Mixte
6.9
Mixte

Série Prime Video (2021)

Voir la série

On pourra commencer par célébrer le fait qu'Amazon réussisse enfin une série "made in France", et double même Netflix sur ce plan-là. On pourra ensuite se réjouir de voir un scénario qui aille à rebours de la nostalgie vaguement nauséabonde envers les années 60 (et 70) - une nostalgie cultivée surtout par ceux qui sont trop jeunes pour avoir connus eux-mêmes cette époque : "Mixte" raconte frontalement combien la vie était dure pour quiconque avait la moindre soif de liberté dans une société profondément réactionnaire, frileuse, raciste, misogyne, etc. On pourra faire la revue de détails de tout ce qui est réellement "professionnel" dans "Mixte", en particulier en termes de soin apporté à une reconstitution historique juste et précise des vêtements, des objets, des intérieurs,... même si pour le langage, le vocabulaire, ce n'est pas tout-à-fait ça, les dialogues sonnant finalement assez modernes et les expressions de l'époque - sans doute plus très compréhensibles par les jeunes de 2011 - étant très peu nombreuses finalement. On pourra apprécier un casting certes inégal, mais qui met en particulier en avant Pierre Deladonchamps, très touchant dans un rôle complexe et emprunt de sensibilité, et Lula Cotton-Frapier impressionnante dans son incarnation d'un personnage ambigu et peu aimable.


Côté déceptions (petites, mais qui empêchent in extremis la série d'être vraiment "grande"), on ne peut nier un aspect un peu mécanique et didactique dans la manière dont les "problèmes" sont dévoilés, traités, en une exploration systématique des sujets possibles, jusqu'aux plus "tendances", comme l'homosexualité féminine (quid de l'homosexualité masculine ? Visiblement reléguée dans les fictions à un "sujet qui n'intéresse plus le public"...). Cette application à parcourir le spectre de nos indignations étouffe paradoxalement à l'écran cette soif de liberté dont "Mixte" se voudrait le porte-parole : il y a ici un côté "scolaire", "bon élève appliqué" - amusant si l'on pense que le contexte du scénario est la vie de lycéens dans l'un des premiers établissements mixtes de Province - qui empêche le "vrai Cinéma" d'advenir.


Heureusement, ces réserves sont de moins en moins vraies alors que la série progresse : l'ouverture à mi-parcours sur les situations des adultes, le surgissement du drame alors que l'on se tenait plutôt jusque là dans un entre-deux un peu trop prudent, et la déchirure du tissu de la fiction qu'implique la disparition longtemps inexpliquée de deux protagonistes, tout cela fait que "Mixte" gagne en densité et en profondeur. Avant de se conclure sur un dernier épisode qui est tout sauf un happy end.


Même si cette trajectoire promet une seconde saison meilleure encore, on aurait très envie que "Mixte" en reste là, sur cette suspension de promesse et sur tous ces espoirs déçus et gâchés.


[Critique écrite en 2021]

EricDebarnot
7
Écrit par

Créée

le 7 août 2021

Critique lue 585 fois

5 j'aime

2 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 585 fois

5
2

D'autres avis sur Mixte

Mixte
Alyson_Jensen
7

Corde lisse, Ô corps délice !

Three somme Nouvelle série en huit épisodes de la boite de Jeff, Mixte prend place en France en la sainte année 1963. Au centre du concept, la mixité, autant du côté des élèves que des profs. Et s’il...

le 24 juin 2021

6 j'aime

Mixte
Yoda_le_Vrai
7

Bonne surprise de la part d'Amazon (vu les 8 épisodes)

Bonne surprise de la part d'Amazon. Série très française dans son écriture, ses choix narratif et particulièrement son casting, constitué d'acteurs inconnus pour les ados. Ces ados ressemblent à...

le 17 juin 2021

6 j'aime

Mixte
EricDebarnot
7

Salut les Copains !

On pourra commencer par célébrer le fait qu'Amazon réussisse enfin une série "made in France", et double même Netflix sur ce plan-là. On pourra ensuite se réjouir de voir un scénario qui aille à...

le 7 août 2021

5 j'aime

2

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

99

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

183 j'aime

25