Comment les morts seraient-ils réellement morts, quand ils marchent encore dans mon coeur ?
Lula Carson Smith , L'Horloge sans aiguilles (1961)
Le drama Move To Heaven, série en seize épisodes a été inspiré par l’essai « Things Left Behind » écrit par Kim Sae-byul en partie autobiographique puisque l'auteur à lui même été “trauma cleaning”. La série a été adaptée par Yoon Ji-Ryen scénariste de Boys Over Flowers et l’ensemble réalisé par Kim Sung-ho (Notebook From My Mother).
L'idée phare de Move to heaven c'est Rosebud dans Citizen Kane. L'idée que les objets portent une part de notre identité. Le livre à l'origine du scénario s'appelle “les choses que l'on laisse”.
La série aborde donc le sujet des possessions intimes des disparus, qui en disent beaucoup sur leurs existences..
Move to heaven ce sont “movers”. Des déménageurs donc mais très particuliers puisqu'ils interviennent après un dècès pour nettoyer l'appartement du mort, souvent à la demande de la famille. Cela pourrait être simple mais le scénario apporte une dimension émotionnelle dans la manière dont ce déménagement se déroule, notamment avec le tri des affaire pour en extraire l'essentiel, papiers mais aussi objets personnels. Le tout est soigneusement déposé dans une boite jaune. Une boite qui contient tout une vie.
Les movers extraient des existences par couches et retracent leur parcours à travers ce qu'ils ont laissé derrière eux. A travers ces movers c'est une réflexion sur la mort et la mémoire. Les morts présents à travers la mémoire des vivants. Le traitement du deuil dans Move to Heaven est d'autant plus intéressant par les rituels de travail et cette volonté de à rendre leur honneur aux morts et à leurs proches. En Corée, les révérences et les saluts sont très importants dans le sens où ils sont porteurs de respect selon la manière dont ils sont faits. Le par exemple montre un respect très fort. En effet, il consiste à s’agenouiller avec les mains et le front au sol. C'est ce respect, le rituel effectué avant chaque “déménagement” qui transforme un métier qui pourrait être morbide en travail fascinant.
La deuxième très bonne idée du drama c'est mettre au cœur de l'action un adolescent autiste mais surdoué et doté d'une mémoire photographique. Gue-Roo. À la mort de son père, Gue-Roo va se retrouver seul avant que ne débarque son oncle Sang-Koo qui sort de prison et tuteur de Gue-Roo, ils vont commencer à travailler ensemble à Move To Heaven. Gue-ro est un personnage plein de valeurs, transmises par son père parfaitement interprété par Tang Jun-sang. Ses dons, mémoire photographique et QI élevé vont l'aider à résoudre des mystères liées au personnes disparues.
“Louer ce qui est perdu rend le souvenir cher” disait William Shakespeare. Qu'est ce que l'essentiel dans une vie? Comment choisir les objets ? Le slogan “Move to heaven” est un jeux de mots sur move/aller et move/déplacer. En déménageant les objets on aide à faire partir les morts.
La série pose la question de comment honorer les corps et présenter ses condoléances ? Avec respect et curiosité. Avec pudeur. La pudeur est un des mots qui nous vient à l'esprit en regardant Move to heaven. La pudeur est l'assaisonnement des grâces et de la beauté*. C'est donc léger, plutôt fin malgré la thématique abordée. Un magnifique générique, très belle réalisation souvent inégale et une musique délicate avec du Bach, du Chopin ou du Debussy qui apportent grâce et solennité au propos,
C'est fort dommage car l'intrigue initiale et l'interprétation excellente de se suffisait à elle même. Alors que l'idée centrale offrait un potentiel énorme, par facilité ou par envie d'attractivité, les personnages et l'action ajoutée au fur et à mesure des épisodes diluent ce concentré d'humanité que nous offrait ce drama. Le mover se transforme en détective et l'émotion laisse peu a peu la place a l'action.
Move to heaven reste donc une étonnante et magnifique série mais dont tristement, le niveau baisse au fur et à mesure des épisodes. A voir absolument néanmoins au moins pour les premiers épisodes.
*Pierre-Claude-Victor Boiste. Le dictionnaire universel (1800)