Dès le générique de Samurai Champloo, c'est l'électrochoc : un spot ultra léché mêlant effets d'estampes et scènes d'action au character-design insolite et insolent, le tout sur un terrible mix pondu par Nujabes-sama en éternel featuring avec Shing02 et son flow impeccable. Une tuerie. La première.
Samurai Champloo opening
Il ne faut pas se laisser abuser par le début de l'anime qui peut paraitre décousu et manquant de rythme. Certes, j'ai envie de dire que même sans le scénario, la patte graphique inimitable, l'animation irréprochable et explosive et l'ode à la culture hip-hop (rap, samples et graphs) blufferaient le premier larron venu au point de le fidéliser jusqu'au 26ème épisode. Mais Shinichirô Watanabe aurait certainement vécu comme une insulte faite à ses fans que le scénario de sa création soit bâclé, et ce malgré la richesse de sa réalisation. Petit à petit donc, l'ambiance oscillant entre ombre et légèreté s'épaissit, on s'attache à ces héros secrets qui gagnent progressivement en profondeur et l'intrigue s'intensifie.
La quête du Samurai qui sent le tournesol recèle bien des embûches. Autant qu'il est possible d'en imaginer. Ce Japon médiéval regorge en effet de ninjas, de rônins et de femmes fatales. Mais rien n'arrête ni Mugen, ni Jin, ni Fuu qui s'est faite la maîtresse du destin des deux samurais. Une aventure qui lie ces trois personnages, née du hasard d'une pièce lancée dans la nuit par une jeune fille, mais régie de bout en bout par les fils sombres et impénétrables du destin.
Au final, les déboires de nos héros avec les hommes du shogun, les bandits de grand chemin, les artistes incompris, les fugitifs en cavale, les faux dévots christianisant ou les soldats américains venus étaler leur science de la politique de la canonnière, servent un intérêt plus profond que le simple récit d'aventure. Ainsi, c'est l'Histoire, la grande, qui se dissimule derrière chaque histoire ; une Histoire du Japon - et de l'ère Edo tout particulièrement - que nous autres européens connaissons si peu, certes fantasmée mais ô combien enrichissante.
De même que Jin suit doctement le Bushido, Shinichirô Watanabe suit avec génie la recette millénaire du bon conteur : il mêle l'enseignement au divertissement et nous pousse à réfléchir sur l'origine de nos valeurs et de notre culture, sur l'ethnocentrisme de nos jugements mais aussi sur la prétention de l'Histoire avec laquelle il nous apprend à jouer et dont il emmêle volontiers, espiègle, les fils, pour nous livrer un manga exceptionnellement vivant, brassant la culture nippone et le hip-hop dans une oeuvre définitivement hors des sentiers battus. Graphiquement et musicalement hors-norme, cette fresque anachronique restera certainement comme une oeuvre majeure du manga japonais.