J'ai fini, ce soir, de regarder cette série. C'est un dossier hypra-compliqué, et vous en faire une critique détailée et complète serait fortement laborieux. "La femme Nikita" ne ressemble à rien de ce que j'ai vu jusqu'ici, c'est à certains égards une des meilleures séries que j'aie jamais vu - à d'autres, une des pires. C'est pourquoi je vous propose de dégager d'abord les points négatifs de la série, puis ses points positifs.


a) Les points négatifs


1) La mythologie de la série, très intéressante et parfois très maitrisée, n'en reste pas moins bourrée d'incohérences et d'étrangetés. Il n'y a qu'à regarder la structure et la hiérarchie gravitant autour de la section 1. Aux premières heures de la série, on a l'impression que tout est chapeauté par Opérations, et que les autres sections n'ont aucun intérêt. Ce n'est que plus tard qu'on apprend l'existence de la "Division" et de Georges, son grand patron. Quand Georges entre en scène, les choses se compliquent. Le spectateur ne sait plus qui tient les rênes, et pourquoi les deux bonhommes ne cessent de se tirer dans les pattes. Quand on voit comment Georges est éliminé en fin de saison 4, on se demande même à quel point tous ces jeux de contrôle avaient un sens - ils ont été réglé en quelques secondes, sur le fameux siège de la salle de torture. Bref, le pouvoir est étrangement réparti d'un personnage à l'autre, dans une série de revirements tous aussi confus les uns que les autres.
Et ça ne s'arrête pas là. Au cours de la saison 4, on apprend l'existence d'un certain "Monsieur Jones" qui - ô surprise ! - serait encore plus puissant que les deux autres. AUCUNE mention n'avait été faite de lui jusqu'ici, pas même la plus petite réplique, et il devient soudainement, comme une fleur, comme par magie, le grand manitou.
Ajoutez à ça que Monsieur Jones s'avère, dans la saison 5, être un imposteur, et qu'il s'agit en réalité... du père de Nikita. La conclusion est bonne, et plutôt bien menée, mais si l'on regarde en arrière, un tant soit peu, tout ça ne tient pas. L'apparition soudaine d'un patriarche soucieux de transmettre son héritage, après autant d'épisodes mettant en péril Nikita au sein même de la section, est vraiment difficile à avaler. Certes, le vieil homme explique qu'il avait confiance en les capacités de sa progéniture ; il n'empêche que les risques étaient très élevés, et qu'à plusieurs moment, ni Madeline, ni Opérations ne semblaient vraiment se soucier d'une quelconque hiérarchie susceptible de les freiner dans leur envie d'en finir avec la jeune femme. Quelques statistiques, et ce scénario s'écroule comme un château de carte.
Bien sûr, cette étrange structure n'est pas le seul défaut scénaristique qu'il est possible de percevoir. La série a cette agaçante manie - durant ses quatre premières saisons seulement, puisque la 5 corrige le tir - à sauter du coq à l'âne et à ne pas finir ce qu'elle a commencé. Comme dans une mauvaise passe de "Nip/Tuck", mais à une plus grande échelle, les épisodes s'enchaînent sans fluidité, sans logique, et donc, sans suspens.
Très souvent, vous aurez envie de voir l'épisode suivant grâce au cliffhanger, mais vous n'aurez aucune réponse à vos questions au final. C'est comme si les différentes parties de chaque saison avaient été tournées dans le désordes, et collées ensemble au dernier moment.
Les "événements" de la série sont souvent amenés comme un cheveu sur la soupe. On prendra pour exemple le "fils" de Mickaël, qui apparaît soudainement en début de saison 3. C'est SEULEMENT à ce moment-là que Madeline et Opérations en évoquent l'existence - comme si les scénaristes en avaient eu l'idée pendant les vacances. Quand on sait à quel point Adam joue un rôle dans les événements jusqu'à l'épisode final, la pilule est difficile à avaler. "La femme Nikita" s'avère donc être une série confuse et mal construite, dont le scénario est souvent peu crédible, mal maitrisé et maladroit. Les saisons n'ont pas de véritables cohérence, ne se suivent que dans leurs transitions (qui se permettent au moins le luxe d'avoir une continuité), et donnent l'impression que les scénaristes y sont allés à l'aveuglette. Voici le premier gros défaut de la série.
2) Le deuxième, c'est Mickaël Samuel. Le personnage transporte avec lui tout un lot de tares : dès qu'il entre dans une pièce, il étouffe les autres personnages et les autres acteurs, distillant une sorte de médiocrité dans l'air qui ne va pas en s'arrangeant. Ses scènes d'amour avec Nikita sont souvent niaises et longues : heureusement que Peta Wilson est là, car Roy Dupuis ne fait transparaître aucune véritable émotion.
TOUS les autres personnages sont plus intéressants, de Madeline à Walter en passant par Birkhoff. Mickaël est cliché, souvent détestable, et ne fait que ramollir la série.
3) Une série qui, d'elle-même, est parfois bien molle. Le rythme de "La femme Nikita" peut s'avérer quasi inexistant : il n'est pas rare que le caméraman s'arrête une minute sur un simple décor, comme pour boucher les quelques trous de l'épisode. Recherche artistique ? Volonté de capturer l'instant ? Difficile à dire. Une chose est sûre, on n'est pas toujours pris par l'action - si tant est qu'il y en ait une. Ce manque de mouvement n'est pas compensé par une dynamique dans les relations entre les personnages, puisque tout est lent et froid à la section 1 : on se parle comme des robots, on se dit à peine bonjour, et souvent, on ne s'aime pas. Le show propose de longs moments de haine et de silence, d'hostilité aussi.


