça ne l'est jamais en réalité), qui renvoie et réduit Charlie à son orientation sexuelle. Ce sont des insultes, des remarques qui blessent, des piques qui transpercent au détour d'une phrase, des regards de travers ou des commérages, bref une accumulation de "petites choses" qui font qu'on peut tout à fait ne pas se sentir à sa place ni en sécurité.

Et c'est bien de cette représentation, frontale mais surtout positive et bienveillante, dont on a besoin, pas de celle où un personnage mentionne au détour d'une ligne de dialogue ou d'une micro-séquence son partenaire du même sexe (coucou Pixar avec En avant et Marvel avec Endgame).


Heartstopper se démarque également par la place accordée aux personnages secondaires qui ont une existence à part entière et qui incarnent peut-être le mieux cette notion de diversité revendiquée par l'oeuvre d'Alice Oseman. Si au début, dans les premiers épisodes, tout ou presque tourne autour de Charlie et de son béguin pour Nick, ils finissent par gagner en consistance et par faire l’objet d’une belle et réelle mise en lumière (par exemple la difficulté de Tara après son coming out qui doit faire face aux réactions négatives de certaines filles de son école et sur les réseaux sociaux). Le personnage d'Elle en est peut-être même le meilleur exemple car la série n'insiste jamais sur le fait qu'elle soit une fille transgenre, on le devine par petites touches successives.

On est donc loin d'un pinkwashing à la J.K. Rowling. Si j'ai pu la défendre au début de la polémique à son égard, j'avoue avoir jeté l'éponge devant son obstination : justifier des positionnements qui blessent les personnes trans, en refusant de les reconnaître pour ce qu'elles sont, par une expérience personnelle relève de la malhonnêté ; même si la nuance m'oblige à reconnaître que tout n'est pas à jeter dans son propos, notamment les cas de détransition qui, s'ils sont beaucoup plus rares que ce qu'elle laisse entendre, ne doivent pas être tus au profit des personnes auxquelles la transition profite vraiment ; mais utiliser ces cas exceptionnels pour ne pas rendre la vie des personnes trans plus facile relève de la mauvaise foi la plus vile qui soit et est indigne d'une personne de sa renommée et de son intelligence. On est loin également du trope du meilleur ami gay qui n'existe que pour le personnage principal, d'ailleurs dénoncé avec beaucoup d'humour dans cet épisode de la série Encore vous ? de et avec Alex Ramirès : https://youtu.be/BPKNHLLq6ws


Comme je le disais plus haut, Heartstopper était un webcomic avant d'être une série. Je me suis d'ailleurs tourné vers les webcomics à une période de ma vie par manque de représentation dans les autres médias. Je pense pouvoir dire que leur lecture a contribué à m'aider dans ma construction, dans la lente prise de conscience de ma bisexualité. D'autant plus qu'il s'agissait là aussi d'une représentation positive, loin des drames véhiculés par le cinéma (même si ça fait de très beaux films que je suis le premier à apprécier hein). Mais bon, reconnaissons qu'un film comme Brokeback Mountain n'est pas le mieux placé pour aider un homosexuel à croire en l'amour et en l'avenir.


Si je me reconnais évidemment dans le personnage de Nick pour son parcours d’acceptation de sa sexualité, je me reconnais aussi en Charlie pour la thématique de santé mentale qui sera abordée plus tard dans l’histoire (il y a d'ailleurs quelques indices en mode foreshadowing dans la série). Une fois la relation entre Charlie et Nick bien établie, le récit de Heartstopper tend en effet à se densifier une fois en affichant davantage d'ambitions, j'espère donc qu'on aura droit à plusieurs saisons pour la série car le matériau de base le permet.


Je tiens également à souligner l'influence des personnalités publiques, artistes, sportifs, etc. qui assument publiquement et parlent ouvertement de leur homosexualité, transidentité, etc. car si eux y arrivent, pourquoi pas nous ? Ce sont des modèles voire des icônés, ils nous inspirent et nous donnent du courage en activant chez nous une certaine forme de vie par procuration et de projection pour notre propre vie.


L'histoire même de la création de Heartstopper et de son évolution symbolise l'importance de la représentation. En passant du webcomic à la série, on est en fait passé d'un public de niche à une large audience, la dynamique est totalement différente. D'autant plus que la série n'est pas distribuée sur n'importe quelle plateforme mais sur Netflix, qui a une portée et une visibilité considérables puisqu'elle cible un large public, notamment de jeunes. En termes d'audience, l'adaptation du webcomic ne pouvait pas espérer mieux que d'atterir sur Netflix.


