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Tant et plus de teenage series entrent en production chaque année, et souvent elles vont accrocher leur légitimité et leur aspect d’inédit grâce à une thématique bien précise.

Le problème est que, trop souvent, cette thématique ne s’avère être qu’une coloration accessoire, qu'un élément escamotable du récit, un simple décor dans lequel on ressert les mêmes mécanismes narratifs déjà utilisés et galvaudés.

Voyons ailleurs : Dans Queen's Gambit, la spécificité thématique est claire : les échecs. Il se trouve que la mini-série contient de vraies parties d'échecs, certes ellipsées mais qui ont une authentique progression et que les amateurs pourront jauger.

Dans GLOW (Glorious Ladies of Wrestling), il y a de vraies scènes de catch, à la fois dans son processus de création, gestuelle et narrative, et dans sa restitution comme spectacle (...excepté dans la dernière saison qui oublie totalement cet enjeu de pur plaisir spectaculaire).

Dans Dix Pour Cent, malgré les intrigues annexes, le métier d'agent reste la plaque tournante des événements...

Mais curieusement, dès qu’on touche au terrain-modèle des high school (notamment états-unien), la diversité et la spécificité s'amenuise. Par exemple, pour ne parler que des séries produites et/ou diffusées par Netflix : Never Have I Ever, Everything Now, Sex Education, Trinkets… — qui sont des séries que j’ai pourtant appréciées — vont brasser des mécanismes et des motifs fort semblables, bien que leurs thématiques spécifiques respectives puissent ouvrir à l'exploration de nouveautés gestuelles, scénaristiques, esthétiques.


Dans Les Filles du Rink, la thématique spécifique (le hockey) n'est pour moi qu'un tremplin.

Sur la totalité de la première saison, on doit avoir droit à moins de dix minutes cumulées de jeu sur la piste ; l'évolution de l'équipe dans le classement se déroule dans les angles morts entre les épisodes, au détour d'un petit dialogue informatif ("vous êtes troisièmes, il ne faut pas lâcher", "que s'est-il passé dans votre dernier match ?"). C'est d'ailleurs contre-intuitif, car l'on assiste narrativement à une montée dans le classement alors que les principaux moments de hockey à l'écran figurent du mauvais jeu et des défaites.


En parlant des dialogues, ceux-ci sont d'ailleurs moyennement bien écrits : trop entendus, ils suivent pour la plupart la même progression et se finissent pour beaucoup (ô poncif) par un câlin ou un baiser. Sérieusement je pourrais faire un montage de tous les câlins de la saison que ça prendrait plus de temps que le hockey. Les dialogues ne sont d'ailleurs pas aidés par certaines actrices peu consistantes (parfois très bien sur l'ensemble, mais très cliché sur les champ-contrechamp à émotion).

Pourtant, l'arche scénaristique globale m'a plutôt accroché, avec un petit côté sitcom et des antagonistes pas si manichéens.


Et il faut dire que le rink n'est pas le sport le plus facile à filmer de manière sexy pour les yeux vierges ; sans doute faut-il aussi imaginer qu’il n’est pas évident d’opérer un casting en prenant en considération à la fois le jeu d’actorat et les éventuelles capacités sportives ou musicales nécessaires à l’empreinte réaliste. C’est aussi le syndrome du film Marinette, avec Garance Mariller, qui retrace la biographie de Marinette Pichon avec une trop grande économie de séquences de football.


Et rien à voir : sérieusement, quel est le problème du cinéma avec les boissons ? Pourquoi essayer de les mettre en scène si leur consommation est toujours aussi absurde ? Combien de bières commandées juste avant de se barrer, de coupes de Champagne uniquement servies pour introduire un rapport sexuel ou de verres de whisky uniquement pour une discussion professionnelle (systématiquement d'homme à homme d'ailleurs) ? Qui donc a assez d’argent pour ne pas demander un gobelet ou faire un cul-sec avant de se barrer ?

Ici, le pompon, c'est la bouteille de vin qu'on ouvre à peine ("je l'ai gardée pour une grande occasion") et après une gorgée et un "mmmh" (sans ellipse), la bouteille est vide et "je vais en ouvrir une autre" !

Bon Ok. C'est un code.

Il en va de même pour les "j'ai une très bonne nouvelle à t'annoncer" qui ne va évidemment pas ravir la personne qui la reçoit, ou les gestes intimes qui n'arrivent qu'au moment où la mauvaise personne entre et le surprend, ou encore les mensonges piégeants qui entraînent le personnage dans une spirale de galère quand il aurait semblé psychologiquement jouable de simplement avouer la vérité... Oups, je m’égare.


Bref. Les Filles du Rink compte son lot de tendresse familiale et amicale, mais perd de vue sa spécificité sportive, et ne réussit pas vraiment à dépasser les schémas poncifs de ce type de série, qui pourrait pourtant espérer renouveller les scénarios et les formes de narration.


Créée

le 20 oct. 2023

Critique lue 10 fois

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