Mais dis donc, serait-ce la pire série du monde ? Ces trois points le font penser. Pourtant, non.
De vraies qualités pèsent lourd dans la balance.


1) On mettait, plus haut, le côté froid et hostile de la série en exergue. Ce n'est pas seulement un défaut.
Dans le cadre de l'ambiance générale, c'est même une vraie qualité : "La femme Nikita" est une des rares série à avoir créé un univers qui n'existe que pour lui-même, et qui semble avoir une âme. La section 1 est une entité autonome dont les membres ne sont que de vulgaires pantins. De ce côté-là, la mise en scène est irréprochable : tout au long des cinq saisons de la série, le lieu révèle ses secrets les plus obscurs et nous plonge dans un huis clos aux tons délicieusement noirs. Malgré le rythme peu soutenu et la morosité ambiante donc, le contexte de cette série a une vraie personnalité ; là où d'autres shows se contentent de faire évoluer leurs personnages dans des locaux, "La femme Nikita", au titre trompeur, RACONTE l'histoire de ses lieux, son destin et ses écueils, ses tragédies et ses luttes de pouvoir.
2) Si le scénario est douteux et mal construit, il n'en reste pas moins traversé par des éclairs de génie qu'il est impossible d'ignorer. Cette série, qui date tout de même de 1997, offre un gros lot de bonnes idées qui ont été largement reprises par la suite, que ça soit dans "Alias", dans "24h Chrono", ou dans d'autres séries dont le style est moins proche. En évitant de regarder la série dans sa globalité et les étrangetés incohérentes que j'ai cité plus haut, on peut savourer des épisodes indépendants de grande tenue, et des rebondissements (la mort de Birkhoff, par exemple) particulièrement intéressants. C'est à la loupe et au zoom que "Nikita" s'avère délicieusement atypique, parce que certains épisodes sont de vrais bijoux d'écriture, et parce qu'ils osent ce qu'on avait rarement osé, jusque là, à la télévision. Très souvent, je me suis surpris à oublier les stupidités de la série pour en apprécier les bons moments ; parce qu'alors on savoure ces bons moments, sans bouder son plaisir.
On pense par exemple à l'épisode où Nikita est envoyée dans un bordel de la mort (saison 3), aux double épisode où Mickaël doit séduire une jeune femme pour faire tomber son mari (saison 1 et 2), ou... et c'est là, pour moi, la très grande surprise que réserve la série : à la saison 5 dans sa globalité. Je sais que tout le monde ne partage pas cet avis, mais l'ultime saison rattrape à elle seule de très nombreux défauts rencontrés par le passé, propose 8 épisodes absolument cohérent et corrige, du mieux qu'elle peut, les trop nombreuses erreurs commises depuis le pilote. Rien que pour la saison 5, il faut tout regarder. Si si. Bon, ça ne veut pas dire que tout ce qui vient avant est mauvais. Bien sûr que non. Mais les ultimes péripéties valent vraiment le détour.
3) Il y a un vrai souci artistique dans "La femme Nikita". Si les décors sont parfois tristounets, la réalisation et la musiquent font de cette série une petite oeuvre d'art au budget limité. Même les scènes d'action, petit plaisir coupable des réalisateurs, ont leur charme de temps à autre. Là aussi, la série a posé des bases solides, et les plus grandes séries des années 2000 n'auraient sans doute pas joui du même prestige sans elle.
4) Les personnages sont très bien écrits, ont un profil intéressant et cohérent. Madeline est délicieusement austère, Opérations délicieusement pervers. Birkhoff est toujours plus attachant (jusqu'à sa mort, qui signe l'un des épisodes les plus réussis et les plus bouleversants de la série), Walter est la petite perle du show, tandis que Nikita demeure le rayon de lumière dans cet océan d'obscurité. Seul Mickaël, et je n'y reviendrai pas, est à jeter. Bref, les protagonistes ne sont pas anecdotiques : au contraire, ils sauvent la pauvreté des scénarii.


Nous voilà donc face à une série qui comporte quasiment autant de défauts que de qualités. Elle risque de vous frustrer à plusieurs niveaux, car elle ne répond pas souvent à l'attente d'un spectateur de 2012. Mais si vous avez lu cette critique et ses spoilers, alors vous l'avez sûrement déjà regardée en entier, et vous savez de quoi je parle.
Déroutante, parfois bien menée, parfois fonçant tout droit dans le panneau, "La femme Nikita" reste une pièce maîtresse du paysage audiovisuel, et aura fait de très nombreux petits. Morcelée, confuse, mal écrite de temps à autre, elle finit souvent par retomber sur ses pattes et offre, somme toute, un excercie de style atypique aux allures extra-terrestres, dans un univers hors du temps et figé, où les manipulations sont légion, où la mort est quotidienne, bref, où tout semble possible.

Botwin
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Créée

le 28 févr. 2012

Modifiée

le 1 sept. 2012

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