Avant les webcomics, il y a eu la phase fanfictions (qui fait partie des heures sombres de mon histoire même si je ne regrette rien) qui inventaient des relations homosexuelles entre des personnages qui n’étaient clairement pas gays, c'est dire à quel point on en est réduit par manque de représentation haha !


Pour ceux que ça intéresserait (lol), voici une petite sélection de webcomics parmi ceux qui m'ont le plus marqué :


Finalement, Heartstopper est une série qui donne follement envie de tomber amoureux, et surtout de vivre un amour réciproque. J’ai été amoureux trois fois dans ma vie. Deux filles, un garçon. C'était à chaque fois un amour non réciproque ou impossible. Mais je crois toujours en l’amour et j’y crois d’autant plus fort quand je lis une BD et regarde une série comme Heartstopper.

C'est une oeuvre qui rend heureux et qui fait beaucoup de bien, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle est si bien accueillie par les personnes LGBT auxquelles elle s'adresse en premier lieu. De nombreux témoignages après le webcomic et surtout la série (car encore une fois touchant un public plus large) vont ainsi dans ce sens, avec des personnes qui ne se sentent plus honteuses de leur sexualité, qui se sont finalement acceptées grâce à la série, qui ont de nouveau confiance en un avenir plus radieu. D'où l'importance des modèles pour se construire, que cette construction se fasse en adéquation ou en opposition avec ceux-ci, et c'est valable pour tout le monde. Après tout, les détracteurs de la question LGBT sont les premiers à dire qu'on a besoin d'un papa et d'une maman pour se construire en tant qu'individus. Donc de la même façon, on a besoin de visibiliser les personnes et les contenus LGBT pour se construire en tant que personne n'appartenant pas à la norme. CQFD.



Les gays seraient-ils partout ? Seraient-ils là, dans les campagnes, dans les villes et sur les réseaux sociaux ? 

Bah oui, la question mérite d'être posée, ils gagnent même Disney, le bastion des valeurs familiales traditionnelles, Marvel et compagnie avec une censure des séquences en question dans les pays homophobes : pinkwashing par excellence où les idées "progressistes" sont sacrifiées sur l'autel du dieu-profit. On ne va quand même pas aller au bout de notre démarche si c'est pour se priver du box-office de pays comme la Chine ou la Russie (ces beaux pays des droits de l'Homme) ! L'idéologie LGBT gagnerait donc du terrain et menacerait notre monde moderne, rien que ça. Il faudrait ainsi lutter contre, il en va de la survie de notre civilisation. Mais ça veut dire quoi lutter contre ? Eh bien c'est très simple. Lutter contre, c'est lutter contre le recul du taux de suicide plus élevé chez les personnes LGBT et surtout chez les personnes transgenres où il explose, c'est lutter contre la diminution des agressions et du harcèlement dont elles sont l'objet, c'est lutter contre leur normalisation et favoriser leur marginalisation et leur précarisation. Lutter contre sous prétexte de protéger les enfants, c'est considérer que ces personnes sont anormales (dans le sens négatif du terme) et amorales, avec parfois des anologies foireuses et révoltantes avec la pornographie. 


Ceux qui diront que c’est de la propagande LBGT, comme ça a été dit pour les courts-métrages In a Heartbeat (https://youtu.be/2REkk9SCRn0) et Out (https://youtu.be/OkLZN0ziLuI) (lisez les critiques négatives sur SensCritique, c'est édifiant), sont évidemment les premiers à ne pas être concernés par cette représentation et à se foutre royalement de l’effet positif et salvateur que cela peut avoir sur les personnes qui sont réellement concernées. Pour crier à la propagande il y a du monde, mais quand il s’agit de s’intéresser aux enjeux et à la santé mentale statiquement plus fragile de cette population (1) il n’y a plus personne. C’est comme les personnes qui dépensent une énergie folle pour empêcher les femmes d’avorter et qui ne s’émouvront jamais de la précarité du vivant. On accorde plus d'importance à un ovule fécondé, à l'idée de la vie, qu'à la vie réelle. Les "pro-vie" ont du sang sur les mains, car le nombre d'avortements est sensiblement le même dans les endroits où c'est autorisé et ceux où c'est interdit, hors le nombre de femmes qui en meurent là où c'est interdit est élevé. Anti propagande LGBT oui, mais soutenir les personnes LGBT il ne faudrait pas pousser mémé dans les orties hein, il ne s’agirait pas que nos enfants soient contaminés... euh je veux dire influencés. 


