Psychose, lobotomie et ennui

Décidément, Ryan Murphy ne chôme pas en ce moment ! En parallèle de sa série phare, American Horror Story qui entame sa dixième saison, le producteur se lance dans la création de plusieurs projets, tous aussi originaux les uns des autres. Après Hollywood et The Politician, le producteur revisite un personnage emblématique de la littérature et du septième art ; l'infirmière Mildred Ratched, de Vol au-dessus d'un nid de coucou, crée par Ken Kesey.
L'idée est très appétissante sur le papier, même si, personnellement, je ne connaissais pas ce personnage. Et quand on sait qu'il s'agit du rôle le plus "effrayant" que Sarah Paulson ait eu à interpréter, selon elle, on hésite pas une seconde à se lancer dans la série... D'entrée de jeu, la série nous charme par son visuel pimpant et ses couleurs criardes. On est directement emballé et convaincu par cet univers particulier aux décors splendides et majestueux et aux costumes de haute couture. L'hôpital, qui est un personnage en soit, revêt une forme trompeuse (à l'instar de son personnage principal), celle d'un hôtel immense, aux longs corridors et aux salles étrangement récréatives. On y fait la connaissance d'une palette impressionnante de personnages, certains plus excentriques que d'autres, qui s'éparpille dans un scénario éclaté et plutôt long à dénouer. Mais le centre de Ratched, c'est la dissection d'une femme dépeinte comme un monstre. On revient sur ses origines et ses malheurs, à l'aube de sa méchanceté qui l'a rendu célèbre, via un dédale d'intrigues secondaires qui peinent à rebondir entre elles. Il y en a tellement que certaines réactions m'ont paru incohérentes. En effet, une fois habitué à ce joli attirail visuel et à ce générique mémorable, on s'aperçoit que le scénario ne décolle jamais vraiment, et préfère miser sur des coups d'accélérateur pour rythmer et densifier ses fins d'épisodes. Pour ma part, ça m'a perdu voire ennuyé par moment. Ça vrille dans tous les sens du terme. Heureusement, la série réussit à préserver notre intérêt, notamment grâce à quelques performances et coups de théâtre qui valent le coup d'oeil !
Le casting est épatant, rien à redire là-dessus. On y retrouve les grands fidèles de Ryan Murphy, avec Sarah Paulson et Finn Wittrock en tête de peloton. Cynthia Nixon, Sharon Stone, Sophie Okonedo ou encore Judy Davis viennent agrémenter de leur talent ce thriller irrégulier. Mais c'est eux qui font respirer Ratched par leur amusement à interpréter des rôles aussi cruels et détraqués. Ça en devient même fun par moment ! Mais toujours avec une sensation de retenue... Je m'attendais à ce que ça dérape beaucoup plus, à ce qu'on perçoive plus nettement toute la contradiction de Mildred, qu'on s'attache et qu'on la haïsse à la fois. Mais l'ensemble demeure très flou et laisse presque indifférent.
Aussi, la série n'a pour moi rien d'effrayant. Ratched axe son récit sur les psychoses, les traumatismes, les pulsions instinctives qui gisent en nous, et quelques coups de pioche... Un angle d'attaque déconcertant pour qui attendait plus d'effroi. Il faut alors se contenter de quelques scènes dégoutantes et difficiles à regarder. Néanmoins, un humour noir transpire des dialogues, débordant parfois vers l'absurde. L'exploration du thème de la quête de féminité est aussi une des bonnes pistes de la série, saupoudré d'une touche queer chère à son créateur et de quelques émotions.
Atmosphère envoutante, acteurs dévoués et direction artistique remarquable permettent à Ratched de se hisser au rang des bons divertissements, correct, mais sans coup de coeur. J'ai l'impression de m'être quand même pas mal ennuyé et à la vue du final qui annonce une suite, je reste dubitatif bien que l'idée de voir jusqu'où le personnage de Mildred Ratched va être explorer m'intrigue...