Seinfeld
7.4
Seinfeld

Série NBC (1989)

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En 1989, les sitcoms humoristiques télévisées se résumaient à La Fête à La Maison ou au Cosby Show. Des séries familiales bien mielleuses. A la rentrée 1989, 2 séries vont changer ce microcosme. Les bonshommes jaunes vulgaires de Springfield, et la bande de jeunes juifs de New York. Ici, point de vulgarité dans les mots, le tremblement de terre est sur le fond puisque c'est une série sur RIEN ! Seinfeld, c'est 9 saisons diffusées entre 1989 et 1998. 180 épisodes au total. Comme beaucoup d'autres séries américaines, Seinfeld est parfois considérée comme « la meilleure série de tous les temps ». 70 millions de téléspectateurs chaque soir, seul Friends a pu faire mieux.
Mais contrairement à toutes ses rivales, Seinfeld ne s'appuie pas sur un scénario chiadé, des histoires à l'eau de rose (et quand y en a ca se termine par une mort absurde, style avoir léché trop d'enveloppes bon marchés), sur des gadgets ou encore sur le physique de ses acteurs. Il n'y a absolument RIEN d'attirant à la base. A l'origine, avant que son projet de série ne soit retenu par CBS, Jerry Seinfeld était un stand-up comedian, qui joue beaucoup sur l'observation des petits détails de la vie quotidienne. L'humour dit du « have you ever noticed ? » .
Exemple (traduction approximative) : « j'ai lu un sondage selon lequel la plus grande peur des Américains était la prise parole publique. En deux arrivait la mort. En deux ! Ca veut dire qu'à un enterrement, vous préférez être dans le cercueil que prononcer l'oraison funèbre ». Bref, ce que Gad Elmaleh popularisera en France 20 ans plus tard.
Ses performances de stand-up sont donc au mieux plaisantes, mais ne cassent pas des briques. Justement. Dans la série, il se fout de sa propre gueule, montrant qu'il est un escroc de faire ca. Et c'est là que ca devient génial, c'est que la série revendique son vide et parvient à en devenir captivante...
Car il n'y a jamais de thème dans Seinfeld. C'est toujours un détail infime qui bâtit l'épisode. Exemple : l'attente à un restaurant, savoir pourquoi le réveil du marathonien n'a pas sonné avant sa course aux JO peut occuper la vingtaine de minutes. Est-ce le AM/PM, est-ce le snooze qui fait qu'on se rendort systématiquement... Le summum viendra lorsqu'ils voudront créer une série Jerry. L'histoire dans l'histoire...

Essayons de définir le génie de la série en deux phrases.
Pour moi, là où c'est exceptionnellement fort, c'est que les situations rendent des trucs construits de manière totalement arbitraire (et selon un critère idiot) naturels et évidents (comme si juste parce que tel personnage avait telle lubie, les règles sociales iraient dans cette direction et pas dans une autre. Exemple : lorsque l'on parle de sa relation amoureuse de façon positive, si l'on se frotte le visage en même temps, c'est que l'on ment ; plus on se frotte un endroit haut sur le visage, plus la situation est en fait catastrophique).
Implicitement, cela met superbement en relief l'absurdité de certaines conventions sociales établies dans la vraie vie.
Des tentatives déconstructivistes salutaires, j'en connais très peu, et Seinfeld fait partie de la liste.

Cependant le plus gros défaut de Seinfeld, c'est le temps qui leur a fallu pour trouver leur rythme de croisière. La première saison n'est que très peu drôle, et ils ont pu poursuivre grâce à l'aide d'un mystérieux financier. C'est seulement vers la saison 3, voire 4, que le succès public est au rendez-vous. En même temps, ils étaient les premiers à faire ca. Tout doit être construit, les règles doivent être établies. Larry David y rodera son style. Pas facile de causer d'un concours de masturbation alors qu'il y a deux ans encore Oncle Jessie donnait des grosses leçons de morales dans son pull en laine rose à l'une des petites sœurs Olsen. Il faut également avouer que Jerry Seinfled est un très mauvais acteur. On le voit toujours rigoler de ses propres répliques. Il est heureusement soutenu par le reste du casting dont l'incroyable George Costenza. Petit, gros, chauve, raté, énervé, le personnage lose à l'état pur. Des répliques de malades. Il résume à lui tout seul toutes les déviances inhérentes à l'organisation sociale. L'un des plus énormes personnages de sitcoms qu'il ma été donné de voir. N'oublions pas Kramer, sot, voire fou, tout se joue dans son jeu du mec qui entre dans l'appart en glissade.
Il est également étonnant de voir le nombre d'acteurs qui y font leur début. De Vic de The Shield à Mr White de Breaking Bad, en passant par les nanas de Desperates Housewifes ou encore Sex In The City. Et n'oublions pas des guests de qualité comme John Voight.

Malgré cette magnifique description, en 2010, elle a extrêmement vieillit. Les temps ont changé. On a fait plus fort (moins bon aussi). Ce style est ultra convenu à l'heure actuelle. Mais voilà, elle avait 5 ans d'avance sur les Friends qui a pompé pas mal (voir tous) de ses sujets et reste encore meilleure que les productions actuelles style How I Met Your Mother. Aux USA, cette série tourne en boucle car elle fut une révolution culturelle télévisuelle. Parfois maladroite, elle est bien plus intelligente qu'elle n'y parait, en traitant finalement de tout sauf de rien.

Créée

le 23 févr. 2011

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FlyingMan

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