Ces mêmes personnes ne s’émouvront jamais du taux de suicide plus élevé chez les personnes LGBT, n’en parleront jamais. Parce que ça ne les intéresse pas. Parce que sous couvert de liberté d’expression et de protection de la jeunesse, on peut justifier les pires atrocités. Mais depuis quand protéger la jeunesse inclut d’en exclure une partie et de mettre cette dernière en danger ? Mieux vaut construire un monde dans lequel être LGBT n'est pas un problème.


Amour censure (Hoshi) : https://youtu.be/nCKtYXIh1Ac

Oui je suis indigné quand des tristes sires comme Le Pen ou Zemmour s’opposent par exemple à la PMA pour toutes et avant ça au mariage pour tous. Ils sont les premiers à dénoncer une idéologie LGBT quand eux-mêmes sont embourbés dans une idéologie mortifère, elle, car ces gens là ne sont jamais allés au chevet des familles homoparentales pour voir comment ça se passe, si les enfants sont plus malheureux, manquent de repères comme ils se plaisent à le dire (on rappelle qu'aujourd'hui c'est 1/4 de familles monoparentales en France, ça va en faire des enfants en manque de repères, aïe). Leur positionnement repose sur une idéologie, jamais sur des faits. Et quand Le Pen a l'outrecuidance de parler de mensonge d’Etat pour la PMA pour toutes, ça me fait doucement rire car elle confond alors, sciemment hein, parents et géniteurs et dans ce cas un couple hétérosexuel qui a bénéficié de la PMA n’est pas plus les parents de leur enfant qu’un couple homosexuel vu qu’il y a dans les deux cas recours aux gamètes d’un donneur. Donc si elle veut être rigoureuse, elle interdit aussi la PMA pour les couples hétérosexuels, mais ce n’est évidemment pas là que réside le fond du problème. Ces personnes ne vont jamais dire qu’elles sont homophobes, mais tous dans leurs actes (votes au Parlement européen et à l’Assemblée nationale, on n'oublie pas, Macron aura au moins eu ce mérite lors du deuxième débat de l'entre-deux-tours de la renvoyer à son imposture, à son incompétence crasse et à son inutilité notoire) et leurs paroles le crient. Seulement, ils sont suffisamment intelligents (croyez-moi bien que ça me coûte de le dire) pour la camoufler derrière de jolis mots, des sophismes qui derrière vont légitimer les violences envers les personnes LGBT. Il faut arrêter de croire que nos actes et surtout nos paroles sont sans conséquence, qu'ils sont déconnectés de la réalité alors qu'ils s'inscrivent dans un même système complexe où tout est imbriqué. De la même façon, on ne peut pas défendre la théorie du grand remplacement et s'en laver les mains quand des gens s'en servent pour commettre des attentats terroristes (et non une simple "fusillade", bien essayé BFMTV).


A une époque où on a débattu du mariage pour tous pendant des mois (un scandale si vous voulez mon avis, qu’un tel sujet ait occupé l’espace médiatique et parlementaire aussi longtemps alors qu’il touche une frange minoritaire de la population, que le reste s'en fout, et qu’il ne devrait même pas être un sujet de débat), où on a entendu tous les avis même les plus abjects s’exprimer sans vergogne, la représentation est importante, oui. Perso, j’attends toujours que la colère de Dieu s’abatte sur la France.


Donc oui, toute cette diatribe pour dire que la représentation (positive) est importante parce qu'elle nous montre qu’on est certes susceptible d’être confronté à des difficultés en raison de notre orientation sexuelle ou de notre identité de genre, mais qu’on peut être heureux malgré tout. Elle normalise (c'est ce qui est fait avec le personnage d'Elle qui est trans, ce qui est un "non sujet" dans la série) et tend à changer peu à peu les mentalités sur le long terme. Je ne crois malheureusement pas qu'on arrivera à éradiquer l'homophobie, qui est à mon sens symptomatique du rejet de l'être humain envers tout ce qui est différent de lui, et la chose se complexifie quand les religions s'en mêlent (vous voyez la situation dramatique des femmes en Afghanistan avec le retour des talibans au pouvoir, imaginez un peu celle des personnes LGBT). Mais je crois fermement qu'on peut arriver à un point où elle est marginalisée et surtout ridiculisée, ringardisée. Il n'y a que comme ça qu'on empêchera les agresseurs de se sentir légitimes voire dans leur droit lorsqu'ils s'en prennent à des personnes LGBT, et ce même s'il y a un défaut d'éducation (qui reste le principal levier d'action pour modifier les choses) à la base. Comme d'autres sujets de société tout aussi importants, la honte doit changer de camp. 


