Rémi sans famille
6.1
Rémi sans famille

Anime (mangas) (1977)

Ie naki ko, titre immortalisé par une jeunesse l’ayant découvert via le Club Dorothée dans les années 1990, et même encore avant sous l’antenne de Mer-Cre-Dis-Moi-Tout dans les années 1980, sous le nom de 'Rémi sans famille'. Un statut iconique pour une œuvre peu revisitée, dont les échos ne laissent plus que des traces altérées. Alors, faut-il laisser cet anime aux souvenirs et à la nostalgie, ou bien est-ce que Rémi comme une âme bien née, aurait préservé sa valeur avec le nombre d’années ?


Un facteur immédiatement en à la faveur de Ie naki ko est la présence du combo Osamu Dezaki et Akio Sugino, qui avaient déjà pas mal bourlingué ensemble depuis Ashita no Joe. Après Ace wo Nerae (1973-74) et Ganba no Bouken (1975), leur studio Madhouse se voit une nouvelle fois sollicité par TMS, qui souhaite capter de son côté le succès des World Masterpiece Theater (WMT) en alignant leur propre produit du même genre. Le projet conduit donc à un dessin-animé de la durée d’un an, diffusé en 51 épisodes entre 1977-78. Attention par ailleurs à ne pas confondre avec la série de 1996-1997, ‘Ie naki ko Remy’ dont je ne parlerai pas davantage ici.


Comme les WMT, Ie naki ko adapte une œuvre littéraire européenne, intitulée ici ‘Sans famille’ de l’auteur Hector Malot (dont un autre livre, ‘En famille’, deviendra un WMT en 1978). Nous suivons une fois encore les tribulations d’un jeune protagoniste, Rémi ; un orphelin qui va être vendu à un saltimbanque, Vitalis, et va devoir l’accompagner dans ses péripéties à travers la France du 19e siècle.


Ie naki ko a acquis une certaine réputation pour son aspect tragique, et il est vrai que la série comporte son lot de durs moments, qui m'ont rappelé plus d'une fois Inu no Flanders, en plongeant ses personnages dans l’abjecte pauvreté. En effet, c’est une œuvre qui pose un regard soutenu sur les classes sociales plus démunies, sans toutefois porter de réel engagement, si ce n’est sur la discrimination, malgré une description riche des différents cadres français (les épisodes sur la mine et les borins sont assez détaillés mais relativement gentillets par exemple).


Avant tout porté sur le drama, la série sait frapper les cordes sensibles mais pas seulement en s’appuyant sur l’aspect négatif des déboires de Rémi. Ceux-ci conduisent aussi à de belles rencontres, des amitiés et liens familiaux élevés avec beauté jusqu'au statut de sacré. Les difficultés de Rémi sont avant tout des éléments à surmonter, et se tissent en un récit de formation qui est symbolisé par la phrase iconique de Vitalis : ‘前進め' (allez de l’avant).


Cela dit, même si le ton de cette adaptation peut être qualifié d’équilibré durant la première partie (les épisodes 1-19), après une introduction bien peu égayante, la tournure des événements finit par la faire passer pleinement dans son rôle de tragédie, que l’on accepte volontiers dans les larmes dans un premier temps mais qui nous rend par la suite incrédule tant Rémi devient ... un vrai porte-poisse. Après une dizaine d’épisodes déchirants, arrivé à la mi-série, l’intrigue nous laisse résigné à suivre un montagne russe, au tracé aussi prévisible que douloureux…


… et pourtant, Ie naki ko surprend en ne suivant pas ce tracé. En effet, un changement notable s’opère durant la deuxième moitié de l’anime, et correspond à l’arrivée de Mattia, une petite frappe au cœur d’or, qui agit comme une sorte de porte-bonheur au groupe de Rémi. Les épisodes prennent alors une tournure différente, se transforment davantage en un récit d’aventures, dont la légèreté, toute relative, aura de quoi étonner (la fin de l’épisode 37 en particulier m'a presque choqué).


La conséquence de cette perte de gravité pourrait inquiéter sur la longue durée mais l’anime, qui reste une adaptation plutôt fidèle au livre, ne baisse pas en qualité, bien que l’arc plus sérieux des épisodes 41-48 s’en retrouve affaiblit de mon avis. Malgré cela, Ie naki ko garde une puissance émotive qui se traduit en une finale très réussie.


Comme mentionné plus haut, Osamu Dezaki chapeaute la réalisation de la série, et nous retrouvons son style, encore plus poussé par rapport à ses précédentes œuvres, et sa panoplie d’effets dont il est si friand : zoom sur plan en trois fois, jeux sur perspectives et couleurs, etc. En particulier, l’utilisation répétée d’arrière et avant-plan en mouvement ne manquera pas de frapper le regard dans sa surabondance lors des premiers épisodes. Dezaki est un pionnier pour beaucoup de ces techniques, qu’il expérimente avec l’aide, entre autres, de son collaborateur de longue date, Takahashi Hirokata, le cinématographe de la série.


Pour l’anecdote, j’ajouterai que cette série a été réalisée avec un aspect 3D. Je ne parle pas ici d’images de synthèse (une autre innovation par Dezaki avec Golgo 13), mais d’effets 3D stéréoscopique qui pouvaient être perçus avec des lunettes bicolores que vous connaissez sans doute. Ne me demandez pas des précisions techniques sur cet aspect, qui dans ce cas n’a pas dû avoir de résultat très probants, et a été abandonné en cours de route.


En conclusion, Ie naki ko est une série fortes en émotions, mue par des personnages mémorables (Vitalis et Mattia en particulier, mais aussi Capi). Et parce que ce type de séries est désormais inexistant, j'irais même jusqu'à la recommander, pour les amateurs de dramas et de vieux classiques. Même aujourd'hui, Ie naki ko vaut le détour.

Skidda
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le 18 oct. 2023

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