"Je nous vois un peu comme les Jefferson, les Washington de notre époque".
Pierre-Antoine Robitaille, S01E01.


4 amis à l'aube de la trentaine décident simultanément de quitter leurs compagnes respectives et de se lancer à la conquête du noble sexe. C'est autour de ce curieux scénario que François Letourneau et Jean-Francois Rivard ont élaboré "Les Invincibles"; chacun des 4 protagonistes répondant à un type bien particulier: le dragueur, le sournois, le fêtard et le soumis.
Tous sont hédonistes jusqu'au bout des ongles, et cette recherche effrénée du plaisir les conduit à conclure ce pacte (modestement intitulé "déclaration d’indépendance" par les rédacteurs....), que l'on qualifiera pudiquement d'extravagant.


L'intérêt de cette série réside d'une part dans les interactions entre les différents protagonistes; et d'autre part dans le décalage invraisemblable entre leurs rêves de conquête et la réalité. Une déclinaison moderne de l'éternel conflit entre le besoin d'amour, la soif de liberté et l'impérieux désir de satisfaire la gent féminine en quelque sorte.
On rit beaucoup, les 4 compères éprouvant les pires difficultés à parvenir à leurs fins et.... à reconstruire leur nouvel environnement affectif.


Il ne s'agit que d'un point de départ, la série prenant au fil des saisons un tour plus dramatique, sans perdre ses qualités initiales. Le ton est vif et iconoclaste, les dialogues ciselés, et on entre vite en empathie avec les 4 personnages, en dépit de leurs tares incorrigibles, qui les rendent terriblement humains.
"Les Invincibles"est traversé par des influences diverses: ainsi Carlos se réfugie-t-il dans les Comics pour fuir et modéliser son enfer quotidien, où règne sa femme, Lyne-la-pas-fine. Ces comics participent pleinement à la narration et lui donnent une tonalité très particulière. Toute proportion gardée, on pense immédiatement à l'utilisation que Tarantino a fait des animés dans Kill Bill 1, avec l'incise "The Origin of O-ren".


La série souffre cependant d'une saison 2 de moins bonne facture. Une écriture moins aérée, des choix scénaristiques contestables et un jeu d'acteurs étriqué nuisent en effet à la deuxième partie. Des tensions entre les acteurs semblent avoir également joué. On retrouve heureusement dans la saison 3 la qualité de la saison 1, avec un final relativement ouvert mais à la tonalité assez pessimiste.
La langue peut également constituer un obstacle à la bonne compréhension de la série. Si l'accent et les anglicismes s'assimilent rapidement, l'utilisation systématique de sacres québécois est plus problématique; et cela peut heurter des tympans français. A noter que la plupart des jurons québécois appartiennent au domaine religieux; et qu'une connaissance préalable des principaux sacres* facilite grandement le visionnage.


François Letourneau et Jean-Francois Rivard se sont rencontrés par le biais de relations communes; et "les Invincibles" est le fruit de leur première collaboration. Diplômé en sciences politiques, François Letourneau a ensuite suivi des études au conservatoire d'art dramatique de Montréal. Quant à Jean-François Rivard il a fait ses armes dans le milieu de l'improvisation, largement répandue au Quebec.
Tous deux participent a la rédaction du synopsis; puis ils se répartissent les tâches: le premier interprète l'un des rôles principaux, le second s'occupe de la mise en scène. MM. Letourneau et Rivard ont procédé de façon analogue pour la rédaction et le tournage de "Série Noire", et la complémentarité de leurs profils saute aux yeux. A ce titre la masterclass à laquelle les deux auteurs ont participé à l'occasion des Rendez - vous du cinéma québécois est éclairante.


"Les Invincibles", qui date de 2005, augurait du boom des séries québécoises qui, sous l'influence d'auteurs comme Morissette, Letourneau, Rivard, Legault, Bernard, Leclerc, Matte, Brunet et d'acteurs / actrices comme Robitaille, Dorval, Clement, Perreault, Bossé, Le breton, Leboeuf, Labrèche etc... ont littéralement explosé au cours des dernières années.


La série a été adaptée par Arte, mais on ne retrouve pas la fraîcheur et l'humour de l'oeuvre originale.



  • Ostie, crisse, câlice, tabarnak en particulier.

Ukiyo
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le 7 oct. 2013

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