Est-ce que ça veut dire pour autant qu'il faut accepter toutes les dérives identitaires ? Je ne le pense pas. Dérives dans lesquelles la série tombe d'ailleurs à un moment donné, et c'est regrettable, lorsque Charlie dit que ses amis ne peuvent pas comprendre sa situation (notamment le fait de se voir en cachette avec son petit copain) parce qu'ils ne sont pas gays. Ceci étant dit, attention toutefois à ne pas lever bêtement le bouclier de l'universalisme. Car sous couvert d'universalisme, je trouve qu'on ferme volontairement les yeux sur des problématiques qui touchent certaines catégories de personnes et pas d'autres. Je le vois comme un terme parapluie galvaudé. Oui des homosexuels sont parfois piégés sur des applis de rencontre puis tabassés pour le seul motif de leur homosexualité. Oui les personnes transgenres doivent lutter dans une société qui les freinent dans l’affirmation de leur identité ; elles sont plus exposées aux violences et aux insultes. Oui la dépression et le suicide sont plus fréquents dans cette population. L'universalisme est une très belle idée en soi, mais ça reste justement une idée qui est à ce titre éloignée de la réalité. Car bien souvent, quand on parle d'universalisme, on refuse de voir ce qui ne va. Ce sont alors des oeillères qui nous font croire que tout va bien dans le meilleur des mondes et que nous sommes tous égaux. Le communautarisme n'est pas l'ennemi de l'universalisme, il ne l'a jamais été, il s'agit simplement d'une réponse / conséquence à sa défaillance.


Le problème, c’est le manque d’empathie. On n'a pas besoin d’être gay pour comprendre l’autre et éprouver de la compassion à son égard. Sinon, je plains la femme noire, trans, lesbienne, handicapée, aveugle, sourde et en dépression car elle n'aura personne à qui se confier... Oui je force volontairement le trait mais c'est pour montrer les limites de l'identitarisme. On a juste besoin d’empathie, c’est pas si difficile que ça. Je sais que beaucoup gens en manquent dans ce monde mais ça se travaille.


Mais que cela ne nous fasse pas nous tromper de combat. On vit dans un drôle de monde où l'on s'émeut plus d'un ovule fécondé, du wokisme (le nouveau islamo-gauchisme, le fameux ; si ce concept n'existait pas la droite l'aurait inventé pour justifier ses échecs), de l'écriture inclusive, du pronom "iel", d'une statue déboulonnée, etc. que de vies mutilées, de la précarité d'une frange de la population. On vit dans un monde où on demande aux élèves de "réfléchir" aux effets pervers d'une politique public en faveur de la justice sociale plutôt qu'à ses bénéfices. On vit dans un monde où Greta Thunberg est une des personnes les plus critiquées et insultées au monde. Quand on montre un problème du doigt, le con (et c'est à ça qu'on le reconnaît) se focalise sur le doigt et préfère s'en prendre à un sandwich emballé dans du plastique vu dans une de ses photos plutôt qu'au problème systémique qu'elle met en cause. On vit dans un monde terriblement hypocrite où les extrêmistes ne sont pas ceux qui cherchent à maintenir le statu quo, à faire perdurer un système malade et à bout de souffle, mais ceux qui cherchent précisément à le sauver et à le rend plus juste. Depuis quand des idées prévalent sur la vie, même une seule ? Comment en est-on arrivé là, à justifier l'injustifiable ?

On est davantage obsédé par les idées que par la réalité d'une mise au ban d'une partie de la société. Cela ne veut pas dire ouvrir toutes les portes aux dérives, elles-mêmes minoritaires et issues de sphères sans pouvoir politique comme le rappelle très bien l'article de Mr Mondialisation (2). Si être "woke", c'est oeuvrer pour plus de justice sociale et de justice écologique (les deux étant de toute façon intimement liés), alors ça devrait être une source de fierté et non un objet de honte.


