Pour une lecture en images plus souple et plus agréable.


Critique garantie sans spoiler malgré la longueur du texte.


Série d'OAV débutés en 1988 Les Héros de la Galaxie est une fantastique odyssée retraçant les destins de deux génies de la tactique militaire. C'est en vérité une fresque historiographique d'une nature et d'une dimension prodigieuse. Vous en serez convaincu après lecture de cette critique.


LA DEMESURE! S’il y a bien un qualificatif qui décrit parfaitement GineiDen ca serait celui-ci car sous ce titre pompeux et grotesque se cache malgré tout une représentation théâtrale d’un combat politique mené au-delà même des limites de la planète puisqu’il prend place comme son nom l’indique dans la galaxie. Ceci étant l’histoire reste très réaliste et ne fait pas intervenir de martiens ou autre forme extraterrestre n’ayez crainte, bien que je n’ai rien contre les extraterrestre. Elle prend comme base notre monde bien réel et le prolonge à un millénaire et demi plus tard en prenant bien le temps d’expliquer au cours de la série (d’une manière tout à fait remarquable et singulière avec intervention d’universitaires et d’experts en histoire) ce qui a pu se passer entre notre univers contemporain et l’époque à laquelle la série démarre.


Pour rapidement résumer le postulat de départ sans trop en dire nous sommes désormais en 3596 après J-C, la conquête de l’espace s’est enfin achevée après moult évènements de diverses natures (détaillés dans la série vous ne serez donc pas perdu) la population humaine qui dépasse désormais les 50 milliards d’êtres humains a définitivement établi ses quartiers dans l’espace en peuplant planètes sur planètes constituant ainsi un immense réseau de planètes habitées au travers de la galaxie. Réseau divisé en trois camps, avec à droite l’Empire Galactique : une espèce de nouvelle nation germanique fondée quelques siècles avant le début de l’histoire par un ex militaire arrivé au pouvoir par le vote puis usurpant celui-ci pour établir une monarchie en son nom. En somme il s'agit d'un nouveau Saint-Empire Romain Germanique à la fois mi-napoléonien mi-facho (dit comme ca oui ca fait peur mais dans GineiDen les apparences sont souvent trompeuses). Et de l’autre côté à gauche l’Alliance des Planètes libres dans laquelle une planète équivaut à une république... quand je parlais de démesure vous commencez à comprendre. C’est-à-dire une fédération de plusieurs planètes qui refusent l’autorité de l’Empire en proposant à ses citoyens un mode de gouvernement démocratique. Notons que le drapeau de l’Alliance reprend le même que celui de la France (en y ajoutant un chrysanthème doré au milieu) comme pour faire échos aux combats démocratiques issu de la Révolution Française dont il est d’ailleurs plusieurs fois fait référence dans l’Alliance. Ces deux nations sont en guerre depuis 150 ans sans que l’une n’arrive à prendre le dessus sur l’autre avec entre les deux La République de Fezzan. Une guilde de marchants ultra capitalistes qui commerce tour à tour avec les deux belligérants en restant neutre, Fezzan joue donc le rôle du super petit suisse de l’espace en apparence mais qui en réalité garde une politique secrète bien mystique liée à la désormais lointaine planète Terre… Tout ce beau monde se fait face dans un grand échiquier politique sur lequel vont naitre les deux personnages principaux de cette fresque épique.


Deux brillants stratèges militaires dotés d’une redoutable intelligence et d’une perspicacité tactique à faire trembler les plus grands chefs de guerres. Il s’agit du vigoureux et bouillant Reinhard Von Musel, un aristocrate de seconde zone vivant dans l’Empire Galactique. Accompagné de son fidèle lieutenant et amis Siegfried Kircheis, il va peu à peu gravir les échelons de l’armée impériale a coup de victoires sensationnelles mais aussi d’intrigues politiques (le succès militaire ne suffit pas toujours pour monter les marche de la gloire, demandez donc à ce cher Bonaparte) dans une ascension aussi fulgurante que passionnante à suivre. Il sera confronté lors de batailles mémorables à son meilleur ennemi le champion du camp d’en face, le nonchalant et désinvolte amiral Yang Wen Li. Un prosaïque prof d’histoire entré dans l’armée de l’Alliance uniquement parce que les études supérieures y sont gratuites pour les volontaires… Malgré ses airs de fonctionnaire blasé et obsédé par la retraite, il se révèlera être un stratège hors pair, lui dont l’étude de l’histoire et des grandes batailles passées lui ouvre tous les secrets de l’art de la guerre. Ce sont ces héros au profil totalement opposé qui a coups de victoires éclatantes et de défaites humiliantes vont faire évoluer l’histoire de leur monde en confrontant deux systèmes politiques dans lesquels ils croient et qu’ils incarnent en les portant sur leurs épaules par amour idéologique et conviction mystiques.


