Kanye West et son documentaire. Très long documentaire Netflix. Avec celui d'Orelsan ou celui de Dr Dre et de Iovine (très bon lui- aussi), on dirait bien que c'est à la mode de retracer la gloire et l'ascension de ces rappeurs, nouveaux coqueluches de la pop depuis 10 ans.
Kanye West, c'est surtout un fou de musique. De rap. Un mec des années 70 et 80, qui a grandi avec le tout- New- York dans les oreilles, c'est d'ailleurs pour ça qu'il vénère Nas, peut- être sa plus grande idole. Entre une maman qui a pas trop mal réussi en tant que prof et qui l'a éduqué à devenir un champion, la religion omniprésente, gamin sensible et d'une confiance aveugle, et doublé d'une passion dévorante pour le design et la musique, Ye semble être taillé pour devenir un grand de ce monde.


Et c'est d'ailleurs pourquoi le documentaire est si intéressant, lors de ces 2 premiers épisodes, puisqu'on voit la lente ascension d'un jeune prodige, qui à force de caractère et de travail, arrive à ses moyens. Le "old Kanye", celui des débuts avec ses chaînes, qui se cherche, qui a l'air sympa, qui traîne à New- York et qui essaye de se faire une place entre les pontes de Roc-a-fella. L'ambiance des années 2000 de New- York est assez trépidante, et son pote Coodie Simmons réalise vraiment bien, capturant de beaux moments de ces années de "galère", même s'il était déjà un producteur de rap bien installé.


Dans cette partie, le documentaire prend son temps, les passages entre les différents personnages sont vraiment excellents, et le rythme est très bien tenu. De même, c'est avec nostalgie qu'on revient dans cette époque, où tout le monde était au chevet de Jay- Z, la méga- star. On ne va pas cracher, c'est aussi parce que West a la rage, et veut y arriver par tout moyen. Une belle leçon d'abnégation et de courage. Le documentaire d'ailleurs est aussi très bien rendu, car bien que Kanye West soit le personnage central, on lorgne très vite sur une relation bien plus complexe entre son pote réal et le rappeur, et notre documentariste essaye de décrypter la création en direct d'un nouveau mythe américain, celui de Ye.


La troisième partie, bien que plus sporadique et partielle, est surtout celle d'une tristesse infinie. Ye, qui se pensait roi du monde, protégé par Dieu et sa mère Donda, enfin au sommet de la pyramide, ayant accompli son rêve d'artiste, va se retrouver briser par la mort de cette dernière. On voit bien un avant et un après, et il ne s'en remettra probablement jamais. Il pète les plombs, rencontre la femme la plus célèbre de son temps, fait des interviews qui le placeront comme personnage borderline, est définitivement diagnostiqué mentalement instable et ayant des troubles bipolaires, et réalise un virage mystique depuis quelques années complètement lunaire. Il n'y qu'à voir cette grande ferme perdu dans le Wyoming où il réalise ses derniers albums que quelque chose semble cassé dans le visage de ce génie contrarié, comme si sa boulimie créative est une sorte de rattraper le temps perdu.


Un très bon documentaire sur une longue relation fraternelle entre deux artistes et le parcours de ses 20 dernières années d'une plus grosses stars de la musique et un modeste réalisateur. Niveau objectivité, on peut reprocher à Coodie d'avoir trop lorgné du côté fan plutôt que du simple obervateur éclairé, mais il ne cautionne pas tout ce que Ye fait. Kanye West, malgré toutes frasques et toutes ses failles, est remis à l'honneur : c'est avant tout un artiste, certes torturé, arrogant et bizarre, mais qui a marqué son époque. Et d'ailleurs, malgré un niveau de rap très moyen, reste un producteur de génie. Il n'y qu'à retourner entendre ces albums des années 2000 qui sont des tueries absolues.


L'histoire d'une icone incomprise, bien plus complexe que cela, qui a voulu changer le monde alors qu'il a simplement changé de son côté. Un vrai moment de plaisir, à la fois tendre, intimiste, beau et mélancolique, Jeen- yuhs mérite bien toute la place et la hype que les fans de rap lui réservent. Un très joli documentaire. Jesus Walks.

Mathieu_Renard
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le 9 mars 2022

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Matt  Fox

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