Il n'y a pas de but caché, de machination secrète (genre rendre tous les humains gays, y a quand même des gens qui sont plus inquiets de ça que du réchauffement climatique, et s'il y a bien un scénario où l'humanité est en danger d'extinction c'est évidemment le deuxième), les intentions sont très claires : intégrer les personnes LGBT dans l'espace culturel et donc médiatique pour habituer et à plus long terme normaliser.


Car on sait les conséquences terribles d'une politique anti "propagande LGBT" (coucou la situation en Russie largement dénoncée par Human Rights Watch (3) et en Hongrie notamment). Voilà les conséquences délétères d'une telle loi. Elle augmente la violence envers les personnes LGBT, car légitimées par l'appareil d'Etat (4). Mais ses défenseurs et ceux qui voudraient qu'une telle loi soit appliquée en France s'en foutent, tout ce qui leur importe c'est que les enfants et les "valeurs familiales traditionnelles" soient protégés. Il n'y a pas de preuve d'homophobie plus flagrante que celle-là. Se sentir menacé par une minorité sans pouvoir et accuser cette même minorité de pleurer sur son sort est d'une hypocrisie attérante. Quelle indignité, comme dirait un "grand" homme politique.

Ne pas parler d'un tel sujet, ce n'est pas protéger les personnes qui ne sont pas concernées, c'est mettre en danger celles qui le sont (le rapport de Human Rights Watch sur le sujet est d'ailleurs sans appel). Parce que ne pas parler d'un tel sujet, ce n'est pas seulement en faire un tabou, c'est faire en sorte qu'il n'existe pas. D'où la réaction de la prof de danse d'origine russe à la fin du documentaire Petite fille de Sébastien Lifshitz : "Ça n'existe pas en Russie" (en parlant de Sasha et donc de la transidentité). Ne pas parler d'un tel sujet, c'est enseigner que la différence est une mauvaise chose, quelque chose de nuisible et qui mérite donc d'être caché, d'être tu. Et ça tue.


Je rappelle enfin qu'il existe en France une association qui s'appelle Le Refuge et qui receuille les jeunes chassés de chez eux parce qu'ils sont LGBT. Si, si, ça existe encore malheureusement (voici par exemple le témoignage d'un jeune homme à qui c'est arrivé : https://youtu.be/Rl2hLtqxZzw). A ceux qui disent que les personnes LGBT s'apitoient sur leur sort et qu'elles sont beaucoup mieux acceptées aujourd'hui voire que l'homophobie n'existe plus (une petite piqûre de rappel pas piquée des hannetons pour les gens du fond qui ont du mal à suivre : https://youtu.be/iA49Gf3bNXI), pourquoi les agressions continuent à augmenter (5) avec une corrélation évidente entre ces agressions et les débats sur le sujet comme avec le mariage pour tous en 2013 ou plus récemment avec la PMA pour toutes ? C'est bien parce que les discours haineux (mais jamais revendiqués comme tels, pas fous les hiboux) galvanisent les gens qui s'en prennent verbalement et/ou physiquement à ces personnes. Cette croissance des agressions est néanmoins à nuancer par le fait que les gens portent plus facilement plainte aujourd'hui, mais cette raison n'explique pas à elle seule l'augmentation des délits. Avec une loi anti propagande LGBT, que croyez-vous qu'il adviendra de ces associations et des personnes qui en dépendent parfois pour leur survie ? 



Adresse aux suicidés

Je tiens ici à remercier Alice Oseman, à dire merci à toute l’équipe derrière cette merveilleuse série. Les jeunes (et les moins jeunes) d’aujourd’hui ont la chance de pouvoir grandir avec une série comme Heartstopper. Bien sûr, j’aurais pu produire une analyse similaire avec des oeuvres comme Love, Simon, Love, Victor, Pose, Skam ou encore We are who we are, entre autres (bien que dans une moindre mesure selon moi mais je ne vais pas en développer les raisons ici), mais ça se justifiait plus pour Heartstopper qui est initialement un webcomic et qui résonne donc avec mon histoire personnelle. C’est bien la diversité et la multiplication de ce genre de représentation positive qui fera la différence. Plus il y en aura, plus ce sera normalisé et mieux ce sera pour tout le monde, car tout le monde a à gagner de vivre dans un monde où on ne se suicide plus pour le seul motif qu’on est homosexuel ou transgenre. Et les hétéros peuvent aussi être victimes d'homophobie (notamment à l'adolescence). Tous les discours contre les LGBT alimentent la haine à leur égard, et il n'est donc pas moral d'accorder le même crédit, la même attention médiatique, etc. à ces discours. S’exprimer contre les personnes LGBT, c’est encourager le suicide chez cette population. C'est aussi simple et terrible que ça.