Deux Hommes pour deux conceptions de l’Etat qui à travers leurs yeux et leurs agissements en révèleront tour à tour les forces et faiblesses en évitant minutieusement de sombrer dans un manichéisme bas du front du type réaction contre progressisme. L’auteur propose comme toile de fond une confrontation d’idées qui vous l’aurez compris aujourd’hui plus que jamais fait encore l’objet de lourdes interrogations et débats brûlants car posant tout de même de vraies questions. De la monarchie a la démocratie, lequel de ces systèmes politiques est le plus viable? C’est-à-dire le plus favorable au peuple et à la masse? Dans quel contexte le serait-il? Et pour quels types de population? L’un peu favoriser la tyrannie et l’inégalité de classe quand l’autre est propice à la corruption et à la confiscation du pouvoir tombant toujours entre les même mains. Pourtant il est indéniable que nous pouvons aussi trouver du bon dans les deux, le tout est de savoir pour quel degré et à quel prix. En fouillant dans le passé des exemples positifs relatifs à chacune des solutions émergent et on s’aperçoit très vite que d’une république respectant ses valeurs et sa communauté citoyenne à un despotisme éclairé il n’y a qu’un pas. Bien qu’en France et en Europe en général nous sommes déjà passés d’un mode politique à l’autre depuis environs 2 siècles la question n’est pas si facile à trancher et beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui comme hier pour se demander si faire table rase de l’ancien régime sans rien y préserver était finalement le bon choix. N’y avait-il pas dès les lendemains de la Révolution Françaises des sceptiques s’élevant pour dénoncer qu’« on a guillotiné un tyran pour aussitôt le remplacer par 700 autres » (en référence aux 700 députés de la nouvelle assemblée nationale de l’époque ayant voté la mort de Louis XVI) et vu la suite rapide des évènements la remarque était plutôt pertinente…


GineiDen est une série japonaise. C’est-à-dire une fiction provenant d’un pays qui aujourd’hui encore mélange les deux systèmes (au japon cohabite empereur et premier ministre) et qui semble établir sa critique en s’inspirant ouvertement de deux nations majeures de l’Europe. Deux nations restées pour la plus grande partie de leurs existences des ennemies déclarées. À savoir la France réputée pour son universalisme républicain et son histoire révolutionnaire. Et l’Allemagne dernier champion des héritiers de l’empire romain. Certes mais en filigrane c’est bien un regard sur le japon lui-même qui se reflète dans GineiDen car même si de nos jour ce pays tend moins vers un véritable empire autocratique qu’une démocratie moderne, souvenons-nous que cette dernière lui a été imposée à coup de bombes atomiques balancées sans vergogne sur des zone démilitarisées après un rasage complet du pays par l’aviation Alliées. Et qui-plus-est contre l’avis du peuple qui – contrairement à la croyance générale – portait un immense amour envers son monarque suprême ce qui est toujours le cas aujourd’hui! Que serait devenu le japon si les bombardements nucléaires ne l’avaient pas forcé à capituler? S’il avait gagné la guerre, que serait devenu aujourd’hui "l’Empire du Soleil levant" – comme on l’appelait à cette époque et dont le gouvernement était aussi expansionniste et suprématiste que son allié d’alors le troisième Reich? Un empire céleste calme et paisible comme on le voit dans les contes et les jeux vidéo? Ou bien le péril jaune? On en vient fatalement à s'interroger sur la place de la guerre dans tout ca. Quel rôle joue-t-elle? N'est-t-elle qu'un moyen pour les ambitieux et les fourbes de parvenir à leurs intérêts privés ou au contraire une chance pour le peuple de faire éclater un régime obsolète et inefficace si ce n'est de le priver de celui-ci? Ce sont ces questions essentielles et d'une vive actualité que se propose de traiter GineiDen à l'aide d'un scénario travaillé et réaliste ainsi qu'une galerie de nombreux personnages tous aussi charismatiques et intéressants les uns que les autres.


