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À la fin de l’ère des samouraïs, 292 guerriers déchus sont attirés dans un jeu de survie où 100 milliards de yens sont promis au vainqueur.

L’idée est vertigineuse : mêler la dignité agonisante d’une caste ancestrale à une mécanique de compétition féroce, quelque part entre Squid Game, Hunger Games ou Battle Royale. Une promesse ambitieuse, d’autant que la série entend se mesurer à l’ombre gigantesque de Shōgun. Mais la marche est bien trop haute.


Visuellement, Last Samurai Standing frappe fort. Les décors de villages en transition, les paysages brumeux, les tenues minutieusement reconstituées, une très belle photographie et, surtout, les scènes de combats orchestrées imposent un spectacle maîtrisé et impressionnant. Les chiffres confirment cette démesure : près de 70 millions de dollars investis, 1 200 figurants mobilisés sur la saison, un tournage réparti sur six préfectures différentes, et plus de 430 costumes conçus spécifiquement pour l’œuvre. Sur le papier, impossible d’être déçus.


L’un des atouts majeurs du projet tient à la période qu’il explore. Le début de l’ère Meiji, autour de 1868, est l’une des grandes secousses de l’histoire du Japon : une transition fulgurante, où s’effondrent les codes d’un monde féodal vieux de plusieurs siècles au profit d’une modernisation imposée, parfois subie, toujours déchirante. Les samouraïs perdent officiellement leur statut, les sabres deviennent des reliques, et l’identité du pays se recompose dans une tension permanente entre tradition et occidentalisme. C’est une époque dramatique par essence, une époque-charnière où chaque geste, chaque choix semble peser autant que les siècles. En se plaçant dans cette zone de fracture historique, la série avait devant elle un matériau d’une richesse inouïe — un terreau idéal pour la tragédie et pour l’intime.


Et pourtant. La série peine à trouver son âme. Jun’ichi Okada, en plus d’incarner Shujiro Saga, orchestre les combats avec une précision remarquable. Mais cette maîtrise technique se transforme parfois en piège : plutôt que d’émerger du récit, l’action l’interrompt, surgissant comme une démonstration plutôt qu’une conséquence de l’histoire. L’action, au lieu d’être une respiration, devient une obligation. On l’attend parce qu’on sait qu’elle arrive, non parce qu’elle découle naturellement de la narration. Le spectaculaire force la porte, il ne s’invite jamais avec fluidité. On se surprend ainsi à anticiper les affrontements plutôt qu’à écouter les personnages. Les dialogues, souvent plats, n’offrent que peu d’aspérités ; le scénario avance comme un jeu à niveaux, mécanique, prévisible, presque clinique. Là où Shōgun fait naître la tension d’un simple silence, Last Samurai Standing semble craindre la retenue. Et là où Battle Royale ou Hunger Games placent leurs héros face à des dilemmes moraux, ici l’on voit surtout des silhouettes, pas encore des destins.

On en ressort avec l’impression étrange d’une œuvre enfermée dans son propre dispositif. Tout y est, moyens, esthétique, ambition, mais l’ensemble manque de chair, de souffle, de cette vibration subtile qui donne au drame historique sa nécessité. Dans la même veine, les comparaisons avec Kenshin, Golden Kamui ou Blue Eye Samurai ne pardonnent pas : ces séries savent animer leurs mondes sans sacrifier l’humanité sur l’autel du spectaculaire.

Reste l’espoir d’une saison 2. Maintenant que l’univers est posé, que les règles du jeu sont claires et que les masques sont tombés, peut-être la série pourra-t-elle enfin délaisser ses automatismes pour entrer dans une véritable narration. Jun’ichirō Tanizaki disait : « La beauté naît de l’ombre que la lumière n’a pas su conquérir. »

Last Samurai Standing brille, mais n’ose pas encore habiter ses propres ombres.

Bon spectacle donc mais qui manque d'âme et de souffle.

GillesRochet
6
Écrit par

Créée

le 25 nov. 2025

Critique lue 47 fois

Guépard Gordon

Écrit par

Critique lue 47 fois

2

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