N'allez pas me faire dire pour autant ce que je n'ai pas dit, je n'établis aucune corrélation entre le manque de représentation et le suicide. Je dis simplement qu'une représentation positive peut aider à créer un monde où les personnes LGBT s'acceptent plus facilement, se sentent légitimes, visibles et entendues.


Nos actions et nos mots ont un poids, mesurons-le.

Je pense évidemment aux personnes qui ne sont plus là, aux personnes qui se cachent derrière les chiffres et les statistiques qui laissent parfois indifférents alors qu'ils font froid dans le dos. Je pense à vous, vous qui ne lirez jamais ces mots, et je ne peux pas m'empêcher de penser que vous auriez pu trouver votre place dans le monde de demain, que des artistes comme Alice Oseman avec des oeuvres comme Heartstopper contribuent à façonner et à rendre meilleur en voyant la beauté des choses. Dans quelques décennies peut-être, au mieux. Ça aurait valu le coup de tenir bon, mais comment seulement envisager de vous jeter la pierre, de condamner cet acte d'émancipation ultime qui fut le vôtre ? Cet appel à l'aide en réalité, qui n'a pas été entendu, le plus souvent par vos proches qui vous ont rejeté à cause de croyances erronées ou d'une mauvaise éducation, ou trop tard. Moi qui connais si bien ce que vous avez dû éprouver. On ne se suicide pas parce qu'on a envie de mourir, le suicide est au contraire mû par une envie de vivre souterraine, seulement pas dans le monde qui est le nôtre. Alors on prend la seule porte de sortie qu'on arrive à envisager dans ces moments-là et on la claque avec une telle violence qu'elle laisse cois ceux qui sont restés de l'autre côté. C'est une solution radicale à des problèmes qui nous submergent tellement qu'on n'arrive plus à concevoir leur impermanence. Je ne pense pas que le suicide soit un acte fondamentalement égoïste, et s'il l'est, il l'est beaucoup moins que de mettre au monde un enfant. Je sais pour ma part que je ne serai jamais reconnaissant envers mes parents de m'avoir mis au monde, d'avoir décidé d'avoir un troisième enfant, et donc que je ne leur dois rien. Et qu'importe si cela fait de mois un enfant ingrat. Je dois vivre depuis l'adolescence avec des pensées suicidaires qui ne m'ont jamais quitté et qui feront toujours partie de moi. Le suicide a toujours été une possibilité dans un coin de mon esprit, une porte de sortie envisageable (parfois la seule) contre lesquelles je dois lutter quasi quotidiennement. Lorsque mon cousin s'est suicidé il y a maintenant plusieurs années, la tristesse m'a inondé et j'ai alors eu une pensée étrange, celle qu'il m'avait privé de mon propre suicide, car je connaissais désormais le prix à payer pour ceux qui restent, ma tante en premier lieu. Le temps m'aura finalement donné tort, l'intellectualisation et les plus belles idées qu'elle engendre pour tenter de donner du sens aux événements sont bien peu de choses face à la réalité implacable. Peu importe. Je suis encore là alors j'avance. Et j'ai envie de dire aux personnes qui me lisent et qui pourraient avoir ce genre de pensées que non seulement vous n'êtes pas seules mais qu'il y a de belles choses qui vous attentent, alors ne fermez pas définitivement la porte à ces belles choses.


Il peut être bon de rappeler également que des suicides ou du moins des comportements auto-destructeurs (car le terme fait débat) existent chez les animaux lorsqu'ils sont soumis à un fort stress de leur environnement. C'est ce qui me fait dire que les pensées suicidaires sont parfois et je dirais même le plus souvent les émanations non pas d'un esprit malade mais bel et bien d'un monde malade dépourvu de sens.