Les personnages justement parlons-en un peu. Autre gros point fort de l’œuvre il y en a pléthore, pas moins de cinq cents personnages nommés et chose assez troublante on se souvent de tous même des plus insignifiants! Enfin presque tous (notamment grâce à un cara-design bien distinct pour chacun et le rappel régulier des noms et fonctions). Mais on se rappelle surtout du noyau dur de personnages secondaires qui pourraient à eux seuls faire l’objet d’une série à part entière dont ils seraient les acteurs principaux tellement leur apport dans l’histoire est riche et étoffé. Ils ne sont pas du tout ombragés par les deux héros principaux et bien au contraire leurs donnent de l’épaisseur par leurs agissement et leurs motivations personnelles. A la louche et sans trop réfléchir j’en compte déjà une bonne vingtaine qui individuellement génèrent à eux seuls de bons n½uds scénaristiques en développant chacun au moins une intrigues avec de lourdes conséquences sur la suite des évènements. Bien évidemment c’est plus facile à faire lorsqu’on parle d’une série qui s’étale sur autant d’épisodes mais justement on pourrait craindre qu’ils ne se perdent dans un flot insensé d’évènements inutiles alors qu’il n’en est rien.


Pour dire deux mots sur les combats spatiaux qui demeurent malgré tout assez fréquents, ils restent agréables à regarder lorsqu'ils ne sont pas trop longs parce qu'ils sont tactiquement crédibles. Effectivement l'auteur s'inspire de stratégies guerrières réellement employées tout au long de l'histoire à travers les époques (notons qu'il en est de même pour la politique politicienne), il va même jusqu'à inclure dans son récit des éléments de guerres psychologiques ce qui ajoute de la densité aux différents conflits armés ou politiques.Les nombreux généraux et commandants qui s'y affrontent font tous preuve d'un sens aigu de la guerre chacun gardant son propre style de combat. De la bataille d'attrition à l'instrumentalisation, tout y passe et on y croit. Le tout bercé dans une ambiance musicale des plus appropriée car il ne s'agit pas moins que des grands classiques de la musiques symphonique.


Pour l'ost le studio MadHouse (fournisseur officiel de rêves en barres à cette époque et accessoirement producteur de la série) n'a vraiment pas fait les choses à moitié car en effet lors des batailles (mais pas seulement) vous entendrez du Dvorák, du Mozart, du Beethoven, du Brahms, du Bach, du Wagner et tout le reste de la bande... La fine fleur des compositeurs du romantisme avec certains thèmes que vous reconnaîtrez surement et d'autres un peu moins mais qui tous collent parfaitement à l'ambiance en donnant un souffle héroïque aux combat déjà dantesques.


