Perrine Monogatari, l’entrée Sekai Meisaku Gekijou (Meigeki) de 1978, est une série malchanceuse. Située temporellement entre les plus célèbres Haha wo Tazunete Sanzenri (Marco) et Akage no An, je l’ai abordée non sans préjudices, comme un intermède moins intéressant face à deux ‘chefs d’oeuvre’ de l’ancienne japanimation. Cependant, après ses 53 épisodes, mon impression est devenu tout autre.
Adaptation du roman feuilleton 'En Famille', écrit par Hector Malot en 1893, nous nous retrouvons une fois de plus plongé dans la situation précaire d’une famille, ici endeuillée par la mort du père Edmond alors que ce dernier tente de regagner la France avec sa fille et son épouse anglo-indienne, Marie. Cette dernière décide de poursuivre le périple jusqu'à Paris afin de réunir sa fille, Perrine avec son grand-père paternel, Vulfran Pandavoine, qui les a pourtant répudié. Accompagnées de leur brave âne, et alcoolique, Palkare, ainsi que d’un chien, ce sac à graisse incompétent, Baron, Marie et Perrine vont entreprendre un voyage difficile de la Grèce jusqu’à la ville de Maricourt, en gagnant leur vie en tant que photographes ambulantes. Mais même arrivées à destination, nos deux héroïnes vont devoir encore surmonter bien des épreuves avant de pouvoir trouver le bonheur.
Soyons clairs. Après avoir vu Marco, le premier épisode de Perrine est une grande déception. Beaucoup de qualités de son prédécesseur qui m’avait conduit à penser que les Meigeki avaient franchi une nouvelle étape dans leur évolution disparaissent ici comme un retour en arrière malvenu. Les visuels insipides et le chara-design fort moyen fâchent, tandis que la réapparition d'une voix off annonce le retour d'une narration plus traditionnelle.
Il faut dire que Perrine a été une affaire fort délicate derrière les rideaux de la production. Cette dernière commence avec le refus d’Isao Takahata de reprendre du service pour ce nouvel anime du studio Nippon Animation, alors qu’il était pressenti pour prendre la relève après la diffusion de Araiguma Rascal (le Meigeki de 1977). En plus du refus de Takahata, d’autres talents impliqués, comme Tomino Yoshiyuki, Miyazaki Hayao et Kotabe Yoichi, vont aussi finir par bouder le projet pour se concentrer sur leur propre série.
Voilà qui explique en grande partie mon ressenti sur les premiers épisodes, qui respirent une ambition peu florissante et représentent sans faste, avec même quelques bizarreries, l’Europe du 19e siècle. Cette opinion n’est pas aidée par les débuts poussifs de l’adaptation, une tradition des Meigeki, et la caractérisation relativement pauvre des personnages : par exemple Perrine est une héroïne aussi mignonne que lisse, tandis que le compagnon de route, Paul, n’a rien d’une Fionna (série Marco). Bon cela dit, on finit par s’attacher à la petite Perrine, surtout lors de la deuxième partie de l’oeuvre, quand la série décide de véritablement adapter le roman pourrait-on dire, et suite à l'apparition de figures secondaires plus intéressantes ('le vieux', Rouquerie).
Il ne faudrait pas non plus penser que l’anime a été dirigé par des bras cassés en l’absence de Takahata. Ioka Masahiro aux commandes des paysages va une fois de plus remplir son office avec brio. De son côté, Miyazaki Akira (Araiguma Rascal) pour la scénarisation va procéder à une adaptation fort correcte du livre. Quant à l'aspect graphique global, Perrine reste bien au-dessus de la vaste majorité de ses contemporains.
Si j’ai été déçu que Perrine Monogatari n’hérite pas de l’envergure et du côté léché de Marco, les Meigeki précédant ne sont pas non plus une mauvaise base. En fait, cette entrée pourrait être vue comme un mix de ses prédécesseurs : un côté aventure comme Marco sans son échelle et sa portée, un thème de la pauvreté de Flanders no Inu sans sa brutalité, et des relations familiales un peu similaires à un Heidi.
L’anime possède aussi ses propres spécificités, notamment une dynamique mère-fille qui domine la première moitié de l’oeuvre et donne de bons épisodes je dois dire (la relation Paul-Marie est aussi attendrissante par ailleurs) et les embûches qui attendent les deux protagonistes peuvent s’avérer surprenamment haletants. La deuxième moitié quant à elle, nous emmène dans une direction relativement inattendue, assez rafraichissante grâce à une Perrine de plus en plus indépendante, ainsi que son drama très traditionnel mais fort bien rythmé, équilibré et franchement satisfaisant. En outre, le récit s’étoffe en fin de course en abordant les ‘joies’ de l’industrialisation pour l’ouvrier/ouvrière moyen. Une couche assez superficielle, tout comme le racisme envers Marie (anglo-indienne) et empreinte de paternalisme, mais qui ajoute un degré de personnalité et d’historicité fort appréciables.
En bref, Perrine Monogatari a triomphé de mes préjugés malgré ses débuts. Si j’ai consommé avec modération les 26 premiers épisodes de la série en environ un mois, les épisodes 27-53 quant à eux sont du pain béni que j’ai dévoré en à peine une semaine. Je dois dire que je suis assez impressionné par ce retournement d’opinion. Avec un regard rétrospectif de plus d'une année, je pense même que cette série dépasse Heidi et Flanders no Inu dans mon appréciation. Pas mal pour ce que je pensais être un intermédiaire moins plaisant.
Ps : comme d'habitude, ne lisez pas les titres d’épisodes, ni les résumes du net.