10 000 suicides en France chaque année. C’est 10 000 de trop. 10 000 personnes exclues d’une société faite pour la majorité et non pour tous. La dictature de la majorité a un prix, et c’est celui de tous ces morts, car un suicide est toujours évitable, qu'il soit dû à une maladie mentale (la dépression, le burn out, la bipolarité, la schizophrénie, etc.) ou à un élément extrinsèque comme le harcèlement par exemple. Je pense à vous. Et je pleure. Car vous n'aurez plus l'occasion de voir que la vie peut être belle, que les nuages cachent le soleil (j'aurais dû me lancer dans la poésie moi). Il ne me reste donc plus qu'à citer Blanche Gardin (oui, cette "critique" n'a aucun sens), pour remplacer les larmes par le rire :


T'imagines tu te suicides et boum, y a une vie après la mort en fait. Euh... Encore cette merde ? C'était pas le projet en fait. T'as intérêt d'aimer la vie si tu te suicides en fait, parce que c'est peut-être pour toujours que tu te la cognes après.

De la fiction naît la réalité. Peut-être que de la fiction naîtra un jour une réalité où être LGBT ne sera plus un problème ni même un sujet en soi. Des oeuvres comme Heartstopper aident à cela et font leur part. Ça paraît dérisoire mais ça ne l'est pas, il suffit de lire les témoignages qu'ont suscité la série et avant elle le webcomic pour s'en rendre compte. A l'espoir vain, je préfère l'espoir vainc. Car après tout, "qu'est-ce qu'un océan sinon une multitude de gouttes d'eau ?"


Sources


1 : https://www.franceinter.fr/sexualite/les-personnes-lgbt-subissent-plus-de-discriminations-et-ca-a-des-repercussions-sur-leur-sante

2 : https://mrmondialisation.org/wokisme-le-nouveau-fantasme-des-reac-pour-rester-dans-le-deni/

3 : https://www.hrw.org/fr/news/2018/12/11/russie-la-loi-sur-la-propagande-gay-met-des-enfants-en-danger

4 : https://www.levif.be/international/russie-les-violences-contre-les-homosexuels-augmentent-encouragees-par-letat/

5 : https://www.vie-publique.fr/en-bref/274352-hausse-des-injures-et-violences-caractere-homophobe-ou-transphobe

Edelwice
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 mai 2022

Critique lue 140 fois

3 j'aime

2 commentaires

Edelwice

Écrit par

Critique lue 140 fois

3
2

D'autres avis sur Heartstopper

Heartstopper
DocteurBenway
4

L'enfer est pavé de bonnes intentions

"Heartstopper" c'est d'abord une bd d'une jeune auteure, Alice Osman, qui prend pour personnages principaux Nick & Charlie, 2 protagonistes issus de son premier roman écrit à l'âge de 17 ans. Le...

le 12 mai 2022

14 j'aime

Heartstopper
angie2004
10

Je suis désolé ca va être très long mais j'ai beaucouq aimé cette série

J'avoue je l'ai regardé parce que j'en avait entendu vaguement parlé sur Tiktok et je ne savais pas quoi regardé. Ce qui devait être 2 épisode pas plus c'est transformé à regardé la série toute la...

le 14 déc. 2022

9 j'aime

3

Heartstopper
Eyn
8

A-DO-RA-BLE

Bon, c'est une teenage romcom MAIS c'est très bien réalisé et séquencé. Les personnages sont très attachants (et les bully, très têtes-à-claques), les questions abordées sont attendues mais bien...

Par

le 24 avr. 2022

8 j'aime

Du même critique

The Tree of Life
Edelwice
10

When light is shining through all things

Ce texte se veut être une succession de fragments, mis bout à bout, de réflexions et d'émotions que je souhaitais partager (merci à Thekla et à Colorful_S pour m'avoir poussé à publier mon avis en...

le 28 mai 2019

38 j'aime

6

Boy Erased
Edelwice
8

Boy Repressed

Ce qui devait initialement être une critique du film s'est transformée en réflexions générales sur la religion chrétienne et l'homosexualité, avec des passages où je fais allègrement étalage de ma...

le 15 janv. 2019

37 j'aime

11

Liz et l'Oiseau bleu
Edelwice
8

A la poursuite de l'oiseau bleu

Cette critique peut contenir des spoilers concernant la personnalité des deux personnages principaux, Mizore et Nozomi, et la nature de leur relation. disjoint doublereed, girls, i C’est au sein du...

le 6 avr. 2019

27 j'aime

11