Il y a encore un aspect abordé dans GineiDen qui mérite d’être rapidement évoqué : c’est l’Idéologie. Tout appareil d’organisation de l’Etat, tout mode de structure sociale existant s’appuie sur deux jambes. La première c’est la fonction publique et administrative qu’on appelle officiellement les corps constitués autrement dit le squelette de l’Etat Nation. La seconde moins palpable et plus subtile c’est l’idéologie sous toutes les formes qu’elle peut prendre. Les trois camps présents sur l’échiquier galactique de GineiDen ne font pas exceptions et au contraire c’est bien leurs idéologies respectives qui agiront comme carburant sur leurs motivations. Qu’elles soient religieuses, laïques ou économiques ces croyances dogmatiques feront toutes l’objet d’une attention particulière de l’auteur qui cette fois n’hésitera pas à trancher dans le vif en abandonnant son impartialité quitte à grossir un peu trop la caricature. Il est beau de voir à quel point les héros pourront être sublimés par leurs idéaux et comment ils se transcendent dans la victoire comme dans la défaite pour les concrétiser, le plus intéressant encore pour nous spectateurs est d’en voir l’application concrète - donc politique - qu’ils en font ainsi que leurs répercussion sur les vies humaines dont ils sont responsables (bien souvent malgré eux). Comme celles qui pousseront par exemple Reinhard à dire que « Pour que la nation ait toutes confiance en son gouvernement il faut une justice impartiale et des impôts équitables ». Envolée lyrique d’une banalité primaire et entendu par tout le monde me direz-vous, certes mais quand on regarde un peu du côté de chez nous (sans vouloir cracher dans la soupe) on remarque par exemple qu’en France l’ensemble des grandes sociétés les plus riches du pays payent à peine 8% de l’impôt… Je vous laisse donc imaginez ce que se mangent les plus petites. Il y a pire, aux USA les personnes physiques les plus riches sont taxées entre 11 et 17% sur leurs revenus contre 33% pour les classes moyennes... Et pour la justice impartiale pas besoin de faire un dessin, il n'y a qu'a se baisser pour trouver des exemples d'injustice écœurantes.


Bien plus que d'habile tacticiens de la guerre ces deux hommes incarnent les avatars de leurs propres principes et de leurs propres croyances. Du Prince machiavélique au Roi philosophe Platoniciens, ce sont deux dualités théoriquement contraires mais complémentaire quand les temps l’exigent qui nous sont exposées ici. Seule la technologie et le progrès technique évolue, les hommes eux restent définitivement les même. Celui du 36ème siècle malgré sa maitrise de la navigation galactique est sensiblement le même que celui du 21ème siècle qui lui-même ressemble désespérément aux premiers citoyens de l’antiquité. Voilà pourquoi ce n’est pas l’homme d’État, le militaire ou le citoyen qui choisit son régime mais l’époque dans laquelle ils vivent qui l’impose que ce soit par une révolution brutale ou des réformes indolores et successives. C’est à ce moment que l’Histoire avec un grand H envoie les acteurs qu’elle aura élu pour faire accélérer la naissance d’une nouvelle ère.


Tantôt comme fardeaux et parfois comme source d’élan on ressent bien à l'écran à quel point le dogme, quand il est porté par des personnalités intégrales et passionnées peut devenir tout aussi ravageur que la plus puissante des armée ou au contraire synonyme d'une harmonie sociale inespérée. GineiDen conclu son propos de manière intelligente en poussant le spectateur à se questionner sur le sens de l'Histoire et ses retombés sur les Hommes qui l'engendre et pourtant la subissent en répétant les même erreurs sans pouvoir y échapper, à moins que des surhommes à la destinée lumineuse surgissent du chaos et par leurs puissante volonté n'en décide autrement. C'est l'essence même du Héros.


J’en ai donc finis avec GineiDen. J’espère vous avoir donné envie de vous y intéresser de plus près parce que cette série le mérite vraiment. Surtout ne rien regarder sur youtube ou sur des sites dédiés car le spoiler peut très très vite arriver et tout gâcher. J’ai fait en sorte de ne vous parler que du début de l'aventure en vous donnant les grandes lignes mais la série est extrêmement riche en rebondissements et retournements de situations de toutes sortes. Si vous le pouvez ne vous renseignez pas trop et jetez-vous dessus directement afin de voir par vous-même si l’envie de poursuivre vous submerge.


Si vous m’avez lu jusqu’au bout je vous garantis que vous allez accrocher!


Peace


PS : Je n'ai pas évoqué les personnages féminins parce que ma critique est globale et qu'on plonge dans un univers relativement masculin mais ne vous inquiétez pas. Il y a des femmes et pour une fois elles ont un cerveau et pas de minijupes


PS2 : Après lecture de ma critique on pourrait croire que GineiDen n'a pas de défauts. Il est évident qu'il en a. Et pas qu'un peu. L'aspect qui m'aura le plus "déçus" est le traitement de la religion exagérément péjoratif et absolument pas réaliste. Cela dit j'accorde tout de même un 10 étant donnée l’extrême rareté de ce type de série et le sérieux du propos.

Saint-Just
10
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le 27 nov. 2014

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